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L'évolution des droits des femmes conditionnée par la protection de la famille : l'exemple des alternatives à l'autorisation maritale en France et au Québec de 1804 à 1938

L'autorisation maritale était une procédure qui, depuis la fin du Moyen-Age, obligeait les femmes mariées à obtenir de leur époux une autorisation pour chaque acte juridique qu'elles souhaitaient effectuer. Cette procédure était complétée par deux corollaires, à savoir le mandat domestique et l'autorisation de justice. Le mandat domestique est une création jurisprudentielle et doctrinale destinée à pallier les lacunes textuelles concernant l'autorisation maritale. En effet, selon les textes, la femme ne pouvait passer aucun contrat, si mineur soit-il, sans une autorisation spécifique de son époux, ce qui était impraticable quotidiennement. L'absurdité de cette situation qui n'était pas prévue par les textes a poussé les juristes français et québécois à mettre en place une théorie selon laquelle le mari est présumé donner à sa femme un mandat tacite l'autorisant à agir en son nom pour tout contrat concernant la vie quotidienne de la famille. Par ailleurs, les textes avaient mis en place une procédure destinée à compléter le système de l'autorisation maritale : ainsi, en cas de refus injustifié ou d'incapacité du mari à donner son autorisation, une femme mariée avait la possibilité de demander à un juge une autorisation afin de na pas être bloquée dans une situation inextricable. La plupart des auteurs, juristes ou non considèrent que l'évolution des droits des femmes avait été un cheminement, certes lent, mais que cette évolution avait été dans le sens d'un constant progrès. Or l'étude du mandat domestique et de l'autorisation de justice montre une réalité très différente. En effet, si le mandat domestique a effectivement vu son domaine d'application considérablement élargi à la fin du XIXe et au début du XXe siècle, et ce aussi bien en France qu'au Québec, l'autorisation de justice a quant à elle subi une évolution complètement différente, puisque à compter de la fin du XIXe siècle, la doctrine et la jurisprudence ont peu à peu restreint son domaine d'application jusqu'à ne plus être qu'une exception. Le caractère contradictoire de l'évolution subie par ces deux institutions semble au premier abord paradoxal : tandis qu'un dispositif est de plus en plus favorable à la femme, un autre l'est de moins en moins, et ce à la même période. Ce n'est que si on analyse ces évolutions sous un angle différent qu'on peut leur trouver une logique commune. Si on admet que les juges répugnaient de voir les femmes mariées s'émanciper du cadre familial, ces mutations revêtent une certaine logique : en effet, face aux revendications féminines et même féministes d'indépendance et d'émancipation, une grande partie des juristes étaient craignaient une altération et même une disparition d'une institution fondamentale de notre société : la famille. Pour protéger la famille, les juges et la doctrine ont redécouvert le mandat domestique et l'autorisation de justice qui n'étaient plus de simples outils de technique juridique, mais des moyens de ralentir la progression de la condition juridique des femmes. Ainsi, si le but des juristes était de défendre la définition traditionnelle de la famille où le mari était le chef de la communauté conjugale et la femme la gardienne du foyer, il leur fallait maintenir la femme au sein même de son ménage. Dès lors, étendre le domaine d'application du mandat domestique revenait à la protéger à l'intérieur du foyer et ainsi à l'inciter à y demeurer. De la même manière, ne pas accorder l'autorisation de justice était une façon de la maintenir au sein du foyer conjugale en la soumettant aux décisions de son mari. Il semble donc que l'évolution des droits des femmes n'était pas déterminée par une volonté des juristes de leur refuser toute émancipation pour des questions de supériorité masculine naturelle ou pour protéger la femme y compris d'elle-même. Cette évolution était en réalité conditionnée par la défense d'une vision idéale et traditionnelle de la famille qu'avaient les juristes y compris aux dépens d'une émancipation personnelle de la femme.

Identiferoai:union.ndltd.org:LAVAL/oai:corpus.ulaval.ca:20.500.11794/18814
Date12 April 2018
CreatorsHoffert, Mélanie
ContributorsNormand, Sylvio, Poughon, Jean-Michel
Source SetsUniversité Laval
LanguageFrench
Detected LanguageFrench
Typethèse de doctorat, COAR1_1::Texte::Thèse::Thèse de doctorat
Format588 f., application/pdf
CoverageQuébec (Province), France
Rightshttp://purl.org/coar/access_right/c_abf2

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