Résumé d'une thèse de doctorat en Géographie Physique présentée par Christophe Morhange, sous la direction de Madame Mireille Lippmann Provansal. 269 p., 157 fig. et 2 ann. Université de Provence, Institut de Géographie, unité de rattachement C.N.R.S. U.R.A. 141 et formation doctorale C.N.R.S. U.R.A. 903. Dans un premier temps nous avons analysé la montée relative du niveau de la mer depuis 5000 B.P. sur les côtes rocheuses de la Méditerranée nord-occidentale, grâce à un enregistreur biologique, la corniche à Lithophyllum lichenoides. L'objectif était d'établir des courbes de référence sur des portions de secteurs rocheux différents. Dans une deuxième partie, nous présentons les informations paléo-bathymétriques obtenues à partir des fouilles archéologiques sur côte meuble, afin de mieux cerner la part de chaque facteur : eustasie, géodynamique, bilan sédimentaire et pression anthropique, dans la variabilité du trait de côte. Une dernière partie est consacrée à l'étude des impacts anthropiques sur le fonctionnement de la calanque du vieux Port de Marseille depuis le Néolithique final. Une annexe complète ce travail. Nous présentons un petit atlas des bioconstructions à Lithophyllum, en insistant sur les dégradations des bioconstructions actuelles. Les principaux résultats obtenus sont les suivants : 1. Variations relatives du niveau de la mer sur côtes rocheuses - La similitude entre les nuages de points obtenus dans les différentes stations (diagrammes âge/profondeur et âge/vitesse), dans le cadre de substrats différents, plaide en faveur d'une montée relative du niveau marin sous la dépendance de facteurs globaux (eustatique ou isostatique). Toutes les stations indiquent des ralentissements constants des vitesses globales de montée relative du plan d'eau depuis environ 4500 ans. La transgression marine holocène semble s'achever en Provence vers 500 ans après J.C. Sur côte rocheuse, cette quasi-stabilisation historique de la montée relative du niveau de la mer se matérialise par le développement de larges et épaisses bioconstructions (figures 1 et 2). - Nous insistons sur l'absence d'indice de stationnement marin holocène supérieur au niveau marin actuel sur les côtes de Provence et de Haute Corse. De plus, aucun indice de stationnement ou d'oscillation du niveau marin au cours des 4500 dernières années n'a pu être mis en évidence. - La vitalité du placage de thalles de Lithophyllum, au dessus des bioconstructions, pose un double problème, suggérant à la fois une légère variation positive du plan d'eau, pouvant correspondre à la montée eustatique séculaire enregistrée par les marégraphes. 2. Variations relatives du niveau de la mer sur côtes meubles (Lacydon, actuel Vieux Port de Marseille) - Entre 4000 et 500 ans avant J.C., la vitesse maximale de montée relative du niveau marin est d'environ 0,03 cm/an. Elle est identique à la vitesse de montée sur côte rocheuse pour des âges et des profondeurs comparables. - Entre 500 ans avant J.C. et 250 ans après J.C., la montée relative du niveau de la mer est beaucoup plus rapide (0,13 cm/an). Cette donnée peut autant traduire des déformations du substrat ou des tassements des formations superficielles que la plus faible précision des mesures sur côte meuble. Cependant, la vitesse de montée du niveau de la mer décélère rapidement. En effet, elle est divisée au moins par deux en sept siècles. Cette décélération constante est donc comparable à celles analysées sur côtes rocheuses. - Depuis le V siècle après J.C., le plan d'eau s'est à peu près stabilisé au niveau actuel. Nous n'avons découvert aucun indice de stationnement (ou de pulsation) marin historique supérieur au niveau marin actuel à Marseille ou à Toulon. Au Lacydon, comme sur côte rocheuse, le niveau marin connaît donc une montée relative de plus en plus lente. C'est la décélération constante des vitesses de montée relative du niveau de la mer qui aboutit à une quasi-stabilisation de celui-ci à l'époque actuelle (figure 3). 3. Morphogenèse et impacts anthropiques au Lacydon Dans un contexte transgressif du plan d'eau, le Lacydon connaît une importante progradation des surfaces émergées et un repli concommittant des surfaces en eau. Cette évolution morphologique "paradoxale" s'explique par un bilan sédimentaire positif lié à la conjoncture de l'anthropisation et de l'évolution morpho-climatique des milieux continentaux (figure 4). Sur la rive nord, trois évènements marquent l'histoire paléo-écologique de ce rivage : - Les premiers indices d'une anthropisation du littoral du Lacydon sont décelés, vers 2300 ans B.C. (Néolithique final). Les deux sites, de la rive nord et est du Lacydon, enregistrent les premiers effets d'une érosion des sols, sans doute d'origine anthropique. - La première crise de l'environnement littoral a lieu, vers 1900 ans B.C., caractérisée par la "mort" du maërl, contemporaine d'un envasement et d'un rejet anthropique massif d'huîtres (première crise écologique d'origine anthropique). La part de l'Homme, dans l'histoire écologique du Lacydon, apparaît donc déterminante dès le début de l'Age du Bronze. Cette crise de 3900 B.P. (environ 1900 ans avant J.C.) traduit la transformation du milieu naturel en espace géographique. Le Vieux Port de Marseille, est donc un haut lieu d'activités depuis près de quatre millénaires. Cependant, les apports détritiques restent encore modestes, à l'Age du Bronze, suggérant une occupation du sol sur les collines relativement peu dense et insuffisante pour engendrer une crise érosive. - Quand les Phocéens se sont implantés vers 600 ans avant J.C., la rive nord du Lacydon était donc déjà un écosystème marin fortement dégradé. L'urbanisation des collines de Saint Laurent, de la butte des Moulins, puis de la colline des Carmes, vont entraîner une crise détritique sans précédent et sans comparaison sur les autres rives. Nous l'avons désignée comme la crise détritique phocéenne. Nous interprétons cet épisode comme le passage d'un système morphogénique "naturel" à un système morphogénique urbain, et non pas comme une érosion seulement accélérée. Il est probable que la dégradation climatique régionale, mise en évidence sur d'autres sites de Basse-Provence entre 600 et 300 ans avant J.C., a joué un rôle en favorisant des écoulements concentrés et en augmentant la compétence des cours d'eau. Le site topographique accentue ces phénomènes. Les versants raides induisent une réponse hydro-sédimentaire immédiate aux processus d'urbanisation. En revanche, la rive est, à l'aval du talweg de la Canebière, enregistre une histoire sédimentaire plus calme. Les marécages côtiers, à l'écart de l'urbanisation grecque puis romaine, sont à l'origine d'une réponse sédimentaire tamponnée des effets des fluctuations climatiques et des pressions anthropiques. Nous notons cependant une progradation d'origine terrigène à l'époque grecque et une transgression marine à l'époque romaine. Au total, plus que la remontée relative du niveau de la mer, le facteur anthropique apparaît, à l'échelle historique, déterminant dans la mobilité des littoraux provençaux. Depuis 4000 ans, les principaux changements côtiers sont dûs davantage aux activités humaines, dans un contexte climatique favorable au déplacement des débris jusqu'au littoral, qu'aux variations des niveaux marin ou terrestre. Le colmatage par envasement et l'artificialisation des rives ont en effet largement compensé la remontée historique relative du niveau moyen de la mer. Trois conclusions de cette recherche doivent être finalement soulignées : - La transgression holocène semble perdurer jusque vers 1400-1200 B.P., c'est à dire au haut Moyen-Age. - Le part de l'Homme, dans l'histoire sédimentologique de la calanque du Lacydon, apparaît déterminante à la charnière Néolithique final-Age du Bronze (vers 4000 ans B.P. environ). - Plus que la remontée relative du niveau de la mer, le facteur anthropique apparaît, à l'échelle historique, déterminant dans la mobilité des littoraux provençaux.
Identifer | oai:union.ndltd.org:CCSD/oai:tel.archives-ouvertes.fr:tel-00685442 |
Date | 27 January 1994 |
Creators | Morhange, Christophe |
Publisher | Université de Provence - Aix-Marseille I |
Source Sets | CCSD theses-EN-ligne, France |
Language | French |
Detected Language | French |
Type | PhD thesis |
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