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Shoah à travers l’œuvre de Samuel Beckett

Shoah laisse une empreinte sur l’écriture de Samuel Beckett, elle la façonne, l’affecte, la contamine, alors qu’elle n’est jamais explicitement nommée dans l’œuvre. Dans ses textes d’après-guerre, depuis la trilogie jusqu’à Soubresauts, on remarque une évolution de la forme : textes saturés et phrases interminables, répétitions et enfin textes de plus en plus vides. En observant ces phénomènes, cette thèse interroge un rapport innommé et innommable entre Shoah et l’écriture de Beckett. Elle observe cette forme que Shoah donne à l’écriture en l’épuisant, en cherchant à la saturer, en la saccageant et enfin en lui faisant porter les marques de la disparition. Dans un préambule nécessaire, on contextualisera et expliquera la notion de corps concentrationnaire, concept clé de cette thèse en tentant de la définir afin de justifier le lien entre l’image de ce corps et la figure qui surgit dans l’univers beckettien jusque dans la forme même du texte. Dans une première partie, on analysera tout d’abord le phénomène de l’épuisement du corps dans l’univers beckettien en faisant le parallèle avec l’univers concentrationnaire. On soulèvera à la fois la question de l’inaboutissement de toute action, son inachèvement, son sisyphéen et interminable recommencement. On analysera ce même phénomène d’épuisement dans l’écriture beckettienne, qui comme le corps, signifie à la fois l’exténuation physique, matérielle, un « puisement » qui vide. Dans la deuxième partie, on verra une certaine forme de continuité de cet épuisement dans le phénomène de la défiguration qui est une suite de la réduction du corps à son utilité d’animal ou de machine, à l’anonymat, au dépérissement total de l’individualité alimenté par la répétitivité abrutissante de certaines tâches, de certains gestes et de mouvements. Le corps du personnage beckettien dont le potentiel a été démoli en fin de compte ne peut que se transformer en figure dégradée, irreconnaissable, détruite. De la même façon, l’écriture qui ne cesse d’échouer se brise, se déforme tout en continuant à s’acharner à se donner une forme. C’est cet acharnement qui la ruine. Enfin, dans un troisième temps, on soulèvera la question de la disparition qui fait partie de cette dégradation. La disparition des corps et de la forme, l’image disparue, l’absence et le texte qui s’efface hantent l’écriture becketienne. Mais ces absences laissent malgré tout une empreinte, une manière de refléter ou d’aborder Shoah et « ce qui reste » de Shoah. Ce phénomène de disparition marque incontestablement la forme à travers les éclats, les bribes, les vides, un texte qui se présente en s’effaçant. Reste une trace du manque, du manque d’images et de mots. L’écriture de Beckett ne peut être qu’incomplète, trouée, lacunaire pour dire ou pour laisser entrevoir Shoah, sans jamais la nommer ou la montrer. / The Shoah leaves an imprint on Samuel Beckett's writing, it shapes it, affects it, contaminates it, even though it is never explicitly named in the work. In his post-war texts, from the trilogy to Soubresauts, we see an evolution of form: saturated texts and interminable phrases, repetitions and, finally, texts that become more and more empty. By observing these phenomena, this thesis questions an unnamed and unspeakable relationship between the Shoah and Beckett's writing. This study observes this form that the Shoah gives to writing by exhausting it, saturating it, sacking it and finally make it bear the marks of disappearance. In a necessary preamble, we will contextualize and explain the concept of the concentrationary body, a key concept of this thesis, by trying to define it to justify the connection between the image of this body and the figure that arises in the Beckettian universe even down to the text’s form. In a first part, we will analyze the phenomenon of the body’s exhaustion in the Beckettian universe by drawing a parallel with the world of concentration. At the same time, we will raise the question of the inability of all action, its incompletion, and its Sisyphean, endless renewal. This same phenomenon of exhaustion will be analyzed in Beckettian writing, which, like the body, signifies both physical and material depletion, a using-up that empties. In the second part, we will see a certain form of continuity of this exhaustion in the phenomenon of disfigurement which follows from the body’s reduction to its use-value as animal or machine, to its anonymity, to the total withering away of its individuality fueled by the mind-numbing repetitiveness of certain tasks, gestures and movements. The body of the Beckettian character whose potential has been demolished can ultimately only turn into a degraded, unrecognizable, destroyed figure. In the same way, the writing that continues to fail breaks down, becomes distorted even as it continually strives to give itself a form. It is this relentlessness that ruins it. Finally, in a third moment, we will raise the question of the disappearance that is part of this degradation. The disappearance of body and form, the disappeared image, the absence and the fading text haunt Becketian writing. But these absences still leave an imprint, a way of reflecting or addressing the Shoah and “what remains” of it. This phenomenon of disappearance undeniably marks the form through scraps, fragments, nothingness, a text that presents itself as fading away. Traces of emptinesss, of missing images and words, remain. Beckett's writing can only be incomplete, unwhole, in order to say or suggest the Shoah without ever naming or showing it.

Identiferoai:union.ndltd.org:umontreal.ca/oai:papyrus.bib.umontreal.ca:1866/23421
Date03 1900
CreatorsMozolewska, Agata
ContributorsMavrikakis, Catherine
Source SetsUniversité de Montréal
Languagefra
Detected LanguageEnglish
TypeThèse ou mémoire / Thesis or Dissertation

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