L’addiction se caractérise par une recherche et une consommation pathologiques de la drogue, maintenues malgré leurs conséquences néfastes. C’est une pathologie chronique car, le plus souvent, les tentatives de sevrage se soldent par une rechute. L’addiction à la cocaïne se développe chez 15 à 20 % des usagers, après un usage plus ou moins prolongé. Les solutions thérapeutiques font gravement défaut et c’est un enjeu que de comprendre les mécanismes neurobiologiques qui sous-tendent cette addiction. Les études cliniques et précliniques proposent que l’addiction résulte d’un déséquilibre entre les circuits cortico-subcorticaux qui gèrent la valeur motivationnelle de la drogue et ceux qui sont impliqués dans le contrôle cognitif inhibiteur. Des changements séquentiels dans des circuits interconnectés qui incluent notamment le noyau basolatéral de l’amygdale, le noyau accumbens et le cortex préfrontal seraient au cœur de processus motivationnels pathologiques et d’une difficulté à inhiber le craving et la consommation. L’étude de l’addiction, à l’échelle des circuits neuronaux, fait face à plusieurs défis. Techniquement limitée chez l’homme, elle peut bénéficier des modèles animaux, mais seulement s’ils capturent des dimensions de la pathologie. Au cours des dix dernières années, de tels modèles ont été mis en œuvre, mais exclusivement chez le rat. Or, les outils pour l’exploration fonctionnelle fine des circuits neuronaux ont été majoritairement développés chez la souris. Un autre défi consiste à pouvoir questionner la fonctionnalité des circuits, en temps réel, sur l’individu se comportant. Mes travaux de thèse ont eu pour objectif : 1. L’étude de marqueurs de connectivité fonctionnelle chez des rats Addict et des rats Non-addict à la cocaïne. Notre modèle d’addiction à la cocaïne permet d’identifier 15 à 20 % de rats qui, après une période prolongée d’autoadministration intraveineuse de cocaïne, et bien qu’ils aient consommé la même quantité de cocaïne que les autres, montrent une très forte motivation pour la substance, une difficulté à limiter la recherche de drogue, et maintiennent la prise de cocaïne malgré ses conséquences néfastes. L’électrophysiologie in vivo, multi-site, au moyen d’enregistrements unitaires ou de potentiels de champs locaux est un outil de choix pour l’exploration de la connectivité fonctionnelle chez le rongeur. Un défi technique a été de l’adapter pour la coupler à notre modèle d’addiction à la cocaïne chez le rat. Nous avons montré des différences significatives de connectivité fonctionnelle entre rats Addict et Non-addict, suggérant un défaut de fonctionnalité du cortex préfrontal médian (PFM) chez les Addict. 2. L’étude du rôle du cortex prélimbique (PL) dans le contrôle du comportement d’autoadministration de cocaïne chez le rat. Des données récentes de la littérature remettent en cause le dogme selon lequel le PL exerce exclusivement un rôle facilitateur sur les propriétés motivationnelles de la cocaïne. Nous avons cherché à clarifier le rôle du PL dans le comportement d’autoadministration de cocaïne avant que ne se développe une addiction : comprendre son rôle dans l’usage précoce de cocaïne pour, à terme, étudier l’évolution de son implication selon que l’individu développe ou non une addiction. Nous avons montré que l’inactivation du PL peut s’accompagner, chez le même individu, d’une diminution ou d’une exacerbation du comportement de recherche de cocaïne selon les contingences expérimentales. Les neurones du PL émettent des projections vers plusieurs structures. Pour étudier leur rôle dans les effets comportementaux observés, nous avons travaillé à la mise au point d’outils optogénétiques pour la manipulation de l’activité de voies neuronales spécifiques, chez le rat, pour lequel ils sont encore très peu développés. Mes travaux de thèse contribuent tant sur le plan théorique que technique à la compréhension des mécanismes psychobiologiques de l’addiction à la cocaïne. / Drug addiction is characterized by pathological drug seeking and taking, maintained despite their negative consequences. This is a chronic pathology, withdrawal attempts being unsuccessful in most cases. Cocaine addiction develops in about 15 to 20 % of habitual users. For cocaine, therapeutic options are lacking, which could be explained by the relatively poor understanding of the neurobiological mechanisms underlying cocaine addiction to date. Clinical and preclinical studies propose that addiction results from an imbalance between the cortical-subcortical circuits that process motivational value of drug-related stimuli versus those involved in cognitive inhibitory control. Hierarchical sequential changes in distinct, but interconnected circuits, including the basolateral amygdala, the nucleus accumbens and the prefrontal cortex could be at the core of pathological incentive processes and difficulty to control craving and drug taking. Studying addiction at the neuronal circuit level faces many challenges. Technically limited in humans, it can benefit from animal models, but only if they properly capture dimensions of the pathology. Over the last ten years, such models have been developed, but exclusively in rats. However, tools for a refined functional exploration of neuronal circuits have been established mostly in mice, and until recently they have begun to be explored in rats. In addition, another main challenge is the ability to investigate functional connectivity in real time in behaving animals. My thesis work had two objectives: 1. Studying markers of functional connectivity in rats showing a cocaine addiction-like behavior (Addict) or not (Non-addict). Our model of cocaine addiction allows identifying 15-20% of rats that show a high motivation for cocaine, a difficulty to limit drug seeking and that maintain drug taking despite negative consequences. These extreme behaviors occur after prolonged cocaine self-administration and despite that these rats have used a comparable amount of cocaine as compared to the others. In vivo, multi-site electrophysiology recordings, applied to single units or local field potentials, is a tool of choice for studying functional connectivity in rodents. A technical challenge has been to adapt and couple it to our model of cocaine addiction in the rat. We have evidenced significant differences in connectivity between Addict and Non-addict rats, which suggest a default of functionality of the medial prefrontal cortex in the Addict rats. 2. Studying the role of the prelimbic cortex (PL) in cocaine self-administration behavior in the rat. The canonical role of the PL in exclusively promoting drug seeking was recently questioned, with studies involving it also in inhibition of drug seeking. Our first goal was to clarify this role of the PL in early cocaine self-administration, i.e. before addiction-like behavior develops: understanding its early role to eventually compare it to its late role and whether an addiction-like behavior develops or not. We have shown that optogenetic PL inactivation can decrease or increase cocaine seeking in the same individual, according to experimental contingencies. PL neurons project to several remote structures. To study the role of these different neuronal pathways, we have worked in establishing optogenetic tools for the manipulation of specific neuronal pathways, in the rat, for which they are still poorly developed. My thesis work contribute, both theoretically and technically, to the understanding of the psychobiology of cocaine addiction.
Identifer | oai:union.ndltd.org:theses.fr/2017BORD0901 |
Date | 19 December 2017 |
Creators | Fiancette, Jean-Francois |
Contributors | Bordeaux, Deroche-Gamonet, Véronique |
Source Sets | Dépôt national des thèses électroniques françaises |
Language | French |
Detected Language | French |
Type | Electronic Thesis or Dissertation, Text |
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