Au Québec, un emploi sur huit est lié au secteur agroalimentaire. L'industrie joue un rôle important dans l'économie de la plupart des régions, tant en regard de l'emploi que de l'activité économique. Reconnaissant l'importance de promouvoir les produits québécois sur le marché interne, les intervenants du milieu agroalimentaire ont créé l'organisme Aliments du Québec. Parmi les stratégies adoptées pour accroître les parts de marché des produits québécois figure l'identification des produits à l'aide de la marque de provenance Aliments du Québec. Malgré les avantages économiques découlant de l'achat local, par manque de preuves scientifiques, l'organisme Aliments du Québec n'est pas en mesure de justifier quantitativement les investissements requis pour des démarches d'identification. Or, la connaissance de cette valeur, si elle s'avère positive, faciliterait l'adoption de la marque de provenance Aliments du Québec par les producteurs, les transformateurs et les distributeurs du Québec. L'objectif de la présente étude est donc de pallier à cette lacune en estimant la valeur de la marque Aliments du Québec auprès des responsables des achats alimentaires, et ce, dans un contexte d'achat réel. Notre recension des écrits a montré que, malgré la rareté des expérimentations en milieu réel et surtout l'absence d'études de cette ampleur dans le secteur agroalimentaire, la présence d'une marque signalant la provenance d'un produit alimentaire est susceptible d'influencer sa valeur aux yeux du consommateur et, de ce fait, sa propension à payer ou sa demande pour le produit. Cette revue de la littérature nous a permis de formuler des hypothèses à l'effet que l'identification de provenance Aliments du Québec devrait accroître la valeur d'un produit et que cet effet devrait être supérieur dans le cas des produits issus de catégories peu différenciées et arborant des marques dont le capital est faible. Pour tester ces hypothèses, nous avons eu recours à une expérimentation en magasin qui s'est déroulée sur une période de 39 semaines. Un plan factoriel 2 x 2 x 2 a été utilisé, soit deux stratégies d'identification (présence ou absence du logo Aliments du Québec), deux niveaux de similarité des produits dans la catégorie (faible et fort) et deux niveaux de force de la marque du produit sur lequel la marque de provenance Aliments du Québec est apposée (faible et forte). Nous avons utilisé la part de marché comme variable dépendante. Cette variable a été préférée à la quantité vendue parce qu'elle permet de contrôler les événements exceptionnels pouvant affecter les ventes de l'ensemble d'une catégorie de produits (ex. : la période des Fêtes). L'étude a été réalisée dans quatre magasins d'alimentation membres de la bannière IGA (Sobey's), l'une des trois principales bannières du Québec. Les magasins participants devaient fournir des données quant aux prix de vente et aux quantités vendues pour l'ensemble des marques présentes dans les 16 catégories de produits ciblés, et ce, pour une période de 27 semaines précédant l'expérimentation et pour les 12 semaines d'expérimentation. Le protocole expérimental s'est déroulé en deux temps. Au cours de la première période, qui s'est échelonnée sur les 27 premières semaines, aucune manipulation n'a été effectuée dans les 4 magasins. Au cours de la deuxième période, c'est-à-dire lors des semaines 28 à 39, nous avons effectué des manipulations en magasin. Dans deux des quatre magasins, nous avons identifié les marques cibles à l'aide de commères de 15 cm arborant la marque de provenance Aliments du Québec. En plus des données de ventes quotidiennes fournies par les marchands, un relevé hebdomadaire des produits présents, des ruptures, des quantités disponibles, des positions, des promotions et des prix a été effectué durant la période expérimentale. Des photos ont également été prises afin de permettre des vérifications a posteriori. Afin d'augmenter la validité externe des résultats observés et être en mesure d'isoler l'impact de la marque de provenance sur la valeur des produits, les catégories de produits retenues pour l'étude devaient répondre à quatre critères. Premièrement, il devait s'agir de catégories où la similarité entre les produits est forte ou faible. Deuxièmement, les catégories de produits retenues devaient correspondre à un marché mature et non saisonnier afin de réduire les variations dans les ventes attribuables à des facteurs externes. Troisièmement, il devait s'agir de catégories de produits d'achat fréquent afin de pouvoir observer les effets dans un délai raisonnable. Quatrièmement, la catégorie de produits devait présenter une variation dans les prix des produits à travers le temps afin de pouvoir estimer la courbe de demande pour les marques retenues. Les marques cibles retenues pour l'étude ont, pour leur part, été sélectionnées à partir de deux critères. D'abord, il devait s'agir de marques ayant une faible ou forte équité. Ensuite, les marques retenues devaient satisfaire les critères d'admissibilité pour l'usage de la marque de provenance Aliments du Québec ou de la marque de provenance Aliment préparé au Québec. Notre approche prévoyait le calcul de parts de marché. Il a donc été nécessaire d'identifier la concurrence directe. Cette identification s'est déroulée selon une démarche qualitative en deux temps. Dans un premier temps, nous avons effectué un relevé, dans les 4 sites expérimentaux, de toutes les marques offertes dans les 16 catégories de produits ciblées lors du pré-test. Dans un deuxième temps, nous avons identifié la concurrence directe des 16 marques cibles en 3 étapes. Dans une première étape, un relevé des marques présentes dans les 16 catégories a été soumis aux gestionnaires des 4 magasins afin d'en vérifier d'éventuelles omissions. Dans une deuxième étape, la chercheure principale a procédé à une analyse de la concurrence directe qui a consisté à faire des sous-groupes au sein des 16 catégories de produits. Dans une troisième étape, deux experts en marketing ont validé la classification effectuée. La variable dépendante a été mesurée par une procédure en trois étapes. Lors de la première, nous avons estimé, à l'aide de régressions, la courbe de demande pour les 16 marques cibles à partir des données recueillies lors des 27 premières semaines. À la seconde étape, en utilisant la courbe de demande estimée, nous avons fait des prédictions sur les parts de marché des marques cibles pour les semaines 28 à 39, en l'absence d'identification Aliments du Québec. À la troisième étape, nous avons calculé l'écart entre les parts de marché observées et les parts de marché prévues pour chaque marque cible. Si l'écart était plus élevé dans le cas des marques cibles identifiées par une commère Aliments du Québec, nous avons alors conclu que la marque Aliments du Québec ajoute de la valeur à un produit alimentaire. L'analyse des résultats a permis de confirmer que la présence de la marque de provenance Aliments du Québec augmente la valeur du produit et que ces résultats sont valables, peu importe le niveau de différenciation des produits dans la catégorie et la force de sa marque. Ces résultats sont également demeurés stables en tenant compte du magasin, de la catégorie de produits, de la semaine expérimentale, du nombre de commères et des activités promotionnelles. En moyenne, pour l'ensemble des 15 catégories de produits analysées, lorsqu'un produit est identifié par la marque Aliments du Québec, sa part de marché est de 2,8 points de pourcentage plus élevée que lorsque celui-ci n'est pas identifié par la marque Aliments du Québec. Plusieurs implications managériales découlent de cette recherche. Ces résultats se répercutent d'abord sur l'organisme Aliments du Québec, qui est désormais mieux outillé pour justifier les investissements requis pour des démarches d'identification des produits, et ce, peu importe la partie prenante. Ensuite, les résultats se répercutent sur les distributeurs alimentaires du Québec qui ont avantage à identifier les produits québécois qui répondent aux exigences de l'organisme, et ce, peu importe la localisation de leur magasin et le temps de l'année. L'identification Aliments du Québec est ainsi susceptible de contribuer à sécuriser l'espace tablette des produits québécois chez ces distributeurs. Nos résultats suggèrent aussi que les producteurs et transformateurs ont avantage à apposer l'identification Aliments du Québec sur leurs emballages afin d'augmenter la valeur de leurs produits aux yeux des consommateurs. Nos résultats envoient aussi un signal aux gouvernements qui auraient avantage à investir dans la marque de provenance Aliments du Québec puisqu'elle peut contribuer au développement du secteur agroalimentaire québécois. Bien que certaines limites inhérentes aux expérimentations en contexte réel comme les coûts et les inconvénients aux marchands soient également présentes ici, cette recherche ouvre d'autres pistes. En effet, des études ultérieures pourraient s'intéresser à l'évolution de la valeur d'une marque de provenance dans le temps, mais elles pourraient aussi avoir recours à une méthodologie semblable avec d'autres certifications, divers types de visuels ou différents types de magasins.
Identifer | oai:union.ndltd.org:usherbrooke.ca/oai:savoirs.usherbrooke.ca:11143/367 |
Date | January 2010 |
Creators | Rodier, Francine |
Contributors | Coderre, François, Boivin, Caroline |
Publisher | Université de Sherbrooke |
Source Sets | Université de Sherbrooke |
Language | French |
Detected Language | French |
Type | Thèse |
Rights | © Francine Rodier |
Page generated in 0.0031 seconds