« Es-tu d’accord ? » En contexte numérique, cette question appelle un oui ou un non au traitement annoncé de nos données personnelles par une organisation; elle demande ainsi à l’utilisateur son consentement. Les agents conversationnels sont des systèmes de dialogue (ou bots) qui utilisent de nombreuses données personnelles pour parler avec des humains par interface textuelle (chatbot) ou vocale (assistant vocal, parfois appelé voicebot). Par une ethnographie au sein d’une start-up qui développe ce type d’agents, cette thèse explore comment le consentement se tisse dans les pratiques de design de cette organisation.
Cette thèse se demande : que peut être une « bonne expérience » de consentement avec un agent conversationnel ? Elle s’ouvre par un chemin tracé au travers de littératures en design d’expérience conversationnelle et en éthique sur le consentement. Tandis qu’une bonne expérience conversationnelle est censée être fluide et agréable, celle du consentement demande des interruptions parfois inconfortables pour être suffisamment éclairé : comment ces deux versions de « bonne expérience » peuvent-elles être réunies sans que l’une ne blesse ou n’invalide l’autre ? Face aux nombreuses limites qui rendent le consentement numérique bien difficile à être valable, la tentation de le laisser de côté est palpable. Pourtant, son horizon éthique de respect vaut la peine d'en prendre soin.
Par une perspective qui envisage le consentement comme un matter of caring, cette thèse développe ensuite un cadre théorique qui invite à prendre soin des situations de consentement. Il dote l'approche ventriloque, qui étudie la constitution de la réalité par la communication, d’une éthique du care : avec le concept de matter of caring, il s’agit de prendre soin de certaines préoccupations (matters of concern) pour améliorer des situations de consentement. En se faisant matter of caring, le consentement trouve une façon de n'être plus négligé comme une préoccupation qui ne parvient pas à compter, mais de participer à un changement dans les habitudes d'interaction.
Cette participation au changement est également au cœur des pratiques ethnographiques qui constituent cette thèse : à partir de mon expérience comme participante active plutôt que de simple observatrice dans la startup mentionnée plus haut, j’invite à comprendre la pratique réflexive ethnographique par une approche relationnelle où l’ethnographe peut être activement engagée dans la constitution de l’organisation qu’elle étudie. C’est par cet engagement que s’est constitué le matériel de terrain que j’analyse tout au long de la thèse.
Plus précisément, le dernier chapitre plonge dans mon terrain et ses tensions pour concevoir une bonne expérience de conversation et de consentement. En résistant à la tentation de laisser le consentement perdre de son importance, je montre que s’y accrocher comme un matter of caring amène à se concentrer sur les conditions dans lesquelles l’organisation demande le consentement : comment prévoit-on de traiter les informations personnelles et comment conçoit-on l’interaction par laquelle le bot demandera leur consentement à ses utilisateurs. Cette histoire n’est pas couronnée de succès mais dévoile plutôt une certaine vulnérabilité.
Ainsi, cette thèse ne propose pas un modèle de consentement, ni des directives de design éthique d'un agent conversationnel. Elle s'attarde plutôt sur l'importance des conditions à permettre pour faire de la place aux interactions de consentement. Plutôt que de figer le consentement dans un état contraint de formalité, elle invite à penser le consentement comme une conversation, avec du respect et de l'épanouissement à l’horizon. / “Do you agree?” In the digital realm, this question calls for a yes or no answer to the processing of our personal data by an organization; that is, it asks for the user’s consent. Conversational agents are dialogue systems (or bots) that use many personal data to talk with humans through a textual interface (chatbot) or voice interface (voice assistant, sometimes called “voicebot”). Through an ethnography within a start-up that develops these kinds of agents, this doctoral dissertation explores the weaving of consent into this organization’s design practices.
Thus, this dissertation asks: What does a “good experience” of consent with a conversational agent look like? It starts by reviewing the literature on design of conversational experiences and in the ethics of consent. While a good conversational experience is supposed to be smooth and enjoyable, the consent experience requires some interruptions to be sufficiently informed, which can be uncomfortable. So how can these two versions of a “good experience” be brought together without one hurting or invalidating the other? Faced with the many limitations for meaningful consent in a digital context, the temptation to put consent aside is palpable, yet its ethical horizon of respect is worth caring for.
Then, with a perspective that views consent in terms of a matter of caring, this dissertation develops a theoretical framework that enables us to explore how people can care for consent situations. Centered on the concept of matter of caring, this framework enriches a ventriloquial approach to the study of the communicative constitution of reality with an ethics of care; it focuses attention on how certain matters of concern can be cared for in order to improve consent situations. By becoming a matter of caring, consent can no longer be neglected as a concern that fails to count; it rather participates in changing how human beings interact with each other.
Participating in the bringing about of this change is at the core of the ethnographic methods that constitute this dissertation: Based on my experience with becoming an active participant in the mentioned start-up, rather than a mere participant observant, I explain how ethnographic reflexive practice can be viewed relationally; that is, how an ethnographer can be actively engaged in the constitution of the organization she is studying. This engagement shaped the fieldwork materials I analyze in-depth throughout the dissertation.
More specifically, the last chapter of the dissertation delves into my fieldwork on the mentioned tension between designing a good conversational and consent experience. Resisting the temptation to let consent fade away, I show that holding on to it as a matter of caring makes us focus on the conditions under which the organization I studied asks for consent: how it plans to process personal information and how it designs the interaction through which the bot asks for consent from its users. This is not a success story, but rather a story of vulnerability.
Thus, this dissertation does not propose a model for consent, nor does it suggest ethical design guidelines for a conversational agent. Instead, it highlights the importance of providing conditions to enable interactions in which consent becomes a matter of caring. Rather than freezing consent in a constrained state of formality, it invites us to think of consent as a conversation, with respect and flourishing on the horizon.
Identifer | oai:union.ndltd.org:umontreal.ca/oai:papyrus.bib.umontreal.ca:1866/27772 |
Date | 06 1900 |
Creators | Vézy, Camille |
Contributors | Brummans, Boris H.J.M. |
Source Sets | Université de Montréal |
Language | fra |
Detected Language | French |
Type | thesis, thèse |
Format | application/pdf |
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