La question de la relation entre le langage et la pensée a inspiré beaucoup de recherche, de débats, de controverse. La principale difficulté tient évidemment au fait que langage et pensée sont indissociables dans leur fonctionnement. Les approches les plus fructueuses ont tenté de contourner cet obstacle en abordant l'étude de la relation entre le langage et la pensée soit en cours de développement (approche génétique ou développementale), soit lors d'un court-circuit atteignant l'un ou l'autre (approche pathologique) ou encore en combinant les deux stratégies par l'étude d'enfants chez qui l'un des deux systèmes est perturbé de façon sélective. A cet égard, l'aphasie de développement présente un intérêt particulier puisque les enfants qui en sont atteints n'arrivent pas à acquérir le langage à un rythme normal en dépit d'un équipement de base apparemment adéquat, y compris l'aspect intellectuel non verbal. Si la perturbation du langage est considérée comme l'aspect prédominant de cette condition et apparaît disproportionnée face à des capacités intellectuelles suffisantes, est-ce à dire que le développement cognitif procède tout à fait normalement ? Une perspective piagétienne permet d'envisager cette question sous un angle particulièrement intéressant. Piaget conçoit le langage comme un instrument capable de représenter la réalité au moyen de signes. En tant que système de représentation, le langage n'est pas unique cependant. L'image mentale en constitue un autre exemple puisqu'elle permet :
" ... une évocation figurale d'objets, de relations et même de classes, etc., qui les traduit sous une forme concrète et simili-sensible, tout en comportant un haut degré de schématisation." (Piaget et Inhelder, 1966, p. 424)
Si l'on admet avec Piaget la réalité psychologique d'une capacité unitaire de représentation, c'est-à-dire une capacité unique quelque soit le médium qu'elle emploie, on est alors amené à se demander ce qu'il advient de l'image mentale chez des enfants dont la représentation verbale est affectée. En d'autres termes, l'atteinte au langage dans l'aphasie de développement est-elle l'expression d'un déficit cognitif plus général au niveau de la représentation. Si tel est le cas, ce déficit devrait également toucher un système de représentation non verbal, l'image mentale en l'occurrence. Le propos de cette étude sera précisément de tenter de le vérifier. Cette thèse s'ouvre sur la définition du concept de l'aphasie de développement. Le premier chapitre examine le courant de recherche qui attribue l’aphasie de développement à des déficits perceptifs. Une variante particulièrement prévalente de ce courant, celle des déficits séquentiels, y sera réfutée. Il sera aussi montré que l'insuffisance explicative des déficits auditivo-perceptifs justifie de faire appel à des processus cognitifs plus centraux pour expliquer l'aphasie de développement. Le second chapitre traite donc de la possibilité d'un déficit de la représentation défini dans le cadre de la théorie de Jean Piaget. Malgré que cette hypothèse soit envisagée sérieusement par plusieurs auteurs, peu d'études systématiques sont venues l'étayer jusqu'à présent. Après une revue de ces études, il sera donc proposé d'étudier chez l'enfant aphasique un système de représentation non verbal, soit l'image mentale. Le choix des variables ainsi que les hypothèses qui y sont associées seront ensuite exposés. Le troisième chapitre concerne la méthode et décrit principalement comment ont été élaborées les tâches servant à l'étude de l'image mentale; les autres tests utilisés y sont aussi présentés ainsi que la procédure générale. Le quatrième chapitre rapporte et discute les résultats d'une étude développementale effectuée sur des enfants normaux à l'aide de ces tâches. Il s'avérait en effet important de connaître le comportement d'enfants normaux dans les tâches d'imagerie pour mieux apprécier la performance des enfants aphasiques par la suite. Le cinquième chapitre présente les résultats de l'étude comparant les enfants aphasiques à des enfant normaux qui leur ont été pairé~ selon des mesures du développement intellectuel. La discussion finale évalue dans quelle mesure ces résultats supportent l'hypothèse d'un déficit de la représentation imagée chez l'enfant atteint d'aphasie de développement. / Québec Université Laval, Bibliothèque 2015
Identifer | oai:union.ndltd.org:LAVAL/oai:corpus.ulaval.ca:20.500.11794/28964 |
Date | 25 April 2018 |
Creators | Levasseur, Judith |
Contributors | Boisclair, Andrée |
Source Sets | Université Laval |
Language | French |
Detected Language | French |
Type | thèse de doctorat, COAR1_1::Texte::Thèse::Thèse de doctorat |
Format | vi, 382 f., application/pdf |
Rights | http://purl.org/coar/access_right/c_abf2 |
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