La Chine, pays le plus peuplé du monde, connaît depuis une quinzaine d'années des taux de<br />croissance spectaculaires. Malheureusement, cette croissance a aussi été accompagnée d'une très<br />forte dégradation de l'environnement et a positionné la Chine parmi les pays les plus pollués du<br />monde, notamment au niveau de son atmosphère. Ainsi, le considérable succès que représente cette<br />croissance économique, au point de vouloir présenter la Chine comme la prochaine première<br />puissance économique mondiale, conduit à poser la question de sa soutenabilité. Nous postulons que<br />la croissance actuelle de la Chine ne pourra être durable que dans la mesure où elle n'hypothèque pas<br />celle de son futur.<br />Cette thèse se base sur le cas de l'émission industrielle de SO2 – la pollution aérienne la plus<br />importante en Chine. En analysant son évolution au cours des années 1990 et en se focalisant sur ses<br />relations avec la croissance économique, l'industrialisation et l'ouverture commerciale – les trois<br />caractères les plus évidents du développement économique chinois –, cette thèse vise à identifier la<br />possibilité et les conditions nécessaires et suffisantes pour la Chine de réaliser un développement<br />soutenable.<br />Après une revue de la littérature sur la Courbe de Kuznets Environnementale (CKE), nous<br />commençons notre analyse par l'étude d'une CKE de forme réduite (Chap. 2), qui révèle une relation<br />assez optimiste entre la croissance chinoise et l'émission industrielle de SO2 par tête. Cependant, cette<br />CKE « par tête » ne garantit pas un même retournement de trajectoire pour l'émission industrielle<br />totale de SO2. Bien que notre analyse prédise ce retournement aux environs de 9000 yuan par tête<br />(prix constants 1990) pour le cas de l'émission industrielle de SO2 par tête, l'évolution de l'émission<br />industrielle de SO2 totale semble continuer à augmenter. Pour comprendre les raisons de cette<br />tendance à la hausse de l'émission industrielle de SO2 totale, nous menons deux analyses<br />structurelles, dans lesquelles les variations de l'émission sont décomposées de façon paramétrique<br />(Chap. 3) et non-paramétrique (la méthode de décomposition de l'indice de Divisia basée sur des<br />données détaillées de la production et de l'intensité d'émission de SO2 de 13 secteurs industriels dans<br />chaque province entre 1991 et 2002, Chap. 4) en contributions de ses trois déterminants structurels -<br />effets d'échelle, de composition et de technique. Les résultats montrent que le revenu par tête<br />fonctionne comme une variable omnibus qui capte les effets des trois déterminants structurels et<br />révèle seulement un « effet net » de la croissance sur l'environnement. Le détail de nos analyses<br />permet cependant de trouver les véritables raisons de cette tendance à la hausse de l'émission<br />industrielle de SO2. Cela serait principalement dû à une domination de l'effet d'échelle sur l'effet<br />réducteur d'émission issu des progrès techniques, le tout combiné à une transformation de la<br />composition industrielle exerçant un modeste impact à la hausse des émissions dans la plupart des<br />provinces chinoises.<br />La seconde partie de cette thèse accroît ses efforts de décomposition en donnant une attention<br />particulière au rôle déterminant du commerce international sur l'émission. Perçu par certains<br />économistes pessimistes comme un canal à travers lequel les pays riches déchargeaient leurs<br />fardeaux de pollution sur leurs partenaires commerciaux relativement plus pauvres (hypothèse de<br />« havre de pollution »), le commerce international a ainsi souvent été considéré comme une<br />explication statique de la formation d'une relation en U inversé entre le revenu et la pollution.<br />Cependant, les trois analyses menées dans cette partie, en recherchant les différents canaux de<br />transmission à travers lesquels le commerce affecte les trois déterminants structurels de l'émission,<br />nous offrent pour la Chine des preuves très limitées en faveur de l'hypothèse de « havre de<br />pollution ». Etant donné que l'avantage comparatif de la Chine basé sur sa dotation extrêmement<br />riche en travail est beaucoup plus attractif que son avantage de « havre de pollution », la conclusion<br />d'une analyse de style Antweiler, Copeland et Taylor (ACT, 2001) au Chapitre 5 nous montre que la<br />libéralisation commerciale peut réduire les dangers d'une augmentation de pollution liée à l'effet de<br />« havre de pollution » en guidant la transformation de la composition industrielle chinoise vers les<br />secteurs intensifs en travail, souvent considérés comme moins polluants. Le rôle du commerce sur<br />l'environnement n'est cependant pas aussi simple. Dans le Chapitre 6, en re-employant les résultats<br />de la décomposition de Divisia du Chapitre 4, nous vérifions les impacts indirects du commerce<br />(exportations et importations introduites de façon séparées) sur l'émission à travers les trois<br />déterminants structurels. Cette analyse confirme l'impact significativement positif du commerce dans<br />l'élargissement de l'échelle de production et sur les progrès techniques. Les analyses basées sur un<br />système d'équations simultanées au Chapitre 7 nous permettent de combiner ces trois aspects des<br />impacts indirects du commerce sur l'émission et d'inclure leurs interactions potentielles dans une<br />même estimation. Les résultats révèlent que le rôle total des exportations est positif pour<br />l'environnement mais que celui des importations (mesurées par l'accumulation de machines et<br />d'équipements importés) est négatif.<br />Dans le modèle en Equilibre Général Calculable (EGC) du Chapitre 8 (Partie 3), nous relions<br />directement les résultats de l'émission à la combustion des énergies dans les activités productives et<br />incluons toutes les interactions entre les variables économiques et l'environnement dont nous avons<br />pu discuter dans les chapitres précédents pour la spécification du modèle. Ce modèle nous offre<br />l'opportunité de paramétrer et de simuler de multiples aspects des relations entre croissance,<br />ouverture commerciale et émission. Les simulations basées sur ce modèle nous permettent d'obtenir<br />des comparaisons numériques de l'ampleur des impacts environnementaux du commerce et de la<br />croissance économique. La conclusion de ce chapitre montre que, sans une politique de contrôle de<br />pollution plus efficace, la croissance économique chinoise devrait s'avérer très polluante et que<br />l'accession à l'OMC devrait provoquer une hausse supplémentaire mais marginale de pollution.<br />En considérant les dangers potentiels de cette situation sur l'environnement chinois, nous décidons de<br />rechercher dans le dernier chapitre de cette thèse (Chap. 9) l'effet de « feedback » potentiel de la<br />pollution sur la capacité de croissance de l'économie chinoise. Les résultats confirment un effet négatif<br />de l'émission de SO2 sur la prévalence des maladies chroniques au sein de la population. Une fois<br />dépassé le seuil de 8 g/m2, une augmentation de 1g/m2 de la densité de l'émission industrielle de SO2<br />accroît la probabilité pour une personne représentative de souffrir de maladies chroniques de 0,25%.<br />Cependant, si les progrès techniques réalisés dans les activités de contrôle de la pollution augmentent<br />de façon continue dans le temps, nos résultats indiquent également une dynamique potentielle<br />pouvant réduire de façon graduelle l'impact négatif de la pollution sur la santé avec la croissance<br />économique.<br />En résumé, les analyses menées dans cette thèse présentent un certain nombre de défis à relever et<br />d'opportunités à saisir pour que la Chine puisse poursuivre un chemin de développement qui soit<br />soutenable. Etant donnée la tendance actuelle à la détérioration de son environnement, la capacité de<br />la Chine à préserver une croissance soutenable dans le futur dépendra étroitement de l'adoption de<br />progrès techniques (conditions suffisantes) et d'un fonctionnement efficace et plus strict des politiques<br />de contrôle de pollution (conditions nécessaires), ainsi que d'une meilleure efficacité des systèmes<br />institutionnels et de marché.
Identifer | oai:union.ndltd.org:CCSD/oai:tel.archives-ouvertes.fr:hal-00015396 |
Date | 07 December 2005 |
Creators | He, Jie |
Publisher | Université d'Auvergne - Clermont-Ferrand I |
Source Sets | CCSD theses-EN-ligne, France |
Language | French |
Detected Language | French |
Type | PhD thesis |
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