La bordure côtière de la Côte-Nord de l'estuaire maritime et du golfe du Saint-Laurent est caractérisée par la présence de plusieurs complexes deltaïques au sommet desquels se révèle un faciès sédimentaire complexe et original, la tourbe. Des études récentes sur les falaises de dépôts meubles dans le nord de l'Atlantique montrent que la stratigraphie est un facteur déterminant de la sensibilité des côtes à l'érosion. À notre connaissance, les falaises à sommet tourbeux n'ont fait l'objet d'aucune recherche approfondie à ce jour. Les études indiquent qu'il est impératif d'établir un bilan saisonnier de l'érosion côtière, sans lequel de nombreux processus passent inaperçus et sans lequel les moments de recul sont difficilement identifiables et quantifiables. Dans le contexte des changements climatiques, la compréhension de la dynamique des falaises à sommet tourbeux est essentielle puisque les tourbières jouent un rôle important dans le cycle biogéochimique du carbone et que leur érosion est une perte nette de cet élément vers l'estuaire et le golfe du Saint-Laurent. Ce projet vise d'une part à comprendre le comportement des falaises à sommet tourbeux de la Côte-Nord du Saint-Laurent en fonction de leur litho-stratigraphie et des conditions environnementales et climatiques qui les affectent et d'autre part à quantifier le rythme de recul de ces falaises à l'échelle historique récente (depuis les années 1930), à l'échelle annuelle et à l'échelle saisonnière. Cinq tourbières localisées sur les complexes deltaïques des rivières Betsiamites, Manicouagan-Outardes, Saint-Jean et Natashquan ont été étudiées dans le cadre de ce projet. Entre 1930 et 2006, les taux de déplacement moyens annuels obtenus par photo-interprétation indiquent une valeur de -0,78 m/an pour l'ensemble des falaises à sommet tourbeux étudiées sur la Côte-Nord, mais certaines tourbières ont des taux moyens annuels aussi élevés que -2,00 m/an. Ces taux n'ont pas été constants dans le temps et certaines périodes ont été plus érosives que d'autres. C'est notamment le cas des années 1996-2005, caractérisées par des températures plus élevées que la normale et l'occurrence de plusieurs épisodes de pluies diluviennes. La fin de la décennie 1960 et la décennie 1970 a connu une fréquence importante de tempête, ce qui s'est aussi manifesté par des vitesses de recul plus élevées. À l'exception de la tourbière de Pointe-Lebel, dont la vitesse de recul historique et récente est restée la même, tous les sites ont des taux de recul annuels plus élevés entre 2009 et 2011 qu'à l'échelle historique. En effet, des relevés saisonniers de bornes implantées derrière le trait de côte des falaises ont révélé un taux de déplacement moyen annuel de -1,14 m/an entre 2009 et 2011 pour l'ensemble des falaises étudiées. Ils s'étendent cependant entre -0,28 et -2,69 m/an selon les sites. Les relevés indiquent aussi que l'érosion a eu lieu à toutes les saisons, mais que l'automne (particulièrement en 2010) et l'hiver (particulièrement en 2011) ont été propices au recul des falaises. À l'automne 2010, une forte tempête dans l'estuaire et le golfe du Saint-Laurent jumelée à des pluies abondantes ont provoqué le recul de la côte principalement par le biais du sapement par les vagues et de la suffosion dans le cas des sédiments non cohésifs, et des coulées boueuses, des décrochements superficiels et des glissements rotationnels dans le cas des sédiments cohésifs. En ce qui a trait aux reculs hivernaux, les nombreux cycles de gel-dégel et les redoux favorisés par les températures relativement chaudes des dernières années ont initié de la gélifraction et des coulées boueuses, particulièrement efficaces dans les sédiments silto-argileux formant la base de la majorité des falaises étudiées. La combinaison de ces conditions climatiques automnales et hivernales ont permis des vitesses de recul plus rapides que celles généralement observées à l'échelle historique. L'étude des modes de recul a permis de démontrer que les écoulements hydrogéologiques sont prépondérants, principalement par le biais de la suffosion. L'ampleur des reculs causés par ce processus est étroitement liée à l'épaisseur de l'unité sableuse qui repose sur des silt-argileux. Les processus gravitaires tels que les effondrements, les décrochements superficiels et les glissements rotationnels sont liés à la hauteur des talus, mais leur occurrence est elle aussi reliée aux écoulements souterrains. Quant aux processus hivernaux, ils dominent sur les falaises possédant une épaisse unité silto-argileuse. Ils sont particulièrement efficaces lors d'un enneigement faible de la côte, condition qui est favorisée par une arrière-côte à végétation arborescente, par des parois verticales et par l'absence de pied de glace. Cette recherche a également permis de démontrer l'importance d'évaluer l'érosion côtière en termes de volume puisque deux falaises dont le rythme de recul est très différent peuvent pourtant contribuer de manière similaire au bilan sédimentaire. À l'échelle historique, entre 290 et 865 m3/m de sédiments ont été érodés des falaises et une superficie totale de 612 700 m2 de tourbière est disparue pour les cinq sites à l'étude seulement. La hauteur des falaises et le mode de recul ont été identifiés comme des facteurs déterminants pour expliquer cette variabilité.
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MOTS-CLÉS DE L’AUTEUR : Érosion côtière, falaises, dépôts meubles, quantification des processus d'érosion, tourbières côtières.
Identifer | oai:union.ndltd.org:LACETR/oai:collectionscanada.gc.ca:QMUQ.5330 |
Date | 05 1900 |
Creators | Boucher-Brossard, Geneviève |
Source Sets | Library and Archives Canada ETDs Repository / Centre d'archives des thèses électroniques de Bibliothèque et Archives Canada |
Detected Language | French |
Type | Mémoire accepté, NonPeerReviewed |
Format | application/pdf |
Relation | http://www.archipel.uqam.ca/5330/ |
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