Le givrage atmosphérique des lignes de transport d'énergie électrique peut causer de sérieux problèmes aux réseaux de transport et de distribution en raison de la forte adhésion de la glace aux substrats. Afin d'éviter des pannes majeures d'électricité causées par de sérieuses tempêtes de verglas, l'amélioration des caractéristiques mécaniques des composantes des lignes de transport ainsi que les techniques anti-givre et de dégivrage doivent être considérées. Le développement de ces techniques exige, à son tour, des connaissances approfondies sur les forces d'adhésion et les caractéristiques de résistance volumiques de la glace atmosphérique.
L''objectif principal de cette recherche, dans le cadre de la problématique générale du délestage de glace, est de présenter un modèle du comportement ductile viscoplastique de la glace atmosphérique poreuse. Les effets des activités de fissuration devraient être ajoutés au modèle afin de prédire le comportement du matériau en transition et dans des régions fragiles. Cela peut se faire en modifiant, tant les formulations des paramètres élastique, viscoélastique et plastique des matériaux pour mieux tenir compte de l'activité de fissuration, que les surfaces d'écoulement pour refléter l'effet des taux élevés de déformation.
Un survol de la littérature a démontré que certains modèles ont été développés, depuis environ deux décennies, afin de prédire le comportement mécanique de l'eau douce glacée. Toutefois, pratiquement tous les modèles prédisent le comportement mécanique de l'eau douce glacée uniforme. Ainsi, l'effet de la pression sur le comportement du matériau, induit par la présence de bulles d'air, n'a pas été considéré dans ces modèles. Cependant, la porosité de la glace atmosphérique varie en fonction du régime d'accumulation, parfois jusqu'à 35 %, ce qui correspond à des densités de glace allant de 917 kg/m3 à 600 kg/m3. Les résultats d'essais en laboratoire effectués sur de la glace poreuse ont démontré l'influence significative de la porosité sur le module élastique et la résistance de la glace.
Les essais de matériaux effectués sur différents types de glace polycristalline montrent que la glace présente un comportement de type fluage à des températures au dessus de -40°C. Cela veut dire que le comportement mécanique de la glace est sensible à la vitesse de déformation et à la température, et qu'un minimum de trois composantes de déformations macroscopiques, notamment les déformations élastiques (instantanées) et inélastiques, soit de type viscoélastique à retardement et de type viscoplastique (irréversible), décrivent la réponse du matériau. La nature complexe de cette question est due au fluage non linéaire, à la transition de la glace de son état ductile à son état fragile en fonction des taux de déformation, de même qu'à plusieurs paramètres du matériau, à la complexité dans la propagation des fissures, et aux difficultés associées à sa transposition dans des équations constitutives.
La méthodologie utilisée pour résoudre le système d'équations non linéaires est basée sur le principe des travaux virtuels qui conduit à une formulation intégrale adaptée à l'application de la méthode des éléments finis. Le comportement du matériau est exprimée sous forme incrémentale, ce qui requiert un schéma pour l'intégration de la loi d'évolution du comportement en utilisant par exemple un algorithme basé sur la méthode trapézoïdale généralisée (schéma d'Euler implicite / explicite). Le schéma implicite est inconditionnellement stable, alors que la stabilité du schéma explicite est fonction du pas de temps choisi. De plus, une méthode de linéarisation incrémentale suffit pour résoudre ce système d'équations non linéaires. Dans la présente recherche toutefois, le logiciel de calcul des structures ABAQUS est utilisé et le comportement du matériau est décrit à l'aide d'un sous-programme d'intégration numérique d'une loi de comportement spécifique à l'usager (UMAT). La méthodologie de la présente recherche est ensuite adaptée à la formulation des lois de comportements élastiques, viscoélastiques et plastiques pour différents types de glace atmosphérique naturelle accumulée sur des câbles électriques et à leur implémentation dans le logiciel ABAQUS.
Afin de déterminer le domaine d'application de chaque modèle mathématique pour la glace atmosphérique, la texture (morphologie) et la structure des dépôts de glace sur les câbles doivent être connues. Pour ce faire, une étude détaillée de la microstructure et du contenu en bulles d'air de la glace atmosphérique a été conduite par Laforte et al. (1983). La structure du grain et des bulles d'air a été étudiée dans diverses conditions atmosphériques, mais la direction des « c-axis » demeurait inconnue. Dans la présente étude, une série d'observations complémentaires de la microstructure ont été conduites et ont démontré que la structure des dépôts de verglas était similaire à celle de la glace en colonne de type S2 (eau douce glacée), alors que la glace en colonne de type SI est généralement observée dans les régions de transition et initiales du régime d'accrétion de glace dans des conditions sèches (givre lourd). Par contre, la structure granulaire s'observe dans un régime d'accrétion dans des conditions très sèches (givre léger). Dans ce travail, nous utilisons la méthodologie générale suivante pour décrire le comportement ductile de la glace atmosphérique poreuse :
1) Déformations élastiques instantanées : La loi de Hooke établit une relation entre le champ de déformations élastiques et le champ de contraintes associé. Les modules élastiques de la glace polycristalline uniforme sont déterminés à partir des valeurs du monocristal obtenues par une technique d'étalement de Hill (1952). Les constantes élastiques du monocristal, mesurées par Gammon et al. (1983), ont été utilisées afin de déterminer les modules élastiques de la glace uniforme. Les limites supérieures et inférieures de chaque module élastique du polycristal sont déterminées à l'aide des techniques de calcul des moyennes de Voigt (1910) et de Reuss (1929), et la valeur moyenne obtenue est considérée comme étant le module élastique de la glace polycristalline.
La modification pour la glace poreuse est rendue possible en définissant la contrainte effective d'un matériau poreux qui consiste en une contrainte induite dans le matériau solide et en une pression des pores. Deux situations extrêmes, c'est-à-dire les modèles avec drainage et sans drainage, sont pris en considération et dans chaque cas, les hypothèses de Voigt (1910) et de Reuss (1929) sont utilisées pour calculer la pression des pores, la force et la contrainte effectives, de même que la variation du contenu liquide. Le modèle avec drainage est alors appliqué aux questions poro-élastiques pour les dépôts de verglas et le modèle sans drainage est mieux adapté pour les dépôts de givre.
2) Déformation viscoélastique à retardement : La rhéologie à court terme proposée par Sinha (1978) est utilisée pour formuler la contrainte viscoélastique à retardement induite par glissement à la frontière du grain en fonction de la déformation élastique. L'effet de la température sur le comportement viscoélastique est introduit à l'aide d'une fonction de décalage dans le modèle. L'effet de la porosité, pour sa part, est intégré dans les formulations en remplaçant la déformation élastique par l'intensité de la contrainte effective correspondante d'un matériau poreux. Finalement, une fonction de changement structurel est définie afin de considérer l'influence de la déformation plastique sur la contrainte viscoélastique. Les paramètres du matériau induits dans la formulation pour la contrainte viscoélastique ont été choisis à partir des calculs de Derradji-Aouat (2000).
3) Déformation plastique permanente : La formulation pour la déformation plastique est développée à partir de la théorie du modèle « cap-plasticity » et en considérant une série de variables internes, les déformations plastiques et leur taux de variation. Le modèle de plasticité pour la glace poreuse inclut la limite élastique, les différences entre le comportement en traction et en compression, de même que les effets de la porosité et de la température. La surface de charge ou fonction d'écoulement, dans ce cas-ci, inclut trois segments importants : un segment parabolique d'écoulement en cisaillement de type Drucker-Prager modifiée, un segment « cap » elliptique qui intersecte l'axe de contraintes hydrostatique et un segment définissant la limite en tension. La critère d'écoulement en cisaillement décrit l'effet de la pression sur la résistance de la glace à l'aide de trois paramètres : la cohésion du matériau, l'angle de friction et la pression hydrostatique correspondant à la contrainte de cisaillement maximale. L'état actuel du «segment cap» est déterminé par deux variables internes : la pression à la contrainte de cisaillement maximum et la pression de fusion de la glace poreuse. La pression à la limite de résistance en tension dans la région ductile est le seul paramètre du matériau en relation avec les limitations en tension. Les données d'analyses de Jones (1982), Nadreau et Michel (1984), et Rist et Murrell (1997) sont utilisées afin de déterminer, en fonction de la surface d'écoulement en cisaillement pour la glace uniforme, les paramètres du matériau qui sont affectés par la structure de la glace, sa température et son taux de déformation, mais qui ne sont pas affectés par la dimension du grain. Une loi d'écoulement associée et un paramètre d'écrouissage du segment cap sont utilisés dans ce travail. L'effet de la porosité est considéré dans le modèle à l'aide d'une définition de la contrainte effective.
Enfin, la catégorisation des contributions scientifiques majeures de cette recherche peut se faire en considérant les objectifs initialement définis et en suivant la méthodologie générale comme suit : (a) en classifiant la structure de la glace atmosphérique accumulée sur les câbles électriques en fonction de la forme des grains (texture) et de l'orientation du «c-axis» (structure) ; (b) en introduisant trois programmes développés dans le progiciel Maple Mathematical Program afin de déterminer les modules élastiques pour différents types d'eau douce glacée (glace granulaire et en colonne SI, S2 et S3) ; (c) en introduisant un modèle poroélastique afin de modifier les modules élastiques de la glace atmosphérique poreuse ; (d) en introduisant un modèle de plasticité de type « cap-model » pour différents types de glace atmosphérique poreuse ; (e) en présentant une nouvelle fonction d'écoulement dans la région ductile d'eau douce gelée, qui est en meilleur accord avec les données d'analyses disponibles, et ensuite en les généralisant pour inclure la porosité à l'aide d'un « cap » elliptique mobile; et (f) en développant un sous-programme d'une loi de comportement viscoplastique spécifique à l'usager (UMAT) pour la glace atmosphérique dans la région ductile, incluant les domaines poroélastique, viscoélastique, et « cap-model » de platicité.
Identifer | oai:union.ndltd.org:LACETR/oai:collectionscanada.gc.ca:QCU.534 |
Date | January 2005 |
Creators | Eskandarian, Mojtaba |
Source Sets | Library and Archives Canada ETDs Repository / Centre d'archives des thèses électroniques de Bibliothèque et Archives Canada |
Detected Language | French |
Type | Thèse ou mémoire de l'UQAC, NonPeerReviewed |
Format | application/pdf |
Relation | http://constellation.uqac.ca/534/ |
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