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Imaginaires de la filiation : la mélancolisation du lien dans la littérature contemporaine des femmes

Cette thèse s’intéresse à un changement de paradigme dans l’imaginaire de la filiation tel qu’il est donné dans la littérature des femmes et les écrits du féminisme. L’hypothèse de travail est la suivante : à l’imaginaire d’une filiation déployée uniquement dans la latéralité des liens sororaux, se substitue au tournant des années 1990 un imaginaire mélancolique de la filiation, corollaire de la posture d’héritière désormais occupées par les auteures et penseures contemporaines.
Parallèlement au développement d’une troisième vague du féminisme contemporain, la France et le Québec des années 1990 ont en effet vu naître ce qui est qualifié depuis peu de « nouvelle génération d’écrivaines ». « Premières », à l’échelle de l’histoire de la littérature des femmes, « à bénéficier d’un riche héritage littéraire féminin » (Rye et Worton, 2002 : 5), les auteures appartenant à ces « nouvelles voix » s’avèrent en effet doublement héritières, à la fois d’une tradition littéraire au féminin et de la pensée féministe contemporaine.
Alors que la génération des années 1970 et du début des années 1980, se réclamant en un sens des discours d’émancipation des Lumières (liberté, égalité, fraternité), refusait l’héritage des générations antérieures, imaginant une communauté construite dans la sororité et fondée sur le meurtre des figures parentales, la génération actuelle n’est plus, quant à elle, dans la rupture. Située dans l’appropriation du passé et de l’histoire, elle réinvestit l’axe vertical de la généalogie.
Or, c’est dans un récit familial mortifère ou encore lacunaire, morcelé, troué par le secret, ruiné par le passage du temps, toujours en partie perdu, qu’avancent les auteures, tout en questionnant le généalogique. Celui-ci ne s’entend pas ici en tant que vecteur d’ordre ou principe d’ordonnancement hiérarchique, mais se pose plutôt comme un mouvement de dislocation critique, « dérouteur des légitimités lorsqu’il retrace l’histoire des refoulements, des exclusions et des taxinomies » (Noudelmann, 2004 : 14) sur lesquels s’est construite l’histoire familiale. En d’autres termes, l’interrogation filiale à l’œuvre chez cette génération héritière participe d’une recherche de l’altérité, voire de l’étrangement, également présente dans les écrits théoriques et critiques du féminisme de la troisième vague.
Cette thèse, en s’étayant sur l’analyse des récits de femmes et des écrits féministes publiés depuis les années 1970 – moment qui coïncide avec l’émergence de ce qu’il est désormais convenu d’appeler le féminisme de la deuxième vague –, a ainsi pour objectif de cerner les modifications que connaît l’imaginaire de la filiation à travers ce changement de paradigme. À l’aune de cette analyse menée dans la première partie, « De la sororité aux liens f(am)iliaux. Imaginaires de la filiation et représentations du corps », il s’agit, dans les deux parties suivantes intitulées « Des fantômes et des anges. La filiation en régime spectrale » et « Filles et mères, filles (a)mères. La filiation en régime de deuil » et consacrées plus précisément à l’étude des récits sélectionnés, de dégager les modalités filiales explorées par les auteures depuis le tournant des années 1990. / This thesis studies a change of paradigm in the way women’s literature and feminist writings imagine filiation. The analysis is based on the hypothesis that at the turn of the 1990s, the imagination of a lateral filiation, which takes the form of a sorority, is replaced by a melancholic filiation, corollary to the heiress’ posture of contemporary writers and thinkers.
Parallel to the development of the Third Wave feminism, France and Quebec of the 1990s observe the emergence of a new generation of women’s writers. « [F]irst », in regards to the history of women’s literature, « to benefit from a visibly rich female literary heritage » (Rye and Worton, 2002: 5), the authors belonging to these “new voices” are doubly heiresses: of this female literary tradition and of the contemporary feminist thought.
While the generation of the 1970s and early 1980s, in a sense reclaiming the discourse of the Enlightenment (Liberty, Equality, Fraternity), refused all the legacy from the former generation and imagined itself as a sorority founded upon the murder of the parental figures, the “new” generation is not breaking with the past anymore. On the contrary, it seeks to appropriate this past as well as history. Therefore these authors identified with this new generation investigate the vertical axe of genealogy.
However, the family plot they explore through a genealogical gesture is whether baleful, whether partial, parceled out by secrets or by the passing of time and always appears, in any case, to be already lost. Yet, genealogy is not to be understood here as a mere vector of order or hierarchy but is rather related to a critical movement of dislocation that aims to “divert legitimacies by retracing the repressions, exclusions and taxonomies” (Noudelmann, 2004: 14) upon which any familial history is constructed. In other words, this generation of heiresses explores inheritance and filiations as a way to encounter otherness, not to say the uncanny. A similar search is also at stake in the critical and theoretical writings of the Third Wave feminism.
Based on the analysis of women’s writings and feminist thinking published since the decade of 1970s – that sees the Second Wave feminism growing bigger and more influent – this thesis’ main objective is to circumscribe how the imagination of filiations is modified throughout the change of paradigm. By the light of this analysis lead is the first part of the thesis entitled “De la sororité aux liens f(am)iliaux”, it becomes possible in the two others parts, “Des fantômes et des anges. La filiation en régime spectral” and “Filles et mères, filles (a)mères. La filiation en régime de deuil”, both dedicated to the reading of the selected writings, to identify new forms of kinship explored by women’s writers since the 1990s.

Identiferoai:union.ndltd.org:umontreal.ca/oai:papyrus.bib.umontreal.ca:1866/4437
Date09 1900
CreatorsLedoux-Beaugrand, Evelyne
ContributorsMavrikakis, Catherine
Source SetsUniversité de Montréal
LanguageFrench
Detected LanguageFrench
TypeThèse ou Mémoire numérique / Electronic Thesis or Dissertation

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