La thèse s'est donnée pour objectif d'élaborer une approche innovante de la corruption, permettant de saisir les réalités complexes du phénomène et d'expliquer sa persistance dans le monde émergent. Suite à une analyse critique de l'orthodoxie économique de la corruption - la compréhension actuelle la plus répandue comprenant un mix d'approches théoriques et culminant avec le modèle de bonne gouvernance -, nous soulignons la faiblesse d'attention accordée aux facteurs structurels. Dans notre recherche nous avons effectué une enquête de terrain (méthode Delphi) et une analyse statistique exploratoire multidimensionnelle qui ont permit des nouvelles interprétations du phénomène observé. En nous appuyant sur les enseignements des écoles hétérodoxes contemporaines (unifiées au sein de l'économie politique institutionnaliste décrit par A. Caillé), construisant une approche positive et compréhensive basée sur une démarche holindividualiste, nous proposons une analyse structuro-institutionnaliste de la corruption. Avec un renouveau paradigmatique sur la rationalité et la coordination des agents économiques, nous avons reconstruit le cadre interprétatif de la corruption. Dans ce but, nous avons élaboré le concept de la corruption institutionnalisée, qui décrit les situations où la corruption n'est plus une déviance, mais, au contraire, est devenue une règle de comportement. Nous avons étudié les mécanismes de la corruption institutionnalisée à travers la mise en évidence du rôle des attitudes culturelles, des principes inhérents aux réseaux sociaux et des caractéristiques néo-patrimoniales des États contemporains. Ainsi, nous avons expliqué les origines de la corruption, qui renvoient à son historicité et à l'encastrement (culturel, social, étatique), les mécanismes de fonctionnement reposant sur des coordinations hybrides, ainsi que les impacts et liens ambigus de la corruption institutionnalisée avec la croissance. Notre analyse dynamique de la corruption se penche sur les questions de transformations des systèmes néo-patrimoniaux à travers la compréhension d'évolutions institutionnelles, où la path dependency et les actions des clans politico-économiques expliquent la résistance et la reproduction des systèmes corrompus. Nous proposons des scénarii de sortie du clientélisme des États néo-patrimoniaux et mettons en avant les enjeux et les leviers d'une évolution graduelle endogène. Nous avons attiré l'attention sur le rôle du clientélisme dans la construction démocratique (un vecteur paradoxal), où les réseaux de réciprocité rendent la démocratisation possible. Nous avons mis en lumière deux moments clés dans une évolution vertueuse : la déconcentration (ou dispersion) des pouvoirs à travers l'autonomisation de certains réseaux par rapport aux grands clans politico-économiques, et la diversification des ressources de nouvelles unités, rendue possible notamment à travers le processus d'insertion dans l'économie mondiale. La thèse aboutit à une série de propositions concrètes pour l'amélioration de la pertinence des programmes anti-corruption. Nous reconsidérons le rôle de l'extérieur et mettons en évidence la supériorité des programmes bottom-up dans le combat contre la corruption, celui-ci devant reposer sur les évolutions graduelles des structures sociétales. La portée de notre approche dépasse le monde émergent et est applicable à différents systèmes économiques. En effet, la corruption institutionnalisée n'est pas spécifique aux pays émergents et ne peut être donc réduite à une dynamique de développement.
Identifer | oai:union.ndltd.org:CCSD/oai:tel.archives-ouvertes.fr:tel-00921574 |
Date | 27 November 2012 |
Creators | Zagainova, Anastassiya |
Publisher | Université de Grenoble |
Source Sets | CCSD theses-EN-ligne, France |
Language | fra |
Detected Language | French |
Type | PhD thesis |
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