La présence à l'affleurement de roches à texture grossière, en volumes certes faibles, apparaît être un point commun à nombre d'édifices volcaniques intraplaques océaniques. Ainsi, des roches plutoniques/intrusives de textures et de géochimies très variées (cumulats ou non, tant sous-saturées que sursaturées en silice, mafiques aussi bien que felsiques) ont été décrites par exemple au Piton des Neiges et au Piton de la Fournaise (île de la Réunion), aux îles Marquises, en Islande, dans les îles Hawaii, les îles Canaries ou dans l'archipel des Kerguelen. Dans l'archipel volcanique intraplaque océanique de la Société (Polynésie française), la présence de roches intrusives à texture grossière (roches grenues ou pegmatitoïdiques) au sein des édifices est connue depuis le milieu du XIXème siècle. Elles ont été identifiées en place dans les îles de Tahiti (Tahiti Nui et Taiarapu), Raiatea, Tahaa, Bora Bora et Maupiti, et sous forme de blocs dans les îles de Moorea et Huahine. Le présent travail constitue la première étude synthétique des roches à texture grossière des îles de la Société. Il s'appuie sur des observations de terrain et un échantillonnage effectués sur les massifs grenus et pegmatitoïdiques des îles de Tahiti Nui (massif de Ahititera), Raiatea (massif de la Vallée de Faaroa), Bora Bora (intrusion de la Cloche de Hiro) et Maupiti (deux intrusions: le Faataufi et la Barque de Hiro). Même si chaque intrusion possède ses caractères propres qui permettent d'y étudier des problèmes particuliers, cette étude a conduit à constituer deux groupes au sein de ces cinq intrusions, chacun d'entre eux étant défini par des caractéristiques spécifiques ayant trait à la morphologie, à la lithologie et au mode de mise en place des roches. Le premier groupe comprend les deux grands massifs lithologiquement complexes de Tahiti Nui et de Raiatea; le second réunit les trois intrusions de petite dimension de Maupiti et Bora Bora. o Le massif de Ahititera (Tahiti Nui) affleure sur plus de 3 km2 dans le centre de la dépression en forme de fer à cheval de 8 km de diamètre qui occupe le cœur de l'île. Les sept types pétrographiques qui le constituent sont associées en trois ensembles distincts: les cumulats clinopyroxénolitiques et les gabbros forment un groupe faiblement sous-saturé en silice; les hornblendites à texture de cumulat, les théralites, les essexites et les (monzo-)syénites néphéliniques constituent un second groupe plus fortement sous-saturé. Les syénites sont à classer à part, car ces roches se sont mises en place sous la forme d'une petite intrusion en marge du massif de Ahititera. Les deux ensembles principaux se sont formés en deux stades distincts: entre 1 et 0,8 Ma pour les gabbros et les clinopyroxénolites; entre 0,60 et 0,39 Ma dans le cas des roches fortement sous-saturées, mises en place de manière "emboîtée" par rapport au premier massif, à la fin de la phase de construction du second volcan bouclier tahitien. L'intrusion de ce dernier ensemble pétrographique, à faible profondeur, est une cause possible de la déstabilisation du flanc nord de l'édifice volcanique qui a précédé le glissement gravitaire du secteur du volcan situé à l'aplomb du massif grenu. Nous considérons qu'un tel glissement sectoriel est probablement à l'origine de la formation de la caldeira centrale de Tahiti Nui et des dépôts d'avalanche de débris, dont l'épaisseur peut atteindre 500 m, qui en occupent le fond et remplissent en partie la Vallée de la Papenoo jusqu'à la côte nord de Tahiti. o Le massif grenu observable à Raiatea affleure sur 1,04 km2 au centre de la caldeira emboîtée en forme de fer à cheval de Faaroa (5,2 km de diamètre), qui occupe la moitié méridionale de l'île. L'intrusion, peut être également zonée, s'est mise en place à la fin de la phase de construction du volcan bouclier de Raiatea (avant 2,53 Ma). Elle associe deux types de roches mafiques: des gabbros, qui peuvent être considérés comme des équivalents grenus de basaltes alcalins de l'île, et des théralites (volumétriquement largement majoritaires) qui sont chimiquement distinctes des roches mafiques effusives de Raiatea. o L'intrusion de la Cloche de Hiro affleure à l'ouest de l'île de Bora Bora. Il s'agit d'un dyke épais (250 m x 120 m) qui s'est mis en place antérieurement à la formation de la caldeira et qui est recoupé transversalement par la faille bordière de cette structure. L'intrusion est formée de roches de composition basaltique à intermédiaire, à texture majoritairement pegmatitoïdique. Dans le détail, ce dyke apparaît chimiquement et texturalement zoné, depuis les parties périphériques jusqu'à la zone axiale. L'état d'évolution des roches est fortement connecté à l'évolution texturale progressive (depuis des texture hétérogranulaires jusqu'à des pegmatitoïdes). La richesse en eau du magma au moment de la mise en place est à l'origine de la texture pegmatitoïdique ainsi que, vraisemblablement, à celle du processus de cristallisation fractionnée in situ qui a conduit à la zonation chimique de l'intrusion. o Géochimiquement distinctes entre elles et différentes des roches mafiques effusives de Maupiti, les deux intrusions du Faataufi et de la Barque de Hiro affleurent dans le quart nord-ouest de l'île. Si l'intrusion du Faataufi (exposée sur 160 x 45 m) présente une géométrie mal contrainte, celle de la Barque de Hiro montre clairement une structure de dyke épais (300 x 60 m). Dans les deux cas, la roche dominante est un gabbro non-cumulatif. L'originalité majeure des roches grenues de Maupiti réside en la présence d'H.T.I. (High Temperature Iddingsite), qui fait l'objet d'une étude structurale et cristallochimique spécifique. Cette étude nous conduit à interpréter l'H.T.I. comme une forme oxydée (présence de Fe3+) et hydroxylée (incorporation de OH-) de l'olivine. Ces transformations se produisent dans les stades précoces de l'histoire de la cristallisation des gabbros. Elles sont probablement à mettre en relation avec des conditions de fugacité d'oxygène temporairement anormalement élevées et pourraient être connectées à l'apparition de structures de différenciation interne (poche hawaiitique à texture pegmatitoïdique). Les variations (sur une large gamme) du degré d'hydroxylation/oxydation de l'olivine conduit à l'apparition au sein des deux massifs de Maupiti d'une "série continue" de faciès d'H.T.I., entre des couronnes fines ceinturant des cœurs d'olivine fraîche (un faciès déjà décrit dans la littérature dans le cas de roches effusives) et des "noyaux" de composition fayalitique au sein des cristaux d'olivine (cette dernière forme n'avait jamais été décrite jusqu'à présent). Chacun des cinq massifs ou intrusions étudiés dans le cadre de ce travail possède une ou des "affinité(s)" texturale(s) qui permettent de le démarquer des autres. La variété texturale est telle qu'il est ainsi possible de recouvrir l'ensemble des types de textures grossières mentionnés dans la littérature. Ceci nous conduit à proposer une première classification (tétraédrique) semi-quantitative mettant en connexion les textures grossières non-cumulatives (textures granulaires et doléritiques) et les pegmatitoïdes en s'appuyant sur l'étude cristallographique d'échantillons sélectionnés provenant des cinq massifs de l'Archipel de la Société.
Identifer | oai:union.ndltd.org:CCSD/oai:tel.archives-ouvertes.fr:tel-00634859 |
Date | 13 December 2002 |
Creators | Clement, Jean Philippe |
Publisher | Université de Bretagne occidentale - Brest |
Source Sets | CCSD theses-EN-ligne, France |
Language | French |
Detected Language | French |
Type | PhD thesis |
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