Les segments centre et nord du Rift du Kenya sont aujourd'hui considérés comme parmi les régions du Système de Rift Est-africain les plus prometteuses pour l'exploration pétrolière. Au cours des années 70, de nombreuses compagnies pétrolières se sont intéressées à la région nord-est du Kenya, correspondant au système de rift d'Anza (âge Crétacé-Miocène), sans réaliser de découverte pétrolière. C'est à la suite de la mise en évidence au cours des années 80 d'importantes réserves en hydrocarbures dans les bassins de rift du Soudan qu'une phase d'intense exploration a été relancée dans le nord du Kenya (région du lac Turkana) par les compagnies Amoco, puis Shell. Des opérations de sismique réflexion associées à des forages à l'ouest immédiat du lac Turkana au nord du Kenya ont permis de reconnaître plusieurs bassins sédimentaires enfouis. Deux ensembles de bassins de type demi-graben, orientés nord-sud ont été identifiés, les plus anciens étant interprétés comme d'âge Crétacé-Paléogène. Au vu de ces découvertes, d'autres recherches ont été conduites soit sous un aspect pétrolier soit sous un aspect plus académique dans la région du rift central central du Kenya. Deux bassins orientés nord-sud, le Bassin de Baringo et le Bassin de Kerio ont été explorés avec des méthodes géophysiques. Tous ces bassins du centre et du nord du Rift du Kenya contiennent des remplissages sédimentaires de 5 à 8 km d'épaisseur, faits de sédiments alluviaux, fluvio-deltaiques et lacustres associés parfois à des roches volcaniques. Ces dépôts sont d'âge Paléogène-Miocène supérieur ou Paléogène-Présent. En complément des études géophysiques et des rares forages réalisés, de nouvelles études de terrain ont été conduites dans le cadre de cette thèse sur certaines formations géologiques constituant ces remplissages de bassins, formations jusqu'alors fort peu voire pas du tout étudiées. Ainsi, les formations de Lapur, Muruanachok et Lokichar ont été analysées du point de vue sédimentologique et diagénétique. Ces formations sont ensuite replacées dans leur contexte stratigraphique et structural de bassins de rift et comparées entre elles. Outre le potentiel réservoir des remplissages sédimentaires de ces bassins, le potentiel « roche-mère » de ces formations a également été considéré. Les caractères ainsi définis pour chacun de ces bassins ont permis de proposer une classification en termes de potentiel pétrolier, pouvant guider une exploration future de ces bassins. La première partie de cette thèse concerne la formation sédimentaire de Lapur (Lapur Sandstone Formation), qui a été pour la première fois brièvement décrite par l'explorateur-géologue français Arambourg (1933). Située dans une région réputée comme hostile à la frontière Kenya-Ethiopie, cette formation a souvent été citée dans la littérature ayant trait à la géologie de la région du lac Turkana, mais toujours sans réelles données de terrain. En 2004, un levé stratigraphique précis assorti d'un échantillonnage dense a été entrepris sur la Formation de Lapur, dans la région de la Gorge de Lokitaung à l'extrémité nord du lac Turkana. Cinq cent mètres de formation sédimentaire, d'accès difficile, ont été levés en détail en une dizaine de jours, constituant la première coupe-type de la Formation de Lapur. Deux types d'environnements de dépôt ont pu être identifiés par l'étude des faciès sédimentaires : un environnement de type « cône alluvial » à la base et au sommet de la formation, et un environnement de « réseau fluviatile en tresses » dans la partie médiane de la formation. L'âge inférieur de la Formation de Lapur était grossièrement connu par la découverte de restes de dinosaures, donnant un âge Cénomanien. L'âge supérieur a pu être affiné par des observations de terrain précisant la nature des contacts entre les termes supérieurs de la formation et les laves les surmontant (« Turkana Volcanics »), laves qui ont été datées entre 37 et 33 Ma, soit fini Eocène-Oligocène inférieur. Les observations de terrain ont montré que la sédimentation continentale a perduré pendant quelques millions d'années lors de la mise an place des premières coulées. L'histoire de la Formation de Lapur représente une longue période de temps (plus de 30 Ma), mais vraisemblablement entrecoupée par des périodes de lacunes sédimentaires qui n'ont pas clairement été identifiées lors des levés de terrain. L'étude diagénétique de la Formation de Lapur est un élément essentiel de ce travail de thèse. Plusieurs phases de diagenèse ont été identifiées, avec des ciments de type calcite, hématite et kaolin. Ces épisodes de diagenèse sont interprétés en fonction des variations climatiques entre le Cénomanien et l'Oligo-Miocène, période de mise en place des plusieurs centaines de mètres de laves de la formation «Turkana Volcanics». L'étude des variations de la porosité sur l'ensemble de la Formation de Lapur a montré des caractéristiques de «bon à très bon réservoir» avec des porosités voisines de 25 %. La position structurale d'une telle unité sédimentaire à fort potentiel de roche réservoir est d'une grande importance dans une région à potentiel pétrolier telle la dépression du Turkana. Les travaux de terrain conduits dans la région associés à la réinterprétation des quelques lignes sismiques acquises dans cette région par la compagnie Amoco et à des données récentes de géophysique montrent la présence de la Formation de Lapur dans le bassin du Turkana, enfouie sous plus de 2,5 km de sédiments fluvio-lacustres d'âge Mio-Pliocène. Dans le bassin voisin de Gatome, la Formation de Lapur ou une formation stratigraphiquement équivalente est mise en évidence à une profondeur de 3 km. Ces ensembles peuvent constituer des cibles pétrolières préférentielles. La deuxième partie de ce travail représente l'étude sédimentologique et diagénétique d'une deuxième formation sédimentaire présente dans la dépression du Turkana, formation très peu connue et toujours très brièvement citée dans la littérature, la Formation de Muruanachok. Un log lithostratigraphique inédit a été levé dans le cadre de cette thèse. Les affleurements de cette Formation de Muruanachok sont très restreints au milieu de la plaine de Lotikipi, vaste étendue plane située à l'ouest du lac Turkana, qui représente l'expression de surface des deux grands demi-grabens de Lotikipi et Gatome. Les faciès sédimentaires témoignent pour la Formation de Muruanachok d'un environnement fluviatile de type « réseau en tresses », pouvant être comparé à celui décrit pour la Formation de Lapur. L'étude diagénétique de la Formation de Muruanachok met en évidence 3 types de ciment, calcite, hématite, et kaolin, comparables à ceux mis en évidence pour la Formation de Lapur. Les mesures de porosité démontrent pour cette formation des caractéristiques voisines de celles de la Formation de Lapur. Toutefois, l'absence de bonnes données de terrain, conséquence de très mauvaises conditions d'affleurement et aussi de données de subsurface (pas de données sismiques dans cette région, pas de forages) rend quasiment impossible l'établissement d'un lien paléogéographique entre la Formation de Lapur et la Formation de Muruanachok. La troisième partie de cette thèse représente une étude du point de vue potentiel pétrolier (caractéristiques en termes de roches-réservoir, mais aussi en termes de présence de roches-mères, de certains bassins sédimentaires des segments nord et centre du Rift du Kenya, respectivement les bassins de Lotikipi et Gatome au nord-ouest du lac Turkana, les bassins de Lokichar, Nord Lokichar et Nord Kerio au sud-ouest du lac Turkana, et les bassins de Kerio et Baringo dans le Rift central du Kenya. Les bassins du segment nord du Rift du Kenya ont été les plus intensément étudiés lors de la phase d'exploration pétrolière des années 80. Ce sont les bassins les plus anciens de cette zone, avec un âge Paléogène, mais pouvant être aussi plus ancien (Crétacé moyen-supérieur ?) par comparaison avec les bassins sédimentaires associés au système de rift du Sud-Soudan, qui ont révélé un potentiel pétrolier de grande importance. Les bassins de Lotikipi et Gatome sont les deux bassins les plus proches de ceux du Système de rift du Sud-Soudan, du point de vue géographique mais surtout du point de vue caractéristiques géologiques. Ces deux bassins sont mal connus du point de vue de leur structure, n'ayant fait l'objet que d'une reconnaissance sismique tout-à-fait mineure avec 3 lignes sismiques. Seule l'extrémité nord du Bassin de Gatome révèle un remplissage sédimentaire épais sous l'empilement d'épaisseur plurikilométrique de laves de la Formation « Turkana Volcanics », d'âge fini-Eocène-Oligocène inférieur. Les études de terrain et les résultats d'une campagne géophysique montrent que ce remplissage sédimentaire pourrait correspondre à la Formation de Lapur, qui affleure largement à l'est de ce bassin, et qui présente de bonnes caractéristiques de roche-réservoir. Néanmoins, l'étude sédimentologique de la Formation de Lapur n'a pas permis la mise en évidence dans cette série sédimentaire de roches pouvant présenter des caractéristiques de bonnes roches-mères pétrolières. Seules des études de sismique réflexion plus poussées couplées à la réalisation de forages d'exploration pourraient permettre de lever ces importants points d'interrogation. Au sud-ouest du lac Turkana, la réalisation d'une couverture sismique dense par la compagnie pétrolière Amoco a permis la mise en évidence de 3 bassins sédimentaires de type demi-graben, d'âge Paléogène à Miocène moyen , les bassins de Lokichar, Nord Lokichar, et Nord Kerio. L'interprétation des données de sismique réflexion, calibrées à l'aide d'un forage d'exploration réalisé dans le Bassin de Lokichar (forage Loperot-1), a montré l'existence d'un épais remplissage sédimentaire constitué d'alternances de dépôts gréseux, de type fluviatile à fluvio-deltaique, et de dépôts argileux de faciès lacustre, très riches en matière organique. Les grès présents dans les bassins de Lokichar et Nord Lokichar ont été étudiées du point de vue de leur composition pétrographique et de leur évolution diagénétique. Ils ont révélé de très bonnes caractéristiques réservoir. Le couplage de ces formations avec les épaisses unités d'argiles lacustres identifiées dans le forage Loperot-1 donne au Bassin de Lokichar un intérêt tout particulier en termes de potentiel pétrolier. Des indices d'huile ont en effet été mis en évidence en plusieurs points du forage. Des caractéristiques comparables peuvent être espérées pour le bassin voisin, le Bassin de Nord Kerio, qui a été malheureusement bien moins étudié que le Bassin de Lokichar. La sismique réflexion montre que les unités d'argiles lacustres à fort potentiel roche-mère forées dans le Bassin de Lokichar se prolongent dans le Bassin de Nord Kerio, et ont été déposées au cours d'une phase lacustre de grande amplitude, ayant abouti à la formation d'un grand lac d'eau douce. Les conditions de développement d'un tel grand lac sont conformes aux données climatiques et environnementales obtenues d'après des études palynologiques et paléontologiques réalisées dans ce bassin. Ces données indiquent pour la période Oligocène inférieur-Miocène inférieur des conditions climatiques de type «tropical humide» avec des précipitations jusqu'à 3 fois supérieures aux précipitations actuelles (50 mm). Des études plus précises sur la structure des deux bassins de Lokichar et Nord Kerio, couplées à la réalisation de nouveaux forages d'exploration permettront de confirmer le bon potentiel pétrolier de ces bassins. Le segment central du Rift du Kenya n'a fait l'objet que de peu d'exploration pétrolière, compte-tenu de son plus grand éloignement des bassins productifs du Sud Soudan mais aussi à cause de son histoire volcanique plus importante que celle de la dépression du Turkana. Par ailleurs, en l'absence de données géophysiques et de forages, l'histoire géologique de cette région était définie comme plus récente que celle du segment Nord, les deux bassins majeurs identifiés, Kerio et Baringo, étant identifiés comme formés au Miocène inférieur. Des données géophysiques (sismique réflexion, gravimétrie et magnéto-tellurique) acquises dans les années 90 ont conduit à une ré-interprétation de l'histoire géologique de ce segment du Rift Kenyan, et de repousser au Paléogène l'initiation des deux bassins de Kerio et Baringo. Une similitude est ainsi apparue entre l'histoire du segment nord du Rift, et celle du segment central. Ces deux bassins ont par ailleurs été très étudiés du point de vue paléontologique et paléoenvironnemental, avec une attention toute particulière pour deux formations sédimentaires d'âge Miocène, les Formations de Tambach et de Ngorora. Ces deux formations témoignent de la présence dans ces deux bassins de vastes environnements fluvio-lacustres démontrant en particulier une richesse en sédiments lacustres riches en matière organique, et en conséquence à fort potentiel pétrolier. Ces deux bassins n'étant toutefois que d'âge Miocène, un problème de maturation des matières organiques peut se poser. Mais les récentes découvertes en hydrocarbures réalisées dans un environnement comparable et d'âge très voisin, dans le Bassin du lac Albert en Uganda, renforcent l'intérêt des compagnies pétrolières pour ce type de bassin et de série sédimentaire. En conclusion, les différents résultats acquis dans ce travail tant du point de vue sédimentologique, diagénétique et de géologie de bassin, permettent de confirmer l'existence dans les segments nord et centre du Rift du Kenya de plusieurs bassins à potentiel pétrolier intéressant, avec une priorité donnée aux bassins qui présentent à la fois des roches aux caractéristiques réservoir positives, couplées à l'existence dans la même série de roches-mères à bon potentiel. Les bassins de Lokichar et Nord Kerio se placent ainsi en position prioritaire. Quoique plus jeunes, les séries des bassins de Kerio et Baringo présentent des caractéristiques voisines de celles du Bassin de Lokichar. Une exploration plus poussée dans les zones les plus profondes des bassins pourrait se révéler encourageante, mais demeure toutefois le problème du volcanisme, très présent au cours de l'évolution de cette région. Enfin, le potentiel en hydrocarbures des bassins « anciens » (Crétacé-Paléogène) du segment nord demeure attractif, du fait de la similitude de ces bassins avecceux productifs du Sud Soudan, mais une exploration plus approfondie du point de vue sismique et forages est nécessaire à une bonne évaluation du potentiel de cette région.
Identifer | oai:union.ndltd.org:CCSD/oai:tel.archives-ouvertes.fr:tel-00534181 |
Date | 11 December 2009 |
Creators | Thuo, Peter |
Publisher | Université de Bretagne occidentale - Brest |
Source Sets | CCSD theses-EN-ligne, France |
Language | French |
Detected Language | French |
Type | PhD thesis |
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