Les plantes sont des organismes sessiles, ce qui implique qu'elles doivent passer à travers tous les stades de leur développement au même endroit peu importe les conditions environnementales. La transition de la phase végétative (production de tiges et feuilles) à la phase reproductive (production de fleurs) est une étape cruciale de ce développement. Les facteurs environnementaux tels que la durée de l'ensoleillement, la température, les nutriments et la disponibilité en eau sont des déterminants importants de cette transition, et donc de la floraison. En zones tempérées, la majorité des espèces végétales ont développé des mécanismes d'adaptation leur permettant d'optimiser leur développement en fonction des conditions de température et d'ensoleillement. Des pertes agricoles importantes peuvent être encourues si ces conditions ne sont pas optimales. Le blé est une des espèces céréalières essentielles à cause de son utilisation quotidienne directe et indirecte dans la nourriture de la population humaine mondiale et des animaux. Cette céréale est composée essentiellement de cultivars d'hiver et de cultivars de printemps. Les cultivars d'hiver sont semés en automne et récoltés en début d'été, donc traversant tout l'automne et l'hiver avec le risque de pertes dues au gel. Les cultivars de printemps sont semés au printemps et récoltés en fin d'été avec le risque de pertes dues au gel d'automne et aux attaques d'insectes ravageurs plus abondants à ce moment. La floraison du blé d'hiver requiert une exposition prolongée aux températures basses, un processus appelé vernalisation. Chez le blé hexaploïde (Triticum aestivum L.), le processus de vernalisation est régi par une des voies génétiques qui impliquent trois gènes principaux qui codent pour des facteurs de transcription, Triticum aestivum VERNALIZATION1 (TaVRN1), Triticum aestivum
VERNALIZATION2 (TaVRN2) et Triticum aestivum FLOWERING LOCUS T like 1 (TaFT1), également appelé TaVRN3. TaVRN1 et TaVRN3 sont des activateurs de la floraison tandis que TaVRN2 est un répresseur de la floraison. Afin de comprendre la fonction et la régulation de chacun de ces trois gènes dans la floraison du blé hexaploïde, j'ai utilisé une approche génomique (biopuce) combinée à des outils bioinformatiques (analyse de données et de séquences) et une approche de génétique moléculaire (régulation de l'expression génique, épigénétique, et mutagène). Dans une première étude, j'ai testé si VRN2 peut agir comme un répresseur de la floraison chez une espèce de plante différente des céréales tempérées. Pour atteindre cet objectif, nous avons exprimé de façon constitutive chez Arabidopsis thaliana le gène du blé TaVRN2. Les plantes transgéniques obtenues n'ont montré aucune altération de leur morphologie, mais leur date de floraison a été considérablement retardée par rapport aux plantes contrôles. Ces résultats indiquent que TaVRN2, bien que n'ayant pas d'orthologue connu chez les Brassicaceae, agit comme un répresseur de la floraison chez ces espèces. Des études sur la tolérance au gel ont révélé que les plantes transgéniques ont une tolérance au gel plus élevée que les plantes contrôles. Dans l'ensemble, ces données suggèrent que le gène TaVRN2 pourrait moduler des voies de régulation qui régissent le temps de floraison et l'induction de la tolérance au gel. Des études d'expression de la transcription indiquent que l'expression de TaVRN-A1 et TaFT-A1 chez le blé d'hiver est induite par la vernalisation. En utilisant la méthode d'immunoprécipitation sur la chromatine (IPCh ou ChIP) nous avons démontré que cette régulation à la hausse est associée à une augmentation du niveau de méthylation de l'histone-3-lysine-4-triméthylation (H3K4Me3) impliquée dans la régulation épigénétique alors qu'on ne note pas de changement du niveau de l'histone-3-lysine-27-triméthylation (H3K27Me3) à la région promotrice de TaVRN-A1 et TaFT1-A1. Cependant pour les deux marqueurs, leur niveau d'expression est maintenu comparable à la région promotrice TaVRN-B2. H3K4me3 est un marqueur d'activation de la transcription alors que H3K27Me3 est un marqueur de répression de la transcription. Des résultats d'analyses de séquences de promoteur de chaque gène obtenus avec l'utilisation d'outils bioinformatiques révèlent la présence d'éléments cis ciblés par des facteurs de transcription communs chez les espèces de plante qui exigent la vernalisation pour fleurir. Ces données suggèrent l'implication de ces éléments cis ciblés durant la vernalisation. Ces promoteurs possèdent également des éléments de réponse au Polycomb et au Trithorax qui lient les groupes de protéines Polycomb et Trithorax, pour maintenir les états de transcription réprimé ou actif des gènes de développement importants. L'ensemble de ces données indique que la transition de la floraison induite par la vernalisation chez le blé est régulée de façon épigénétique et est médiée par la méthylation des histones au niveau des promoteurs de TaVRN1, TaFT1 et TaVRN2. Ceci peut représenter une partie de la mémoire cellulaire de vernalisation chez le blé. Afin d'étudier l'impact de l'absence du gène VRN1 sur des gènes associés à la floraison, nous avons utilisé une approche génomique basée sur une analyse du transcriptome des plantes d'un mutant mvp-1 (maintained vegetative phase) contenant une délétion de gènes incluant VRN1. Les résultats de cette analyse indiquent que cette délétion conduit à la régulation de 368 gènes. Parmi les gènes hautement régulés, on compte ceux associés à la réponse aux pathogènes (PR) et aux jasmonates. Ces résultats suggèrent que cette délétion dans les plantes du mutant mvp-1 causant l'absence de floraison est associée à l'activation de la réponse moléculaire du mécanisme de défense modulée par la biosynthèse de l'hormone méthyl jasmonate (MeJA). Pour confirmer l'implication du MeJA dans la floraison, nous avons mesuré la teneur en MeJA dans les plantes homozygotes du mutant mvp-1 et des plantes de type sauvage. Le contenu en MeJA était six fois plus élevé dans les plantes du mutant mvp-1 en comparaison du contenu du MeJA dans les plantes de type sauvage. Un traitement avec 150 µM de MeJA sur du blé de printemps hexaploïde (cv Manitou) montre un retard de floraison de deux semaines et une croissance réduite des plantes traitées. Ce retard dans la floraison était associé à la répression significative du gène Triticum aestivum FLOWERING LOCUS T like 1 (TaFT1) supportant ainsi le rôle possible du MeJA dans le contrôle de la floraison. Les résultats obtenus dans le cadre de ces travaux de doctorat montrent l'importance du rôle des gènes VRN1, VRN2 et VRN3 ainsi que de l'hormone MeJA dans la mise en place des mécanismes d'adaptation pour mieux synchroniser la floraison et le développement du blé face aux changements environnementaux. En perspective, cette étude offre des avenues prometteuses afin d'améliorer des stratégies agricoles et la productivité céréalière.
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MOTS-CLÉS DE L’AUTEUR : Acclimatation au froid, Biopuce, Blé, Épigénétique, Facteurs de transcription, Floraison, Immunoprécipitation de chromatine, Mutant, Photopériode, Transgénique, Tolérance au gel, Vernalisation.
Identifer | oai:union.ndltd.org:LACETR/oai:collectionscanada.gc.ca:QMUQ.4930 |
Date | 06 1900 |
Creators | Diallo, Amadou Oury |
Source Sets | Library and Archives Canada ETDs Repository / Centre d'archives des thèses électroniques de Bibliothèque et Archives Canada |
Detected Language | French |
Type | Thèse acceptée, NonPeerReviewed |
Format | application/pdf |
Relation | http://www.archipel.uqam.ca/4930/ |
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