Une prise de décision inadaptée est au centre de nombreuses pathologies neuropsychiatriques, telle que la toxicomanie, mais concerne également certains sujets sains, pour lesquels les gratifications immédiates prévalent sur les conséquences à long terme. Afin de mieux comprendre les bases neuropsychologiques et neurobiologiques de la prise de décision dans un cadre normal et pathologique, les sujets sains inadaptés constituent un modèle prometteur. Une tâche de mesure de la prise de décision chez le rat (le Rat Gambling Task, RGT) a récemment été validée dans l’équipe, très similaire à l’Iowa Gambling Task chez l’homme et permettant de révéler, parmi une population saine de rats, une majorité de sujets performants, et une minorité de non performants. Ces rats persistent à choisir les options immédiates les plus récompensantes, mais associées à de fortes pénalités imprédictibles, entrainant un faible gain final. Nous avons montré que tous ces rats sont inflexibles et moins efficaces dans la qualité du caractère dirigé de l’action. Ils présentent également une motivation accrue pour les récompenses, qui dépend d’une balance complexe coût/bénéfice, étroitement liée à l’effort à fournir, à la palatabilité de la récompense mais pas à la perception de la sensation plaisante ou des besoins métaboliques. Par ailleurs, nous avons montré qu’il n’existe pas de relation directe entre les capacités de mémoire de travail et la prise de décision. Sur le plan neurobiologique, nous avons montré 1) que la qualité du caractère dirigé de l’action dépend d’une balance d’activité PL/SDM et 2) que la prise de décision dans le RGT engage différemment des structures spécifiques selon les performances dans la tâche et la cinétique d’élaboration des choix. Ainsi, le fort recrutement de l’OFC et du Nacc shell serait un marqueur de choix adaptés, alors que celui de PL/SDM serait modulé selon la rapidité à préférer les choix favorables. Le CgA, IL et l’amygdale se désengageraient lorsque les choix sont établis. Les rats non performants présentent une hypoactivité préfrontale associée à une activité persistante de l’amygdale, suggérant un contrôle cognitif préfrontal déficient, couplé à une altération dans les associations liées à la valeur des options, induisant un déficit d’acquisition et de ré-actualisation de la valeur incitative des choix. Nous avons également montré que les différences inter-individuelles dans le RGT sont associées à des différences dans le fonctionnement basal du système monoaminergique. Les rats non performants présentent notamment (1) des métabolismes DA- et 5HT-ergique plus élevés au niveau d’IL, en accord avec l’impulsivité motrice de ces rats, et/ou la moindre qualité du caractère dirigé de l’action et (2) un métabolisme DA-ergique plus élevé au niveau du Nacc core et 5HT-ergique plus faible au niveau du BLA, suggérant une relation étroite avec leur motivation accrue et la qualité des associations liées à la valeur des options. Finalement, ces données sont intéressantes au regard des modifications dans le fonctionnement monoaminergique de base induites par des polymorphismes génétiques, conduisant à une prise de décision inadaptée, ainsi qu’à certaines pathologies psychiatriques. Toutes ces caractéristiques comportementales et neurobiologiques qui forment un ensemble cohérent pourraient correspondre à un endophénotype de troubles mentaux. Les études à l’avenir devront investir la relation directe avec la pathologie, telle que l’addiction, et l’exploration de ces caractéristiques au niveau génétique. / Decision-making is profoundly impaired in several psychiatric disorders such as addiction, but also in some healthy individuals for whom immediate gratifications prevail over long term gain. To better elucidate the neuropsychological and neurobiological bases of good and poor decision making in normal and pathological conditions, healthy poor decision-makers represent a promising model. Recently, a Rat Gambling Task, aimed at measuring decision-making like in the Iowa gambling Task in humans has been validated. It allows the identification, among a normal population of rats, of majority of good decision-makers, and a minority of poor decision-makers that prefer immediate larger reward despite suffering large loses. We demonstrated that all poor decision makers are unflexible and less efficient in goal-directed behavior. They also have a higher motivation for reward that depends on a complex cost/benefice balance, related to the effort to make, to food palatability, but not to the perception of the pleasant feeling or to metabolic needs. Moreover, we demonstrated the absence of relationship between decision making performance and working memory. At the neurobiological level, we demonstrated 1) that efficiency in goal-directed behavior depends on balance of activity between PL and SDM and 2) that decision making depends on specific brain regions, with a level of activity related to the performance, as well as the time course to make choices. Higher OFC and Nacc shell activities are systematically associated with good decision making, whereas the recruitment of PL/SDM is modulated according to the time course to make good choices. CgA, IL and the amygdala would be disengaged when choices are established. Poor decision makers display a prefrontal hypoactivity associated with a persistent involvement of the amygdala, suggesting an alteration in the prefrontal cognitive control, combined with deficits in reward-based associations, leading to an impaired acquisition and/or re-updating of the incentive value of the options. Moreover, we demonstrated that inter-individual differences in the RGT are associated with distinct DA- and 5HT basal functions. Poor decision makers notably displayed (1) high DA- and 5HT-ergic metabolisms in IL, supporting their motor impulsivity and/or lower efficiency in goal-directed behavior and (2) a higher DA-ergic metabolism in the Nacc core, and lower 5HT-ergic in BLA, that could be related to their higher motivation, and the quality of reward-based associations. These data support the relationship between genetic polymorphisms inducing distinct basal monoaminergic functioning, and poor decision making as well as psychiatric disorders. All these cognitive/behavioural and neurobiological characteristics that make a consistent framework could be an endophenotype of mental disorders. Further experiments should examine the direct relationship between poor decision making and psychiatric disorders, such as addiction, and the genetic background related to this specific profile.
Identifer | oai:union.ndltd.org:theses.fr/2011BOR21871 |
Date | 13 December 2011 |
Creators | Fitoussi, Aurélie |
Contributors | Bordeaux 2, Dellu-Hagedorn, Françoise |
Source Sets | Dépôt national des thèses électroniques françaises |
Language | French |
Detected Language | French |
Type | Electronic Thesis or Dissertation, Text |
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