À mi-chemin entre un café, un jardin d’agrément, un bal et une scène théâtrale, les cafés-concerts et les music-halls représentent les divertissements les plus importants du XIXe siècle. Espaces spectaculaires qui accueillent des sociabilités hétérogènes et qui combinent une double fonction artistique et festive, l’identité socioculturelle de ces nouveaux loisirs s’est d’abord élaborée par opposition au statut du lieu d’art. Le postulat de la rareté des répertoires et des artistes issus des cafés-concerts et des music-halls dans l’historiographie des arts scéniques, et dans la transmission des savoirs en danse, nous a conduits à enquêter sur les raisons et les enjeux de cette mise à l’écart. « Lieux dangereux et vulgaires », « spectacles immoraux », « artistes insipides », sont les expressions symptomatiques d’une perception négative fondée sur un ensemble idéologique qui concourt à dessiner les contours d’une illégitimité culturelle. Une première étape de la recherche vise à analyser les principes de distinction sociale et de hiérarchisation artistique en œuvre dans le processus de délégitimation des cafés-concerts et des music-halls, en puisant dans les sources produites par les institutions en charge du contrôle des spectacles au XIXe siècle. Catégorisés en tant qu’objets populaires, les arguments déployés par les instances administratives et la police des théâtres révèlent en premier lieu le fondement d’une idéologie de classe, focalisée sur les origines prétendues populaires de ces divertissements. Entre le Second Empire et la Troisième République, l’histoire des cafés-concerts et des music-halls est traversée par un phénomène de féminisation qui bouleverse les pratiques et les représentations associées à ces espaces et participe à resémantiser leurs premières attributions sociales et symboliques. La seconde phase de ce travail s’intéresse aux effets d’un processus qui interagit sur les plans socioculturel, professionnel et symbolique par une présence féminine érotisée et qui tend à bâtir la catégorie du divertissement comme appartenant au genre féminin. Afin d’interroger les échanges entre altérités féminines et corporéités populaires sur les scènes des cafés-concerts et des music-halls durant la seconde moitié du XIXe siècle, la thèse mobilise deux catégories d’artistes féminines — les effeuilleuses et les danseuses de chahut-cancan — réunies autour d’un geste scénique et érotique commun : le déshabillage. L’étude de ce geste ouvre un troisième champ de questionnements sur les rapports entre l’érotique et l’illégitime dans les pratiques professionnelles de femmes qui exercent un métier artistique au sein d’un lieu spectaculaire à la fois déconsidéré et hautement érotisé. À travers les différentes étapes qui jalonnent cette recherche, la réflexion cherche à rendre compte de l’impact du déshabillage érotique sur la sensibilité d’une époque, sur le statut social des femmes, mais également sur les mouvements internes de professionnalisation des artistes de café-concert et de music-hall au XIXe siècle, et plus globalement, sur l’héritage historiographique de ces divertissements. / Halfway between a café, a pleasure garden, a ball and a theatrical stage, café-concert and music hall are the main entertainment places in the 19th century. Spectacular spaces that welcome heterogeneous sociability and combine a dual artistic and festive function, the socio-cultural identity of these new leisure activities was first developed as opposed to the status of the art place. The postulate of the rarity of repertoires and artists from café-concert and music hall in the historiography of performing arts, and in the transmission of knowledge in dance, has led us to investigate the reasons of this exclusion and the issues at stake. "Dangerous and vulgar places", "immoral performances", "insipid artists", are symptomatic expressions of a negative perception based on an ideological set that contributes to drawing the contours of cultural illegitimacy. The first stage of the research consists in analysing the principles of social distinction and artistic hierarchy in the process of delegitimization of café-concert and music hall, based on the sources from the institutions responsible for controlling 19th century performances. Categorized as popular objects, the arguments put forward by the administrative authorities and the theatre police reveal first and foremost the basis of a class ideology, focused on the supposedly popular origins of these entertainments. Between the Second Empire and the Third Republic, the history of café-concert and music hall was marked by a phenomenon of feminization that disrupted the practices and representations associated with these places and helped to redefine their first social and symbolic attributions. The second stage of this work focuses on the effects of a process that interacts socioculturally, professionally and symbolically through an eroticized female presence, and that tends to build the entertainment category as belonging to the female gender. In order to question the exchanges between female otherness and popular corporealities on the stages of café-concert and music hall during the second half of the 19th century, the thesis focuses on two categories of female artists — the effeuilleuse (strippers) and the chahut-cancan dancers — gathered around a common scenic and erotic gesture: undressing.
Identifer | oai:union.ndltd.org:theses.fr/2019AZUR2014 |
Date | 21 June 2019 |
Creators | Paillet, Camille |
Contributors | Côte d'Azur, Nordera, Marina |
Source Sets | Dépôt national des thèses électroniques françaises |
Language | French |
Detected Language | French |
Type | Electronic Thesis or Dissertation, Text |
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