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Géologie et pétrologie de l'Archéen de Guinée : une contribution régionale à la formation de la croûte continentale

La formation de la croûte continentale est l'un des problèmes majeurs posés aux géoscientifiques. Parmi eux, le géologue peut apporter des éléments de réponse fondamentaux, c'est effectivement lui qui " image " la surface de la croûte au travers de la carte et en retrace les principaux " actes fondateurs " au travers des reconstitutions lithostratigraphiques. Une fois ces cadres posés, la réflexion porte à la fois sur les mécanismes qui ont produit la matière et ceux qui l'ont façonnée, qu'il s'agisse de phénomènes chimiques (magmatisme, hydrothermalisme) ou physiques (déformation, métamorphisme). L'objet de ce mémoire est de tenter de comprendre quels processus ont opéré durant les grandes étapes de la formation de la croûte archéenne de la partie SW de l'Afrique de l'Ouest, à partir des informations collectées dans le cadre de projets de cartographie du BRGM dans l'est et le centre de la Guinée (sud-est Guinée, 1998-1999 ; nord-est Guinée, 1998-1999 ; centre Guinée, 2001-2003). L'approche est essentiellement magmatologique, avec comme objectifs de cerner l'origine des magmas et leurs mécanismes de différenciation. Dans ce but, une démarche systématique est largement utilisée, qui s'appuie sur une comparaison entre les " signatures " géochimiques des roches archéennes et celles de roches modernes, ainsi que sur une mesure de l'état de fractionnement des sources des magmas archéens relativement au manteau primordial et aux sources des magmas modernes. Dans le SW de l'Afrique de l'Ouest, la formation et la différenciation du craton archéen (le domaine de Kénéma-Man) a procédé en quatre étapes majeures : 1/ paléoarchéenne (~ 3,5 Ga) ; 2/ léonienne (~ 3,1-2,95 Ga) ; 3/ libérienne (~ 2,9-2,8 Ga) ; 4/ tardiéburnéenne (~ 2,1-2 Ga). L'étape paléoarchéenne est principalement marquée par la mise en place de granitoïdes assez potassiques, aux signatures géochimiques communes de magmas produits par fusion à haute pression de matériaux basiques (ou " slab melts "). A la même époque, des roches basiques sont effectivement subductées, éclogitisées, puis stockées dans le manteau sous-continental, et c'est seulement au Mésozoïque (~ 100-200 Ma) que des kimberlites du Sierra Leone raméneront en surface ces témoins de " slabs " archéens, dont la plupart sont profondément contaminés par les magmas kimberlitiques (Barth et al., 2002b). Les signatures géochimiques des granitoïdes permettent de les interpréter comme des produits de la fusion partielle à faible degré d'un matériau basaltique primordial dont pourraient témoigner un ou deux rares échantillons d'éclogite ayant échappé à la contamination par les kimberlites. L'étape léonienne se traduit par la mise en place d'un ensemble de roches magmatiques basaltiques (greenstone) à acides (gneiss, granitoïdes), rarement ultramafiques, et de roches sédimentaires (quartzites, Fe-quartzites, paragneiss ...). Le point essentiel est la signature clairement orogénique de certaines roches basaltiques qui suggère le fonctionnement d'une subduction " froide " (ou tout au moins " tiède ") comparable aux subductions actuelles. Par ailleurs, le magmatisme léonien porte la trace de la permanence d'un manteau primordial à l'aplomb du craton et d'une différenciation possible des magmas vers des termes intermédiaires et acides dont certains semblent largement contaminés par la croûte paléoarchéenne. En Guinée comme en Côte d'Ivoire (Kouamélan et al., 1997a-b), l'étape libérienne est essentiellement une période de différenciation crustale, sans indice d'une accrétion significative. Quelques rares roches basiques témoignent de la permanence d'un manteau primordial à l'aplomb du craton, mais plus de 99% des roches libériennes visibles en surface sont acides. Les granitoïdes, souvent assez potassiques et particulièrement riches en éléments incompatibles (Th, terres rares légères ...), sont les plus abondants et des migmatites leur sont souvent étoitement associées. Parmi les granitoïdes, des charnockites constituent un type subordonné, mais qui témoigne des conditions de haute température probablement à l'origine de l'événement libérien. Celui-ci est interpété comme un épisode de fusion généralisé de la croûte, en conditions sous-saturées en H2O, ayant permis la production des granites riches en éléments incompatibles par fusion partielle à taux limité de précurseurs acides paléoarchéens à léoniens. Le moteur thermique de cet événement pourrait être l'injection de magmas mafiques en base de croûte, mais ce point reste à étayer. Le dernier événement " orogénique " subi par le craton est une remobilisation partielle au Paléoprotérozoïque supérieur (événement tardi-éburnéen), associée à une tectonique décrochante liée à la collision entre la croûte birimienne (~ 2,2-2,1 Ga) à peine achevée et le bloc archéen. En prélude à cet événement, un magmatisme juvénile se développe à la marge du craton qui associe des laves ultramafiques (komatiites) et mafiques (tholéiites). Là encore, les magmas semblent largement alimentés par un réservoir mantellique primordial qui recycle partiellement un constituant sélectivement appauvri en Th interprété comme l'héritage de " slabs " précédemment subductés. Finalement, telle qu'en témoigne sa composition de surface, la croûte supérieure archéenne d'Afrique de l'ouest apparaît un peu plus acide et très légèrement moins mafique que la moyenne proposée pour la croûte continentale supérieure moyenne (Taylor et MacLennan, 1985). Néanmoins, ces différences ne peuvent en expliquer d'autres, qui portent spécifiquement sur les éléments incompatibles. En premier lieu, la croûte archéenne d'Afrique de l'ouest apparaît quatre fois plus pauvre en Ta et Nb et significativement plus fractionnée en terres rares lourdes et plus enrichie en terres rares légères que la croûte supéreure moyenne. Elle est également plus riche en Ba et Th. Globalement, les processus archéens ont permis la production d'une croûte supérieure très proche de la croûte moyenne et globalement granodioritique, mais cette croûte archéenne présente une signature géochimique spécifique, plus " orogénique " que celle de la croûte moyenne, et où l'effet du slab melting transparaît nettement.

Identiferoai:union.ndltd.org:CCSD/oai:tel.archives-ouvertes.fr:tel-00830519
Date25 March 2005
CreatorsThiéblemont, Denis
PublisherUniversité de Bretagne occidentale - Brest
Source SetsCCSD theses-EN-ligne, France
LanguageFrench
Detected LanguageFrench
Typehabilitation ࠤiriger des recherches

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