La dichotomie « libre-échange versus protection » structure l'analyse de la politique commerciale dans les manuels de la théorie du commerce international. En analysant les impacts respectifs de la politique libre-échangiste et de la politique protectionniste sur l'allocation des ressources et le bien-être, les modèles standard, au premier rang desquels figure le modèle HOS, concluent à l'optimalité parétienne du libre-échange. La prescription normative est alors que tous les pays devraient appliquer une politique de libre-échange qui préserve les prix justes. Cependant, les analyses empiriques mettent en lumière le décalage de cette prescription normative : les politiques commerciales pratiquées incluent, dans des proportions variées entre pays, entre industries et entre biens, des mesures qui visent, de façon simultanée et sélective, la promotion des exportations, la substitution aux importations et la création d'un accès facilité aux importations. Les politiques pratiquées ne sont donc ni strictement libre-échangistes ni strictement protectionnistes, mais mixtes a priori. Ce constat a conduit au développement de modèles analysant les conséquences sur l'équilibre général de l'application de divers instruments de politique commerciale et spécifiant les différentes formes potentielles de cette politique. Notamment, il est expliqué que la politique commerciale mixte constitue une politique alternative. Les interventions sélectives qui la composent sont alors justifiées par la présence d'avantages comparatifs dynamiques qui conditionnent et orientent ces interventions vers des industries singulières dont la production est destinée au marché national et/ou au marché international. Mais l'assise théorique dont bénéficie ainsi la politique commerciale mixte n'aide pas à comprendre le processus politique au travers duquel cette politique est choisie. Elle ne permet pas d'ouvrir la boîte noire et de pénétrer le nucleus des choix politiques. L'économie politique le permet. L'explication théorique de l'objet « politique commerciale mixte » se situe à la croisée des deux approches constitutives du champ de recherche de l'économie politique de la protection : l'approche centrée sur la société et l'approche centrée sur l'Etat. Alors que la première approche explique que la politique est façonnée par les intérêts et les préférences des acteurs privés (ou groupes de) les plus puissants présents sur le territoire national, la seconde considère que la politique est fonction des institutions politiques et des acteurs politiques qui cherchent à satisfaire leur intérêt et leur préférence compte tenu des contraintes nationales et internationales auxquelles ils sont confrontés. La « politique commerciale mixte » peut donc s'analyser dans différentes perspectives selon les déterminants endogènes qu'on entend privilégier. Au final, la mixité de la politique commerciale résulte d'un compromis politique et institutionnel entre acteurs aux préférences hétérogènes, ce qui est partiellement remis en cause par les contraintes politiques et les influences idéationnelles internationales. Le compromis politique et institutionnel résulte de la division du gouvernement induite par un partage inégal du pouvoir de décision (fonction des institutions politiques) entre veto players (acteur composite possédant un droit de véto dans le processus de prise de décision politique), et de l'hétérogénéité de leurs préférences. La politique choisie, et les institutions associées, doivent satisfaire l'intérêt de chaque veto player, ce qui implique des mesures compensatrices et la prise en compte de l'héritage institutionnel. Non sans résistances, la flexibilité avec laquelle la politique commerciale mixte peut être utilisée est alors réduite par les contraintes politiques internationales et/ou, en amont, l'équilibre politique interne à la structure des préférences nationales modifié par celles-ci et par les influences idéationnelles internationales. / The dichotomy “free trade versus protection” structures the analysis of trade policy in the textbooks of international trade. By analyzing the respective impacts of free trade and protection policies on resources allocation and well-being, the standard models, first and foremost the HOS model, conclude on the Pareto optimality of free trade. The normative requirement is then that all countries should pursue a policy of free exchange to get the prices right. However, empirical studies highlight the shift of the normative prescription: trade policies practiced include, in varying proportions between countries, between industries and between goods, measures aimed, simultaneously and selectively, export promotion, import substitution and the creation of easier access to imports. Therefore, policies followed are neither free trade nor strictly protectionist, but mixed a priori. This observation led to the development of models analyzing the effects on the general equilibrium of the application of various instruments of trade policy, and specifying the various potential forms of this policy. In particular, it is explained that the mixed trade policy is a true policy alternative. Selective interventions are then justified by the presence of dynamic comparative advantages that determine and guide interventions towards specific industries oriented towards the domestic market and / or the international one. But the theoretical basis enjoyed by mixed trade policy does not help to understand the political process through which this policy is chosen. It does not open the black box to penetrate the nucleus of political choices. This is what political economy can achieve. The theoretical explanation of the object "mixed trade policy" is at the crossroads of two approaches constituting the political economy of protection: society-centered approach and State-centered approach. While the first approach explains that politics is shaped by the interests and preferences of the most powerful private actors (or groups of) present on the national territory, the latter considers that the policy is a function of political institutions and political actors who seek to satisfy their interest and preference given national and international constraints they face. The mixed trade policy can be analyzed from different perspectives as endogenous determinants that intends to promote. Ultimately, the mixed trade policy is a political and institutional compromise between actors with heterogeneous preferences, which is partially undermined by international political constraints and ideational influences. The institutional and political compromise result from the division of the government induced by an unequal distribution of power of decision (based on political institutions) between veto players (composite actor having a veto in the process of political decision-making), and the heterogeneity of their preferences. The policy chosen, and associated institutions, must satisfy the interest of each veto player, implying compensatory measures and taking into account the institutional legacy. Not without resistance, the flexibility with which mixed trade policy can be used is reduced by the international political constraints and / or, upstream, the internal political balance in the structure of domestic preferences changed by them and by the international ideational influences.
Identifer | oai:union.ndltd.org:theses.fr/2011GRENE011 |
Date | 18 February 2011 |
Creators | Peytral, Pierre Olivier |
Contributors | Grenoble, Gerbier, Bernard |
Source Sets | Dépôt national des thèses électroniques françaises |
Language | French |
Detected Language | French |
Type | Electronic Thesis or Dissertation, Text |
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