Comment gouverne-t-on les pauvres aujourd'hui ? Sur la base d'une enquête comparative et qualitative entre un dispositif français (le Revenu de solidarité active) et un programme new-yorkais (Opportunity NYC), cette thèse propose d'analyser les mécanismes de la lutte contre la pauvreté reposant sur la conditionnalité comportementale. Porter l'indigence à l'agenda, justement par qu'elle est éminemment politique, fait l'objet d'un important travail de dépolitisation. Importation de modèles de l'étranger, construction de données chiffrées, mobilisation d'un protocole expérimental : tels sont les principaux procédés d'objectivation et de légitimation mobilisés. La teneur de l'aide apportée aux pauvres change. Se démarquant d'une logique simplement économique qui voudrait que la récompense monétaire engendre un comportement prédéfini, et desserrant une méthode strictement punitive où la sanction tient lieu de formule de commandement, ces politiques sociales conditionnelles renouvellent les termes des relations entre populations pauvres et pouvoir politique. Les techniques de gouvernement mises en œuvre s'inspirent du « nudge », c'est-à-dire d'une forme paradoxale d'autonomie institutionnalisée où les bons comportements tiennent lieu d'échappatoire à la pauvreté. L'aide sociale comme relevant du droit ou du statut est dépassée. Sa légitimité ne se fonde plus sur l'efficacité, dans la veine du new public management, mais sur un sens commun réformateur ayant le mérite pour objet. Les clivages partisans paraissent s'affaisser autour de cette forme de gouvernement moral. L'éthique du travail et la « bonne volonté » des pauvres sont mises en scène pour justifier l'octroi de subsides sociaux. L'expérimentation sociale, passée au prisme du jeu politique, confère un caractère « scientifique » et « objectif » à ces présupposés. Au final, c'est à un gouvernement de la pauvreté fait de politique et d'usages de la scientificité que ce travail est consacré. / This study provides a comparative analysis of two anti-poverty initiatives in New York (Opportunity NYC) and in France (Revenue for Active Solidarity). It is based on extensive fieldwork and numerous interviews in both countries. Conditioning subsidies on behavior and giving a nudge “to do the right thing” by structuring the choices of the poor now defines the way poverty is fought against. The political agenda is built around the concept of making conditional social policy non-partisan solutions. Policy transfers, data-making or experimental design figure among the ways of taking politics out of policy-making. This study finds there is no such thing and that these programs reflect a substantive political orientation. The mechanisms used to motivate the poor are different. They are more than just an economic incentive that binds reward and behavior together. They are less than a coercive approach where work is mandatory to get relief. The nudge emerges as a third way that consists in a paradoxical injunction: governing the poor to govern themselves. No entitlement there. If this is nothing new in America, this is new in France. Hence, policy is not legitimated by effectiveness, like it used to be with new public management, but by moralistic assumptions. Reform is based more on commonsense than technical arguments. The work ethics and the “good choices” justify the money spent for the poor (public in France, private in New York). The experimental design, once appropriated by political instances, gives a scientific glow to these programs so they appear “universal” and “neutral”. In a nutshell, this dissertation explores how poverty is governed by a policy-mix of politics and science
Identifer | oai:union.ndltd.org:theses.fr/2011GRENH015 |
Date | 17 November 2011 |
Creators | Chelle, Elisa |
Contributors | Grenoble, Ihl, Olivier, Commaille, Jacques |
Source Sets | Dépôt national des thèses électroniques françaises |
Language | French |
Detected Language | French |
Type | Electronic Thesis or Dissertation, Text |
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