Comprendre les décisions prises par les organismes pour s’approvisionner en nourriture est essentiel pour anticiper leurs réactions aux changements de l’environnement. Les oiseaux marins en reproduction partent s’alimenter en mer depuis leur colonie. L’utilisation de GPS miniatures révèle qu’ils effectuent des trajets de dizaines jusqu’à des milliers de kilomètres en quête de proies pour lesquelles nous disposons de très peu d’informations. Les stratégies comportementales qu’ils utilisent pour augmenter leurs chances de rencontrer des proies dans l’environnement marin, et les implications que cela peut avoir vis-à-vis des activités humaines de pêche qui semblent attirer de nombreux oiseaux sont encore très partiellement comprises. Cette thèse propose de réexaminer ces questions en trois chapitres, à travers des simulations théoriques, l’analyse empirique de trajets enregistrés par GPS sur diverses espèces et populations d’oiseaux marins, et le croisement des trajets simultanés d’oiseaux et de bateaux de pêche. Premièrement, les simulations théoriques de marches aléatoires montrent qu’on ne peut pas se servir des phases de ligne droite dans un trajet pour conclure si les oiseaux anticipent où sont leurs proies, ce qui vient nuancer les conclusions de nombreuses études précédentes. L’analyse des biais dans les directions suivies par les oiseaux permet en revanche de comprendre les informations qu’ils utilisent pour décider où s’approvisionner. Deuxièmement, les stratégies de fidélité spatiale individuelle sont comparées entre espèces, populations et contextes écologiques à l’aide de modèles statistiques multivariés (GLMM). De nombreux oiseaux marins font en effet preuve de fidélité individuelle dans la direction qu’ils prennent pour s’approvisionner depuis la colonie, suggérant l’utilisation de mémoire. Nous montrons que c’est également le cas de nombreuses populations et espèces d’oiseaux marins tropicaux, qui restent fidèles à une direction pendant plusieurs jours successifs. Ces résultats sont surprenants et difficiles à expliquer car la plupart des espèces étudiées ciblent des proies très dynamiques et disponibles à un endroit de façon très éphémère. Cela suggère que la mémoire pourrait être plus fréquemment utilisée par les oiseaux marins que ce que l’on supposait, au moins à large échelle spatiale. Finalement, nos analyses sur les réponses des albatros aux bateaux de pêche suggèrent que les albatros modulent leurs réponses en fonction de l’espèce et des contraintes énergétiques, et que les rencontres de bateaux ont peu d’influence sur les stratégies suivies par les individus lors de leur trajet suivant. Ainsi le comportement d’attraction aux bateaux de pêche pourrait être un phénomène local (à l’échelle du rayon de perception) et largement opportuniste. Globalement, nos résultats empiriques ancrés dans un socle théorique solide suggèrent que l’approvisionnement des oiseaux marins ne peut pas se résumer à rencontrer des ressources rares et imprévisibles, et semble pouvoir impliquer des processus de sélection des ressources rencontrées et/ou de choix entre utilisation de mémoire individuelle ou d’information publique. Les ressources anthropiques à ce titre pourraient ne constituer que des ressources parmi d’autres. De nombreux outils d’analyses utilisés ici sont facilement transférables à d’autres oiseaux marins ou d’autres prédateurs à place centrale. Élargir les comparaisons à d’autres organismes est en effet nécessaire pour mieux comprendre les variations complexes mises en évidence ici dans la plasticité comportementale et leurs conséquences vis-à-vis des changements environnementaux. / It is essential to understand how animals make foraging decisions to acquire food in order to better anticipate their responses to environmental changes. Breeding seabirds make central-place foraging trips at sea, from their colony. The deployment of small GPS devices on them reveals that they travel for tens to thousands of kilometers, in search of prey for which very little information is known. The behavioural strategies they use to increase their chances to encounter prey, and the implications of these strategies with regards to human fishing activities remain open questions. This thesis offers to examine these questions in three chapters, through theoretical simulations, empirical analyses of foraging trips of various species and populations of seabirds, and the spatiotemporal matching of seabirds and fishing vessels movements. First, our random walk simulations indicate that straight-line phases within path are not sufficient to conclude that seabirds anticipate where to find their prey, contrary to previous conclusions proposed in the literature. However it is possible and easy to analyze biases in the directions individuals follow when they forage, to infer which sources of information they use to decide where to forage. Second, we compare individual fidelity strategies between species, populations and/or ecological contexts through the use of multivariate statistical models (GLMM). Many seabirds display individual fidelity in the direction they forage from the colony, suggesting they rely on memory. Our results show that this is also the case in different species and populations of tropical seabirds, where individuals can remain faithful to a foraging direction for several consecutive days. These results are surprising and difficult to explain as the species we studied are targeting prey whose distribution is supposedly very stochastic and ephemeral. It suggests that the use of memory might be much more widespread in foraging seabirds than anticipated, at least for decisions at large spatial scales. Finally, our analyses on the responses of albatrosses to fishing boats suggest that their responses can be modulated according to species and energetic constraints, and that encounters of fishing boats during a foraging trip have little influence on the strategy used by individuals on their next foraging trip. The attraction of albatrosses to boats might be mainly a local process (at the scale of the perception range) and may be largely opportunistic. Overall, our empirical results anchored in a solid theoretical framework suggest that seabird’s foraging cannot be summarized as encountering rare and unpredictable resources, but might imply resource selection processes after resources are encountered, and/or a decision as to rely either on memory or public information. With that regard, anthropic resources may only be one type of resources among others for seabirds. Many of the analytical tools used here could be transferred to other seabirds and other central place foragers. Indeed, a wider comparative approach is necessary to understand the complex variations in behavioural plasticity observed here, and their consequences regarding future environmental changes.
Identifer | oai:union.ndltd.org:theses.fr/2018LAROS025 |
Date | 18 October 2018 |
Creators | Collet, Julien |
Contributors | La Rochelle, Weimerskirch, Henri |
Source Sets | Dépôt national des thèses électroniques françaises |
Language | French |
Detected Language | French |
Type | Electronic Thesis or Dissertation, Text |
Page generated in 0.0023 seconds