Créé en 1972 par l'adoption de la Convention concernant la protection du patrimoine mondial, culturel et naturel, le patrimoine mondial a connu en 40 ans une croissance importante, qui s'est accélérée ces dernières années. D'abord le résultat de préoccupations d'experts après la Seconde Guerre mondiale, il est devenu l'élément incontournable et prestigieux d'une culture qui s'internationalise au rythme virtuel des nouvelles technologies, des flux mondiaux et de l'ère numérique. Mais il semble également représenter un ancrage de plus en plus marqué à la fois dans la matérialité des sites, toujours plus nombreux sur la célèbre liste, et dans leur unicité. Parmi l'ensemble de ces sites, les centres historiques connaissent des situations où l'inscription ajoute un niveau de complexité supplémentaire aux tensions déjà existantes et caractéristiques de ces ensembles urbains. Ainsi, la reconnaissance internationale et la hausse du tourisme ou les espoirs de développement local qu'elle paraît entraîner semblent transformer physiquement l'environnement urbain, mais aussi ses usages et sa population, entre autres. Le plus souvent, la réflexion à propos de ces sites s'intéresse donc à l'aménagement et à la gestion du site transformé, où les habitants sont un élément parmi d'autres à ordonner, avec l'objectif de préserver le site tout en profitant des retombées économiques de son exploitation touristique. Cette recherche tente au contraire d'examiner comment ces sites se transforment et comment ils deviennent du patrimoine mondial, en postulant que cette approche peut en permettre une meilleure compréhension. Elle propose en outre que ce processus de patrimonialisation n'est pas seulement le fait des autorités, mais qu'il repose aussi sur les habitants qui continuent de donner un sens à ces espaces urbains. En effet, le patrimoine est entendu ici comme une construction sociale résultant de la production de représentations par les groupes sociaux qui le revendiquent. La compréhension de ce processus de patrimonialisation nécessite donc que le chercheur débute par la mise en évidence des différentes représentations patrimoniales qui composent la signification symbolique du patrimoine. Le site choisi pour cette étude, le centre historique de la ville d'Arequipa au Pérou, répond à la volonté de se concentrer sur une région où la conception du patrimoine urbain est particulière, plus sociale et plus inclusive des habitants, et où les enjeux urbains sont exacerbés par des contrastes forts entre richesse et pauvreté, entre les centres-villes et les périphéries, entre des cultures urbaines et rurales. Parmi les différentes villes de la région dont une partie est inscrite au patrimoine mondial, Arequipa répond aux critères de faisabilité définis pour cette recherche afin d'en atteindre les objectifs. L'étude s'inscrit dans une perspective phénoménologique et propose une herméneutique de la patrimonialisation, c'est-à-dire une interprétation des représentations patrimoniales à partir de leur contexte de production, permettant de restituer les différents processus de patrimonialisation et ainsi de comprendre l'évolution des valeurs patrimoniales et des transformations qui y sont liées. Pour ce faire une méthode historico-interprétative d'analyse contextualisée des données recueillies dans les documents, par l'observation et par des entretiens, est utilisée. Cette analyse souhaite ainsi contribuer au développement des études patrimoniales en proposant une approche herméneutique qui puisse servir à d'autres travaux. Cette recherche démontre que la patrimonialisation du site du patrimoine mondial du centre historique d'Arequipa est un processus hybride, à la fois physique et symbolique, institutionnel et social, global et local. Elle met en évidence la construction de représentations patrimoniales liées à l'inscription, mais aussi la reconstruction a posteriori d'une continuité historique entre les représentations issues de différents processus de patrimonialisation. Elle montre enfin que les interventions sur l'environnement bâti sont plutôt le résultat de l'expression des valeurs patrimoniales qui lui sont attribuées que la recherche d'un état de conservation particulier. Ce travail permet aussi de dégager certains effets liés moins au site lui-même et plus à la reconnaissance en tant que patrimoine mondial. Au-delà de l'effet d'hybridation déjà évoqué, on remarque une exacerbation des caractéristiques du site, antérieures à son inscription. Par ailleurs, il semble que le lien entre patrimoine mondial et tourisme amène les autorités locales et la population à prendre en compte, dans leurs interventions, les attentes supposées des touristes qu'ils espèrent attirer. Cette mise en abyme des représentations conférerait au patrimoine mondial un caractère « métapatrimonial ». Enfin, d'autres conséquences de l'inscription semblent exister, bien qu'elles n'aient pas été confirmées par cette étude, notamment en termes économiques et fonciers. Ces effets pourraient sans doute faire l'objet d'autres études, concernant d'autres sites, pour en comprendre le rôle dans le processus de patrimonialisation. Quant au site du centre historique d'Arequipa, son évolution et sa patrimonialisation se poursuivent afin de lui permettre de continuer à correspondre à sa valeur universelle exceptionnelle.
______________________________________________________________________________
Identifer | oai:union.ndltd.org:LACETR/oai:collectionscanada.gc.ca:QMUQ.5808 |
Date | 06 1900 |
Creators | Dormaels, Mathieu |
Source Sets | Library and Archives Canada ETDs Repository / Centre d'archives des thèses électroniques de Bibliothèque et Archives Canada |
Detected Language | French |
Type | Thèse acceptée, NonPeerReviewed |
Format | application/pdf |
Relation | http://www.archipel.uqam.ca/5808/ |
Page generated in 0.0035 seconds