L’approche d’apprentissage par problèmes (APP) a vu le jour, dans sa forme contemporaine, à la Faculté de médecine de l’Université MacMaster en Ontario (Canada) à la fin des années 1960. Très rapidement cette nouvelle approche pédagogique active, centrée sur l’étudiant et basée sur les problèmes biomédicaux, va être adoptée par de nombreuses facultés de médecine de par le monde et gagner d’autres disciplines. Cependant, malgré ce succès apparent, l’APP est aussi une approche controversée, notamment en éducation médicale, où elle a été accusée de favoriser un apprentissage superficiel. Par ailleurs, les étudiants formés par cette approche réussiraient moins bien que les autres aux tests évaluant l’acquisition des concepts scientifiques de base, et il n’a jamais été prouvé que les médecins formés par l’APP seraient meilleurs que les autres.
Pour mieux comprendre ces résultats, la présente recherche a voulu explorer l’apprentissage de ces concepts scientifiques, en tant que processus de construction, chez des étudiants formés par l’APP, à la Faculté de médecine de l’Université de Montréal, en nous appuyant sur le cadre théorique socioconstructivisme de Vygotski. Pour cet auteur, la formation des concepts est un processus complexe de construction de sens, en plusieurs étapes, qui ne peut se concevoir que dans le cadre d’une résolution de problèmes.
Nous avons réalisé une étude de cas, multicas, intrasite, les cas étant deux groupes de neuf étudiants en médecine avec leur tuteur, que nous avons suivi pendant une session complète de la mi-novembre à la mi-décembre 2007.
Deux grands objectifs étaient poursuivis: premièrement, fournir des analyses détaillées et des matériaux réflectifs et théoriques susceptibles de rendre compte du phénomène de construction des concepts scientifiques de base par des étudiants en médecine dans le contexte de l’APP. Deuxièmement, explorer, les approches de travail personnel des étudiants, lors de la phase de travail individuel, afin de répondre à la question de recherche suivante : Comment la dynamique pédagogique de l’APP en médecine permet-elle de rendre compte de l’apprentissage des concepts scientifiques de base?
Il s’agissait d’une étude qualitative et les données ont été recueillies par différents moyens : observation non participante et enregistrement vidéo des tutoriaux d’APP, interview semi-structuré des étudiants, discussion avec les tuteurs et consultation de leurs manuels, puis traitées par diverses opérations: transcription des enregistrements, regroupement, classification. L’analyse a porté sur des collections de verbatim issus des transcriptions, sur le suivi de la construction des concepts à travers le temps et les sessions, sur le role du tuteur pour aider au développement de ces concepts
Les analyses suggèrent que l’approche d’APP est, en général, bien accueillie, et les débats sont soutenus, avec en moyenne entre trois et quatre échanges par minute. Par rapport au premier objectif, nous avons effectivement fourni des explications détaillées sur la dynamique de construction des concepts qui s'étend lors des trois phases de l'APP, à savoir la phase aller, la phase de recherche individuelle et la phase retour. Pour chaque cas étudié, nous avons mis en évidence les représentations conceptuelles initiales à la phase aller, co-constructions des étudiants, sous la guidance du tuteur et nous avons suivi la transformation de ces concepts spontanés naïfs, lors des discussions de la phase retour.
Le choix du cadre théorique socio constructiviste de Vygotski nous a permis de réfléchir sur le rôle de médiation joué par les composantes du système interactif de l'APP, que nous avons considéré comme une zone proximale de développement (ZPD) au sens élargi, qui sont le problème, le tuteur, l'étudiant et ses pairs, les ressources, notamment l'artefact graphique carte conceptuelle utilisée de façon intensive lors des tutoriaux aller et retour, pour arriver à la construction des concepts scientifiques.
Notre recherche a montré qu'en revenant de leurs recherches, les étudiants avaient trois genres de représentations conceptuelles: des concepts corrects, des concepts incomplets et des concepts erronés. Il faut donc que les concepts scientifiques théoriques soient à leur tour confrontés au problème concret, dans l'interaction sociale pour une validation des attributs qui les caractérisent. Dans cette interaction, le tuteur joue un rôle clé complexe de facilitateur, de médiateur, essentiellement par le langage. L'analyse thématique de ses interventions a permis d'en distinguer cinq types: la gestion du groupe, l'argumentation, les questions de différents types, le modelling et les conclusions. Nous avons montré le lien entre les questions du tuteur et le type de réponses des étudiants, pour recommander un meilleur équilibre entre les différents types de questions.
Les étudiants, également par les échanges verbaux, mais aussi par la construction collective des cartes conceptuelles initiales et définitives, participent à une co-construction de ces concepts. L'analyse de leurs interactions nous a permis de relever différentes fonctions du langage, pour souligner l'intérêt des interactions argumentatives, marqueurs d'un travail collaboratif en profondeur pour la co-construction des concepts
Nous avons aussi montré l'intérêt des cartes conceptuelles non seulement pour visualiser les concepts, mais aussi en tant qu'artefact, outil de médiation psychique à double fonction communicative et sémiotique.
Concernant le second objectif, l’exploration du travail personnel des étudiants, on constate que les étudiants de première année font un travail plus approfondi de recherche, et utilisent plus souvent des stratégies de lecture plus efficaces que leurs collègues de deuxième année. Ceux-ci se contentent, en général, des ouvrages de référence, font de simples lectures et s’appuient beaucoup sur les résumés faits par leurs prédécesseurs. Le recours aux ouvrages de référence essentiellement comme source d'information apporte une certaine pauvreté au débat à la phase retour avec peu d'échanges de type argumentatif, témoins d'un travail profond.
Ainsi donc, par tout ce soutien qu'elle permet d'apporter aux étudiants pour la construction de leurs connaissances, pour le type d'apprentissage qu'elle offre, l’APP reste une approche unique, digne d’intérêt. Cependant, elle nécessite d'être améliorée par des interventions au niveau du tuteur et des étudiants. / The Problem-based learning (PBL) approach was developed, in its contemporary form, at the Faculty of Medicine, of MacMaster University in Ontario (Canada) in the late 1960s. Very quickly, this new active pedagogical approach, student-centered and based on biomedical problems, will be adopted by many medical schools around the world and used also in other disciplines. Despite its apparent success, however, PBL is also a controversial approach, particularly in medical education, where it has been blamed for promoting superficial learning. Furthermore, it has been documented that students trained by this approach, tend to be less successful at tests assessing the acquisition of basic scientific concepts.To what degree doctors trained by PBL excel in their work as doctors, remains to be determined as well.
To better understand these results, this study sought to explore further the construction of scientific concepts, in the context of PBL, at the Faculty of Medicine, of Université de Montréal. The study is grounded in Vygotsky’s sociocultural theory and its inherent treatment of concepts’ formation as a complex construction process of meaning. We conducted a case study, multiple cases in the same site, the cases being two groups of nine medical students with their tutor that we followed during a full session, from mid-November to mid-December 2007.
Two major objectives guided the study: First, we sought to offer a detailed study of the process of meaning making and development of scientific concepts by medical students in the context of PBL. Second, we studied students’ individual work that followed initial tutor mediated discussion of the case, and preceded the return session. We tried to answer to the following research question: How do the dynamics of PBL in medicine support students’construction of scientific concepts?
The study was qualitative in nature, and data were collected through various means: no participant observation, video recordings of PBL tutorial sessions, semi-structured interviews of students, discussion with tutors and the consultation of their manuals. Analysis entailed the verbatim transcriptions of the observed problem solving sessions and interviews, and in turn inductive data analysis of concept formation accross time and over session. Through the grouping and classification of data and study of evolution of concepts over time, insights could be gathered into students’development of scientific concepts and the tutor’s role in this construction.
Analysis suggests that PBL approach is generally well received, and discussions are lively, with an average of three to four exchanges per minute.
Considering the first goal, we offered detailed explanations of the dynamics of concepts’ building that extends in all three phases of the PBL, namely the initial phase, the individual student research phase and the return phase. For each case studied, we highlighted the initial conceptual representations, resulting of students’ interactions, under the guidance of the tutor, and followed their transformation, through discussions at return phase.
The choice of social constructivist theoretical framework of Vygotsky has allowed us to reflect on the mediation role played by components of the interactive system of PBL, that we considered as a zone of proximal development (ZPD) in a broader sense, and which are the problem, the tutor, the student and his peers, resources, including graphics artifact conceptual map, used extensively in all tutorials, to support the construction of scientific concepts.
Our research has shown that students developed three kinds of conceptual representations: correct concepts, incomplete concepts and misconceptions, returning from their research. So, it is necessary, through social interaction, that attributes of scientific theoretical concepts be validated by facing the practical problem.
In this interaction the tutor plays a key complex role of facilitator, mediator, mainly through language. Thematic analysis of his interventions helped to distinguish five themes: group management, arguments, questions of different types, modeling and conclusions. We have shown the link between tutor’s questions and the type of student responses, to recommend a better balance between different types of tutor’s questions.
Students, also by verbal exchanges and by the collective construction of initial and final concept maps participate in the co-construction of these concepts. Analysis of their interactions enabled us to identify different functions of language, to emphasize the importance of argumentative interactions, markers of in depth collaborative work.
We also showed interest of concept maps not only to visualize the concepts, but also as artifacts and tools of psychic mediation that play both, communicative and semiotics functions, in the development of scientifically sound concepts.
Regarding the second objective, the exploration of students’ personal work, we found that first year students pursued a more thorough search, and relied on more effective reading strategies than their second year colleagues. These second year students relied more on reference books, reading simply and relying heavily on the summaries made by their predecessors, which is suggestive of a more superficial learning. Those students also, relied more on tutor.
By using textbooks essentially as information source, debates were marked by cognitive low level exchanges, leading to little argumentative exchange and lack of deep and engaging collaborative work.
Overall, however, the research suggests PBL is a unique, worthwhile pedagogical approach, offering students with opportunities to construct new conceptual understandings of complex medical concepts with help of a team within the zone of proximal development. But it requires to be improved by interventions concerning both tutors and students.
Identifer | oai:union.ndltd.org:umontreal.ca/oai:papyrus.bib.umontreal.ca:1866/4775 |
Date | 12 1900 |
Creators | Pono-Ntyonga, Marie-Pierrette |
Contributors | Loiola, Francisco A. |
Source Sets | Université de Montréal |
Language | French |
Detected Language | French |
Type | Thèse ou Mémoire numérique / Electronic Thesis or Dissertation |
Page generated in 0.0043 seconds