A travers une étude de cas élargie, la valeur de l'eau est étudiée sous l'angle de l'évaluation de la gestion de l’eau dans la longue durée (1853-2017). Point de départ : en 2006, le Syndicat des Eau D’Ile de France (SEDIF) remet en cause la continuité contractuelle depuis 1923 avec Veolia (ex-Compagnie Générale des Eaux). Veolia remporte l’appel d’offre en 2010. Une nouvelle entité est créée, Veolia Eau D’Ile de France (VEDIF), mais des interrogations demeurent.A travers une recherche-action, la construction intellectuelle d’une situation de gestion puis celle d’une situation de tension évaluative intègrent le questionnement de Veolia avec celui d’acteurs externes : comment faire des bénéfices et faire bénéficier l’usager ? A quoi sert Veolia ? Quelle est sa raison d’être ? Dans ce cadre, un objet de gestion apparaît structurant : un système de 168 indicateurs de performance (IP). La bonne atteinte des IP par VEDIF contribue à sa rémunération. Dans quelle mesure les IP permettent-ils de donner une valeur à l’eau et de la gérer ?La mise en œuvre des IP induit des effets inattendus qui, pour une partie des salariés génère une crise de sens. L’observation ethnographique et les entretiens amènent à constater que les salariés de l’entreprise méconnaissent ou ont oublié le contexte dans lequel ont émergé les IP, la manière avec laquelle ils ont évolué. Faire l’histoire de ce système d’indicateurs de performance devient alors une nécessité pour en comprendre le sens dans la longue durée (1853-2017).En mettant en place le système d’IP, les managers de VEDIF en attendent des résultats logiques et rationnels. Or, les IP génèrent des effets inattendus. Ils font émerger, ils performent de nouveaux acteurs à 3 niveaux d’analyse : intercommunal avec la création du Syndicat en 1923, de la firme avec la figure du client dans les années 1990 et, du service développement durable avec la découverte de bio-traceurs (papillon, chauve-souris) et l’apparition d’un écosystème d’acteurs autour de la biodiversité (consultants, auditeurs et experts).Un IP naît face à un problème qu’il s’agit de résoudre. Au fur et à mesure, les IP s’accumulent et, certains d’entre eux entrent en contradiction avec d’autres. Or, ils ne prennent sens qu’au sein d’un tout dont l’histoire reste à faire. Au-delà des chiffres, des comptes, pour en saisir le sens, il importe d’en conter l’histoire. En s’inspirant librement de Foucault, la généalogie des IP met en évidence trois régimes de la valeur de l’eau : hygiéniste et scientifique, technique et d’ingénierie, managérial et bureaucratique. Ces régimes ne sont pas exclusifs les uns des autres : le régime hygiéniste et scientifique a coexisté avec le régime technique et d’ingénierie au cours des années 1980-2000. Néanmoins, à chaque période un régime est dominant. Dans le cas de VEDIF, il fonde, renouvelle ou renforce l’idée pour les pouvoirs publics de faire appel aux acteurs privés pour gérer l’eau. Réaliser une généalogie des IP permet de saisir les processus de rationalisation dans lesquels s’inscrivent les catégories d’IP à chaque période. Au regard de la longue durée, les fonctions des IP apparaissent imbriquées dans des processus de rationalisation, d’objectivation de la valeur de l’eau qui les dépassent. Dans quelle mesure cette nouvelle perspective sur les IP permet-elle de reconsidérer leurs rôles ?Ainsi, les IP en tant qu’outil de gestion jouent une triple fonction : cognitive, médiatrice et organisatrice. Ils produisent des savoirs, des connaissances. Ils jouent les intermédiaires entre différents acteurs tout en médiatisant, en visibilisant un pan de l’activité du service de l’eau. Parce qu’ils sont constitutifs et constitués par des liens entre les différents acteurs de la gestion de l’eau, tout en intégrant de nouveaux savoirs, ils définissent et renouvellent en permanence ce qu’est la bonne gestion de l’eau, sa valeur, ses valeurs. Ils produisent l’organisation et, en sont simultanément le produit. / Through an extended case study, the value of water is studied in terms of long-term water management assessment (1853-2017). Starting point: in 2006, the Syndicat des Eau d'Ile de France (SEDIF) called into question the contractual continuity since 1923 with Veolia (ex-Compagnie Générale des Eaux). Finally, Veolia wins the tender in 2010. A new entity is created, Veolia Eau D'Ile de France (VEDIF), but questions remain.Through an action-research, faced with the company's questioning about its economic impact, the intellectual construction of a management situation and then a situation of evaluative tension integrate Veolia's questioning with that of external actors : how to do it profits and make to the benefit of the user ? What is the use of Veolia and for who is it working ? What is its purpose? In this context, a management object seems to be crucial : a system of 168 performance indicators (PI). The good achievement of IP by VEDIF contributes directly to remuneration. To what extent does PI provide value for water and contribute to it management ?The implementation of IP within VEDIF induces unexpected effects which, for some of the employees, generates a crisis of meaning. Ethnographic observation and interviews lead to the finding that the employees of the company do not know or forget the context in which the IPs emerged, the way in which they evolved. Making history of this system of performance indicators then becomes a necessity to understand its meaning in the long run (1853-2017).By setting up the IP system, VEDIF managers await logical and rational results. Or, IPs generate unexpected effects. In particular, new actors are performed by IPs. They emerge at three levels of analysis: intercommunal with the creation of the Syndicate in 1923, the firm with the construction of the figure of the client in the 1990s and, the service of sustainable development with the discovery of bio-tracers (butterfly, bat) and the emergence of an ecosystem of actors around biodiversity (consultants, auditors and experts).An IP is created to cope with a problem that needs to be solved. As time goes on, IPs accumulate and some of them come into conflict with others. But they only make sense within a whole whose history remains to be told. Beyond figures and accounts, to grasp their meaning, it is important to tell the story. Inspired by Foucault, the genealogy of the IP reveals three regimes of the value of water: hygienist and scientific, technical and engineering, managerial and bureaucratic. These regimes are not mutually exclusive: the hygienist and scientific regime coexisted with the technical and engineering regime in the 1980’s-1990’s. Nevertheless, in each period a regime is dominant. In the case of VEDIF, it creates, renews or restrengthens the idea for public authorities to call on private operators to manage water. Realizing the genealogy of IP allows to understand the processes of rationalization under which each IP categories are in each period. In the long-term, the functions of the IPs appear to be embedded in processes of rationalization, of objectification of the value of the water that go beyond them. To what extent does this new perspective on IPs help to reconsider their roles?IPs as a management tool play a triple function: cognitive, mediator and organizer. They produce knowledge. They act as intermediaries between different actors and, in the meantime, mediatize by visibilizing a part of the activity of the water service. Because they constitute and are constituted by links between the different actors of water management, while integrating new knowledge, they define and constantly renew what is good water management, its value, its values. They produce organization and, at the same time, are produced by it.
Identifer | oai:union.ndltd.org:theses.fr/2017SACLX096 |
Date | 08 December 2017 |
Creators | Beduneau-Wang, Laurent |
Contributors | Université Paris-Saclay (ComUE), Godelier, Éric |
Source Sets | Dépôt national des thèses électroniques françaises |
Language | French |
Detected Language | French |
Type | Electronic Thesis or Dissertation, Text |
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