Hormis son dernier film en date, Resnais a toujours refusé d’adapter des romans tout en ne travaillant, durant de nombreuses années, qu’avec des écrivains avant tout romanciers. Premier de ses films à avoir été écrit par un dramaturge de formation, Providence (1977) met pourtant en scène un vieil écrivain malade et alcoolique en train d’imaginer les scènes tour à tour horrifiques et comiques d’un ultime roman dont les héros ne sont autres que ses proches. Ce paradoxe fonde le présent essai, centré sur un film d’une rare exactitude en matière de création littéraire et dont la structure en diptyque met à nu les rapports de la fiction et du réel. Réhabilitant la notion de « cinéma littéraire » tout en faisant éclater le cadre trop réducteur de l’adaptation et en posant le récit et non le spectacle comme enjeu majeur chez Resnais, cette étude explore les liens plus intimes existant entre les livres et les films. Permettant de revenir sur des romanciers fondamentaux de la modernité tels que Melville, Proust et Faulkner, la machine cinématographique de Resnais trouve peut-être dans leurs textes son meilleur usage. Et c’est ainsi que, employé dans toute son active spécularité, Providence révèle les profondes affinités qu’entretiennent l’écriture et le suicide. Tourmenté par celui de son épouse qu’il pose au centre d’une histoire où les vieillards, changés en loups-garous, sont parqués dans les stades d’extermination d’un état de terreur, du fond de son manoir nocturne de Providence, le grantécrivain et pathétique démiurge s’escrime à nous faire peur avec sa propre agonie : c’est peut-être ce qui fait de lui le plus véridique de tous les auteurs abymés au cinéma. / AApart from his latest film Resnais has always been reluctant about the adaptation of novels despite working for many years exclusively with writers who were mainly novelists. However, Providence (1977), his first film ever to have been written by a professional playwright, stages an elderlywriter, sick and alcoholic, in the course of imagining scenes, alternating between the horrific and the comic, of an ultimate novel the heroes of which are none other than his own next of kin. This paradox constitutes the core of the present essay which is centered around a film of rare precision regarding the literary creation, and its diptycal structure provides a deep insight into the links of fiction and reality. By rehabilitating the notion of “literary cinema”, while bursting the far too limiting frame of adaptation, and while presenting the storytelling rather than the showing as Resnais’ major engagement, the present analysis explores the more intimate relations between books and films. While enabling the return to fundamental novelists of modernity such as Melville, Proust and Faulkner, Resnais’ cinematographic machine may find in their texts its most efficient use. Through its active mise en abyme Providence reveals the profound affinities between writing novels and committing suicide. Tormented by his wife’s suicide which he places in the centre of a story where the elderly, transformed into werewolves, are locked in the extermination stages of a state of terror, at the heart of his nocturnal manor in Providence, the grantécrivain and pathetic demiurge is struggling to frighten us with his own agony. This probably makes him the most truthful of all abymed writers in cinema.
Identifer | oai:union.ndltd.org:theses.fr/2009PA030018 |
Date | 31 January 2009 |
Creators | Regazzi, Jean |
Contributors | Paris 3, Leutrat, Jean-Louis |
Source Sets | Dépôt national des thèses électroniques françaises |
Language | French |
Detected Language | French |
Type | Electronic Thesis or Dissertation, Text |
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