Cette thèse sur l’oeuvre de Christian Bobin (1951-) porte aussi et avant tout sur le
lyrisme et le désenchantement contemporains. En posant pour horizon ces deux objets de
discours, j’interprète le discours éthique et poétique sur l’« enchantement simple » chez
l’auteur français. Dans une perspective herméneutique, il s'agit d'éprouver l'hypothèse
selon laquelle les oeuvres de Bobin véhiculent un discours poétique « répliquant »
(Ricoeur) à un certain discours intellectuel dominant, s'énonçant contre lui, mais aussi en
réitérant plusieurs de ses credo. La première partie annonce la posture théorique et la
méthode (comparatiste), puis définit le lyrisme et le désenchantement comme horizon
d’interprétation. La seconde partie, qui interroge l’identité « poéthique » (Pinson) de
l’auteur (entendu comme catégorie du texte), dévoile la manière dont l’auteur prend acte
du désenchantement et du nihilisme : en masculinisant le désenchantement, le reliant au
logos, et en féminisant l’enchantement, l’associant au muthos. Le parti pris du temps
authentique est soutenu par la valorisation de conduites et d’attitudes temporelles
relevant de l’éthique de l’authenticité (Rousseau), alors que le parti pris du féminin
correspond à la valorisation d’attitudes relevant de l’éthique de la bonté (Levinas).
Puisque la première éthique mise sur le temps du sujet et que la seconde favorise le
temps de l’autre, un premier paradoxe émerge au coeur des messages spéculatifs
véhiculés, dont on prend la mesure grâce au discours de l’auteur sur le temps, les
hommes, les femmes et la bonté. Dans la troisième partie, je mets au jour le grand projet
éthique dont l’auteur investit son oeuvre : écrire pour prendre soin, soigner. Après avoir
défini ce que j’appelle « l’écriture du care » chez Bobin, je m’attarde aux figures
féminines fondatrices de l’oeuvre et constate que l’ambition est triple chez l’auteur :
premièrement, prendre soin du présent, deuxièmement, protéger les femmes de la
misogynie et troisièmement, revaloriser les attitudes care qui leur sont
traditionnellement reconnues et comprendre, dédramatiser, esthétiser leur « folie ».
Apparaît alors un second paradoxe : la valorisation simultanée de figures charnelles
inscrites dans la temporalité (maternité) et de figures atemporelles, hors temps (extase).
Enfin, un regard sur les « femmes à venir » bobiniennes montrera trois figures promises
à la pratique du soin promue par l’auteur. Au final, c’est non seulement la poéthique
bobinienne qui est mise en lumière, mais aussi des postures éthiques et poétiques
centrales en Occident, que plusieurs poètes lyriques adoptent « en temps de détresse »
(Hölderlin). / This thesis on the work of Christian Bobin (1951-) is first and foremost a study of
lyricism and contemporary disenchantment. Within the frame of these two modes of
discourse, I interpret the French author’s ethical and poetic discourse of “simple
enchantment”. From a hermeneutical perspective, I test the hypothesis according to
which Bobin’s works convey a poetic discourse by “replying” (Ricoeur) to a certain
dominant intellectual discourse directed against him, but also by reiterating many of his
credos. The first part of this thesis presents the theoretical frame and method
(comparatist), and defines lyricism and disenchantment as an interpretive horizon. The
second part, which questions the author’s “poethic” (Pinson) identity (understood as
category of the text), unveils the manner in which Bobin sees disenchantment and
nihilism: by masculinizing disenchantment, linking it to logos, and by feminizing
enchantment, associating it with muthos. The belief in authentic time is maintained by
valorizing behaviours and temporal attitudes in accordance with the ethic of authenticity
(Rousseau), whereas the bias of the feminine corresponds to the valorization of attitudes
in accordance with the ethic of kindness (Levinas). Because the first ethic relies on the
subject’s time and the second favours the other’s time, an initial paradox emerges at the
heart of the conveyed speculative messages, which are freighted with the author’s
discourse on time, men, women and kindness. In the third part, I illuminate the author’s
grand ethical project: writing to care for, to nurse. After defining Bobin’s “writing of
care”, I look at the founding feminine figures of his work and note that the author’s
ambition is threefold: first, to care for the present; second, to protect women from
misogyny and to reassert the value of care attitudes for which they are traditionally
recognized; and third, to comprehend, defuse, and beautify their “madness”. Hence, a
second paradox emerges: the simultaneous valorization of carnal figures inscribed in
temporality (maternity) and those outside time (ecstasy). A look at Bobinian “women
still to come” will reveal three anticipated figures committed to the practice of
caregiving. Finally, not only is Bobinian poethic illuminated, but a light is also shed on
central poetic and ethical postures in the West, which many lyrical poets adopt “in times
of distress” (Hölderlin).
Identifer | oai:union.ndltd.org:LACETR/oai:collectionscanada.gc.ca:QMU.1866/7118 |
Date | 12 1900 |
Creators | Deschênes, Marjolaine |
Contributors | Bourassa, Lucie, Cantin, Serge |
Source Sets | Library and Archives Canada ETDs Repository / Centre d'archives des thèses électroniques de Bibliothèque et Archives Canada |
Language | French |
Detected Language | French |
Type | Thèse ou Mémoire numérique / Electronic Thesis or Dissertation |
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