Les contrats publics ont pour finalité l’intérêt public. Les auteurs s’entendent sur ce principe et les tribunaux ne cessent de le rappeler. Pourtant, aucun texte de loi ayant pour vocation de régir l’exercice du pouvoir contractuel de l’État ne nous renseigne sur ce que signifie l’intérêt public. C’est ce silence de la loi, conjugué au contexte social des dernières années - qui a ébranlé toute certitude vis-à-vis du fonctionnement adéquat de notre système d’attribution des contrats publics - qui est à l’origine de cette thèse. Nous avons donc entrepris d’examiner le cadre normatif qui régit l’exercice du pouvoir contractuel de l’État pour voir si une conception particulière de l’intérêt public s’en dégageait. Nous avons alors découvert que les règles qui gouvernent les contrats publics sont influencées par une variable qui compte plus que toutes les autres : le coût. Cette variable occupe une place si importante dans l’encadrement normatif des contrats publics qu’il ne nous paraît pas exagéré d’avancer que la notion même d’intérêt public se confond désormais avec l’exigence budgétaire du projet public. Les contrats publics sont dominés par des règles comptables auxquelles est subordonnée la véritable question de l’intérêt public. Cette conclusion commande de réfléchir à une façon de refonder l’intérêt public. Pourquoi ? Parce que l’aspect budgétaire ne constitue que l’une des dimensions de l’intérêt public et non pas l’intérêt public en tant que tel. Il est même possible d’envisager que dans certains cas, l’aspect budgétaire n’ait aucune valeur en regard de l’intérêt public. C’est le caractère polymorphe de l’intérêt public, le fait qu’il s’agit d’une notion perméable capable de baliser l’exercice des pouvoirs publics en fonction de ce qui est légitime dans chaque cas d’espèce qui en fait toute la valeur. Réduire l’intérêt public à une seule de ses dimensions, qu’il s’agisse du budget, de l’esthétique, de la durabilité ou de l’échéancier, n’est pas souhaitable, car c’est faire fi de l’ensemble des besoins et aspirations qui peuvent être pertinentes aux yeux du public dans un contexte donné. Alors que le pouvoir contractuel de l’État est censé servir l’intérêt public, les citoyens – qui sont dans les faits les principaux bénéficiaires des projets et ceux à qui appartient en principe la définition du contenu de l’intérêt public – sont complètement exclus du processus qui mène à la réalisation d’un projet public. Le cadre normatif présume que leur intérêt sera satisfait grâce à la IV concurrence que se livrent des entrepreneurs désireux de participer aux projets publics et qui sont par le fait même appelés à donner le meilleur de ce qu’ils ont à offrir. L’on présume également que l’Administration publique est en mesure de s’assurer que les projets, au stade de leur conception, de leur exécution et de leur évaluation, répondent aux attentes de la communauté qui en a besoin. Or, la rationalité budgétaire qui anime le droit des contrats publics est loin de garantir que les projets qui en font l’objet répondront aux attentes complexes, contextuelles et plurielles du public. La refondation à envisager implique de recentrer l’exercice du pouvoir contractuel sur la satisfaction de l’intérêt public conçu comme cadre de légitimité capable d’intégrer les points de vue de tous les acteurs sociaux concernés. Cette refondation implique également de faire réapparaitre le public dans un processus qui vise précisément à satisfaire son intérêt. Le concept de démocratie administrative, tel qu’il est envisagé en droit administratif, vise à revoir la relation entre les citoyens et l’Administration publique à l’aune de l’idéal démocratique. Les principes qui sous-tendent le concept de démocratie administrative et les dispositifs démocratiques qu’il suppose, sont particulièrement propices pour répondre aux lacunes qui caractérisent le modèle actuel. D’une part, il remet le citoyen au cœur des projets publics qui lui sont destinés. Ensuite, il permet de repenser l’intérêt public au cas par cas, en fonction de ce qui est légitime dans chaque contexte donné. Il extirpe ainsi le pouvoir contractuel de l’État de l’emprise de toute conception unidimensionnelle.
Identifer | oai:union.ndltd.org:LAVAL/oai:corpus.ulaval.ca:20.500.11794/67736 |
Date | 10 February 2024 |
Creators | Pellerin, Antoine |
Contributors | Lemieux, Pierre, Brière, Sophie |
Source Sets | Université Laval |
Language | French |
Detected Language | French |
Type | thèse de doctorat, COAR1_1::Texte::Thèse::Thèse de doctorat |
Format | 1 ressource en ligne (x, 343 page), application/pdf |
Coverage | Québec (Province) |
Rights | http://purl.org/coar/access_right/c_abf2 |
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