La survie d'un individu repose essentiellement sur sa capacité d’adaptation à des conditions de vie en constante évolution. Il existe une grande variabilité entre les individus concernant leur réponse au stress chronique, définissant le concept de résilience. Il s’agit d’un mécanisme d'adaptation actif correspondant à la capacité d'un individu à éviter les conséquences négatives sociales, psychologiques et biologiques d'un stress extrême, qui compromettraient son bien-être psychologique ou physique. Le phénomène est complexe et fait intervenir de nombreuses structures cérébrales et de nombreux neurotransmetteurs. Parmi les systèmes neuropeptidergiques, les opioïdes endogènes, comme les enképhalines (ENKs), seraient des cibles potentiellement impliquées dans ces variations naturelles et pourraient ainsi, être un élément déterminant de la capacité d'adaptation individuelle, au cours de l'exposition au stress chronique. Dans une précédente étude de l’équipe du Dr Guy Drolet, il avait été démontré que les niveaux d'expression de l'ARNm des ENKs étaient diminués dans le noyau basolatéral de l’amygdale (BLA) chez les rats vulnérables après un stress chronique de défaite sociale (SCDS). De plus, l’inhibition des ENKs dans la BLA permettait de reproduire un phénotype de vulnérabilité chez le rat, démontrant ainsi le rôle prépondérant de la circuiterie des ENKs dans le développement de la résilience. Cette thèse a pour objectif principal de comprendre la contribution dans la résilience au stress chronique du circuit des ENKs via les récepteurs opioïdergiques Delta (DOPr), tant au niveau neuroanatomique que fonctionnel. Nous avons, tout d’abord, examiné par hybridation in situ, les niveaux d’expression des ENKs dans la BLA chez la souris après un SCDS : comme chez le rat, les souris vulnérables présentaient une diminution de l’ARNm des ENKs dans la BLA par rapport aux animaux résilients et contrôles. Ce résultat confirme une conservation entre les rongeurs concernant l’implication des ENKs dans la résilience. Par la suite, nous avons évalué les niveaux d’expression de DOPr dans les structures cibles de la BLA. Nous avons spécifiquement ciblé l’hippocampe qui entretient un dialogue privilégié avec l’amygdale dans la réponse au stress et dans lequel, DOPr est fortement exprimé. L’expression de l’ARNm de DOPr était réduite dans la région CA1 de l'hippocampe ventral (CA1-vHPC) chez les souris vulnérables tandis que le niveau était maintenu chez les animaux résilients comme chez les témoins. Afin de disséquer l’importance de la signalisation DOPr dans le développement de la résilience, une activation pharmacologique a été effectuée : l’administration d’un agoniste de DOPr, le SNC80, dans la circulation systémique, a augmenté la proportion de souris résilientes après le SCDS. Dans un second temps, nous avons fait l’hypothèse que le maintien du niveau d’expression de DOPr au niveau du CA1-vHPC permettait de maintenir un statut oxydatif contrôlé dans les neurones, conduisant au phénotype de résilience. En effet, le rôle neuroprotecteur de l’activation de DOPr contre les dommages oxydatifs cellulaires (i.e. stress oxydatif, SO) a été démontré dans différents contextes, notamment chez le rat ischémique. Nous avons ainsi observé des marqueurs du SO - comme les neurones « sombres » ou la dilatation du réticulum endoplasmique - par microscopie électronique à transmission (MET) après un SCDS, avec ou sans traitement au SNC80. Nous avons spécifiquement ciblé les neurones excitateurs et inhibiteurs du CA1-vHPC. Nous avons pu mettre en évidence que le SNC80 diminuait la proportion de certains marqueurs du SO, autant chez les animaux résilients que vulnérables, tandis que pour d’autres marqueurs, il restaurait les dommages oxydatifs induits par le SCDS, uniquement chez les vulnérables. Enfin, une étude ultrastructurelle des mitochondries - comme leur nombre et leur taille - par MET, a confirmé ces résultats où le SNC80 restaure les effets délétères du stress uniquement chez les souris vulnérables. Ces résultats ont permis de démontrer que l’activation de la signalisation DOPr est responsable de la résilience en maintenant un statut oxydatif contrôlé dans les neurones excitateurs et inhibiteurs du CA1-vHPC. Pour finir, une étude moléculaire a été effectuée par western blot, dans l’hippocampe total, afin de déterminer la cible moléculaire de DOPr impliquée dans le SO permettant la résilience. Les complexes de la chaîne respiratoire mitochondriale et des enzymes antioxydantes ont été ciblés. L’activation de DOPr a résulté en une diminution de l’expression de certains complexes sans dévoiler la cible moléculaire exacte de DOPr permettant la résilience au stress chronique. Collectivement, ces études proposent un nouveau mécanisme par lequel la signalisation ENK-DOPr permettrait le développement de la résilience au stress chronique en favorisant un état oxydatif contrôlé dans les neurones de l'hippocampe. / The survival of an individual is essentially based on his ability to adapt to ever-changing living conditions. There is a great variability among individuals regarding their response to chronic stress, defining the concept of resilience. Resilience is an active coping mechanism corresponding to an individual's ability to avoid the negative social, psychological and biological consequences of extreme stress that would compromise their psychological or physical well-being. The phenomenon is complex and recruits many brain structures and several neurotransmitters. Among the neuropeptidergic systems, endogenous opioids, such as enkephalins (ENKs), could be potential targets involved in the occurrence of these natural variations and could thus be a crucial determinant of an individual’s capacity to adapt to chronic stress. In a previous study by Dr Guy Drolet's team, ENK mRNA expression levels were shown to be decreased in the nucleus of basolateral amygdala (BLA) in vulnerable rats after chronic social defeat stress (CSDS). In addition, the inhibition of ENKs in the BLA reproduced this vulnerability phenotype in rats, thus demonstrating the preponderant role of the ENK circuitry in the development of resilience. The main objective of this thesis was to investigate the contribution of the ENKs circuit via the Delta opioid receptors (DOPr) in the chronic stress resilience, both at the neuroanatomical and functional levels. We first examined, by in situ hybridization, the expression levels of ENKs in BLA in mice after CSDS: as in rats, susceptible mice showed a decrease in ENK mRNA in BLA compared to resilient and controls animals. This result confirmed the implication of the ENKs in resilience in rodents. Subsequently, we evaluated the expression levels of DOPr in the target structures of the BLA. We specifically targeted the hippocampus, which maintains a privileged dialogue with the amygdala in the response to stress and in which DOPr is strongly expressed. DOPr mRNA expression was reduced in the ventral hippocampal CA1 region (CA1-vHPC) in vulnerable mice while the level was preserved in both resilient and control animals. In order to dissect the importance of DOPr signaling in the development of resilience, pharmacological activation was performed: the administration of a DOPr agonist, SNC80, into the systemic circulation, increased the proportion of resilient mice after the CSDS. In a second step, we hypothesized that the maintenance of DOPr mRNA expression in CA1-vHPC allowed the preservation of a controlled oxidative status in neurons, leading to the phenotype of resilience. Indeed, the neuroprotective role of DOPr activation against cellular oxidative damages (i.e. oxidative stress, OS) was demonstrated in different contexts, particularly in ischemic rats. Thus, we observed markers of OS - such as dark neurons and endoplasmic reticulum dilation - by transmission electron microscopy (TEM) after CSDS, with or without SNC80 treatment. We specifically targeted excitatory and inhibitory neurons of CA1-vHPC. We were able to demonstrate that the SNC80 decreased the proportion of some OS markers in both resilient and vulnerable animals, while for other markers, it restored CSDS-induced oxidative damages only in vulnerable mice. Finally, an ultrastructural study of mitochondria by TEM, confirmed these results where the SNC80 restored the deleterious effects of stress only in vulnerable mice. These results demonstrated that activation of DOPr signaling is responsible for resilience by the preservation of a controlled oxidative status in excitatory and inhibitory neurons of CA1- vHPC. Finally, a molecular study was performed by western blot, in the total hippocampus, to determine the molecular target of DOPr involved in OS, allowing stress resilience. Complexes of the mitochondrial respiratory chain and antioxidant enzymes were measured. The activation of DOPr showed a decrease in the expression of certain complexes without revealing the exact molecular target of DOPr allowing resilience to chronic stress. Overall, these studies propose a novel mechanism by which ENK-DOPr signaling promotes resilience to chronic stress by enhancing a controlled oxidative status in hippocampal neurons.
Identifer | oai:union.ndltd.org:LAVAL/oai:corpus.ulaval.ca:20.500.11794/35776 |
Date | 05 August 2019 |
Creators | Henry, Mathilde |
Contributors | Tremblay, Marie-Ève, Drolet, Guy |
Source Sets | Université Laval |
Language | French |
Detected Language | French |
Type | thèse de doctorat, COAR1_1::Texte::Thèse::Thèse de doctorat |
Format | 1 ressource en ligne (xix, 189 pages), application/pdf |
Rights | http://purl.org/coar/access_right/c_abf2 |
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