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Quels changements organisationels pour l'agriculture Africaine ? Essais sur les réformes des filières cotonnières et les assurances fondées sur des indices météorologiques

Ce travail de thèse présente l'analyse de deux changements organisationnels dans le cas du secteur agricole en Afrique Subsaharienne. Ce travail est composé de cinq chapitres qui peuvent être regroupés en deux parties distinctes. Dans le premier cas il s'agit de la comparaison et de l'estimation de l'impact de réformes institutionnelles au sein du secteur coton en Afrique Sub-Saharienne. Dans le second, de l'étude ex ante d'une innovation organisationnelle récente: les assurances fondées sur des indices météorologiques au sein de la zone soudano-sahélienne. Dans les deux cas ces analyses tentent de répondre à un besoin d'orientation les politiques visant au développement du secteur agricole en Afrique de l'Ouest et plus particulièrement à la question de l'accès au marché du crédit et de l'assurance pour les producteurs, nécessaire pour dépasser le stade de l'agriculture de subsistance (de Janvry et Sadoulet, 2011). Dans le premier chapitre, je passe en revue les réformes des filières cotonnières qui ont eu lieu en Afrique Sub-Saharienne. Je construis trois indices synthétiques de libéralisation: la présence de capitaux privés et le degré de concurrence entre égreneurs ainsi que la flexibilité des prix au cours de la campagne. Ceci nous permet de construire et de valider la base de données utilisée dans le second chapitre. Nous montrons d'abord que les deux vagues de réformes ont été très différentes. La première concerne les pays anglophones, dont le secteur cotonnier a été libéralisé entre 1985 et 1995. La seconde (après 1995) concerne les pays francophones d'Afrique de l'Ouest et du Centre. Nous montrons que ces dernières reposent plus sur une régulation de la filière, conservant de nombreuses caractéristiques des filières intégrées issue de la colonisation, contrairement aux réformes de la première vague de libéralisation. Tout d'abord, la concurrence établie n'est pas réelle puisque l'on voit l'installation de monopsones territoriaux d'égreneurs: les pays étant, dans la plupart des cas, divisés en zones d'opération pour chacun d'eux. Ensuite, les prix d'achat du coton sont encore fixés au semis et garantis jusque la récolte, absorbant les variations intra-saisonnières du prix international. Finalement on observe une rémanence du secteur privé, bien que des parts des sociétés cotonnières soient cédées au privé. Dans un second chapitre nous étudions l'impact de ces réformes sur la performance du secteur du coton dans les 16 principaux producteurs d'Afriques Sub-Saharienne en 2008. Nous utilisons pour cela des données de panel, issu de la FAO, appariées sur la période 1961-2008 à des données météorologiques mensuelles en grille (CRU TS3.1) considérées sur la période de croissance du coton, ce pour chaque année et chaque pays. Chaque cellule de la grille étant pondérée par la densité des surfaces cultivées en coton sur l'ensemble des territoires nationaux. Nous comparons les pays n'ayant pas réformé aux pays ayant régulé, installé une concurrence faible ou encore une concurrence forte. Nous montrons que les réformes menant à une régulation et à une forte concurrence ont un impact significatif sur les surfaces cultivées et les rendements. Ces résultats semblent validés par une estimation du potentiel biais de sélection, source limité d'endogéneité et robustes aux deux spécifications choisies: la première exploitant la dimension dynamique du panel (méthode des moments généralisés, dite GMM) et la seconde étant une analyse en différence de différences (moindres carrés avec effets fixes). Nous montrons d'abord que les réformes tendent à augmenter les rendements, hormis les réformes menant vers un faible niveau de concurrence, pour lequel l'effet des réformes n'est pas significatif. Les pays ayant régulé leur secteur cotonniers ont vu une croissance des surfaces semées en coton après les réformes. Les réformes menant à une forte compétition ont en revanche eu un impact négatif sur les surfaces cultivées, ce qui tend à valider l'approche institutionnelle qui suppose que le crédit aux intrants au semis, sans autre garantie que le coton récolté en fin de campagne, nécessite une relation de coordination qui est mise à mal par la concurrence. De même, comme le montre la littérature sur le sujet (Brambilla et Porto, 2011), il est possible qu'un effet de sélection ait opéré dans ces secteurs les plus concurrentiels, menant à limiter le nombre de producteurs cultivant du coton, aux dépend des producteurs les moins productifs, n'ayant pas accès aux marchés du crédit et de l'assurance. Dans le troisième chapitre nous réalisons une revue de la littérature sur les assurances indi- cielles, recensant les expériences dans les pays en développement, les méthodes sous-jacentes et les questions de recherche qui en découlent. Nous étudions finalement dans les chapitre 4 et 5 le potentiel de telles assurances dans deux cas spécifiques: le mil au Sud-Ouest du Niger et le coton au Nord du Cameroun. Ces assurances constituent une alternative intéressante aux assurances agricoles traditionnelles, coûteuses en raison de l'asymétrie d'information qui les caractérisent et de la nécessité de constater les dommages effectifs. Dans les deux cas nous montrons d'abord qu'accroître la complexité des indices pour mieux appréhender l'impact de la pluviométrie sur les rendements ne semble pas nécessaire. Les résultats, robustes à la cross-validation, corrigeant l'effet de la sur-identification (over-fitting) montre en effets que les gains de l'assurance sont relativement limités, mais surtout qu'il ne sont pas accrus par l'utilisation d'indices plus sophistiqués. Nous montrons aussi, dans le cas du mil, que la prise en compte de la forte variation des rendements au sein du même village est significative et qu'elle joue un rôle important dans le cas d'une fonction utilité concave. Les parcelles cultivées étant situées à moins de 3 kilomètres de la station météorologique, ce risque de base est bien dû à la présence de chocs idiosyncratiques (maladies, ravageurs...) ou à l'hétérogénéité des agents et des parcelles et non à un choc météorologique. Ce résultat tend à montrer que l'existence de ce risque de base résiduel, peut limiter la demande pour ce type d'assurance, en présence d'aversion pour le risque. Il s'inscrit dans la suite des travaux de Clarke (2011) qui montre que l'absence d'indemnisation, en cas de mauvais rendements, peut rendre l'assurance désavantageuse du fait du paiement de la prime (ce que j'appelle une erreur de type I). Ces résultats doivent être interprétés à la lumière du faible intérêt des producteurs pour ce genre de produits observés dans les récentes, mais néanmoins nombreuses, études ex post. Finalement, toujours dans ce premier cas, l'utilisation de données sur des parcelles fertilisées permet de montrer que ces résultats ne sont pas radicalement modifiés par la prise en compte d'une potentielle intensification des cultures, rendant pourtant la culture de mil plus risquée, et donc l'assurance plus intéressante. Dans le second cas, le coton, nous utilisons d'abord une expérimentation de terrain mettant en œuvre des jeux de loteries (inspiré de Holt et Laury, 2002), pour estimer la distribution des paramètres d'aversion pour le risque des producteurs. Nous montrons d'abord que, dans ce cas, l'effet de l'imparfaite corrélation des rendements et de l'indice météorologique choisi sur le gain en équivalent certain des producteurs, est significatif. C'est en particulier le cas dans les zones les plus humides ou montrant un climat spécifique. Contrairement au cas du mil au Niger, assurer les producteurs de coton semble nécessiter l'observation de la date de semis, dont le simulation ne semble pas nécessaire ou inadéquate vu les contraintes institutionnelles du secteur (comme par exemple les retards de livraison de graines et d'intrants). Nous remarquons ensuite que l'échelle d'étude étant plus importante dans le cas du coton au Cameroun, l'assurance risque de mener à des péréquations non désirées, par exemple des zone les plus humides envers les zones plus arides. Finalement nous observons, dans le cas du coton au Cameroun, que le gain apporté par la stabilisation des rendements est similaire, voire inférieur, à celui apporté par la stabilisation intra-saisonnière des prix qui a lieu aujourd'hui dans la filière Camerounaise intégrée (la Sodecoton détenant le monopole d'achat du coton graine au Cameroun). En effet, en annonçant le prix de vente au moment du semis, la société offre implicitement aux producteurs une assurance contre les variations du prix international au cours de la campagne. J'ai donc montré certaines limites intrinsèques aux mécanismes d'assurance fondés sur des indices météorologiques, en dépit de l'appréhension de la forte variabilité spatiale qui caractérise le climat soudano-sahélien au sein duquel les deux terrains se situent. Nous disposons en effet, dans les deux cas, d'une densité de stations météorologiques unique dans la région permettant de limiter le risque de base spatial. Ces résultats ne prennent toutefois pas en compte les effets indirects de l'assurance qui, lorsqu'elle est offerte conjointement avec un crédit aux intrants, peut baisser le prix de ce dernier, en limitant la probabilité de défaut en cas de sécheresse. J'ai par ailleurs aussi montré l'importance de l'accès au crédit pour les producteurs de coton ainsi que l'intérêt de la couverture contre le risque de variation du prix international dans le cas des cultures de rentes.

Identiferoai:union.ndltd.org:CCSD/oai:tel.archives-ouvertes.fr:tel-00765746
Date30 November 2012
CreatorsLeblois, Antoine
PublisherEcole des Hautes Etudes en Sciences Sociales (EHESS)
Source SetsCCSD theses-EN-ligne, France
LanguageEnglish
Detected LanguageFrench
TypePhD thesis

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