Alors que les températures de l'air se réchauffent dans le nord circumpolaire, plus spécifiquement depuis les années 1990 au Nunavik, des changements thermiques et géomorphologiques dans le pergélisol ont été observés. Les longues séries de données de températures du sol pour une même zone d'étude sont rares, ce qui rend difficile la comparaison de la réponse des températures du sol en profondeur dans différents types de dépôts de surface à un endroit restreint. Comme des différences ont déjà été observées dans les réponses thermique et géomorphologique de différents dépôts de surface, et pour un même dépôt de surface selon la forme de terrain, des variations à l'échelle locale peuvent être anticipées. En particulier, les palses et les lithalses sont des formes de terrain qui évoluent toutes deux dans des sédiments glaciomarins très sensibles au dégel. La phase de dégradation de ces formes, qui provoque un affaissement du sol et des changements dans le territoire, mérite d'être comprise davantage. Cette recherche a pour objectifs de (1) déterminer comment les températures du sol répondent au changement climatique dans trois types de dépôts de surface, soit le roc, des sables et graviers et des sédiments glaciomarins, (2) d'analyser l'évolution du régime thermique d'une palse et d'une lithalse et de (3) mieux comprendre l'évolution morphologique de palses et de lithalses en relation avec les changements dans leur régime thermique. Afin de répondre au sous-objectif (1), les températures du sol couvrant une période de 20 à 30 ans à trois sites près de la communauté de Kangiqsualujjuaq au Nunavik ont été analysées, soit dans le roc, dans un delta fluvioglaciaire (sables et graviers) et dans une lithalse dans les sédiments glaciomarins riches en glace près du littoral. Les résultats ont montré qu'il existe une variabilité dans la réponse thermique de différents dépôts de surface pour une même zone d'étude restreinte. Les variations du climat à court terme et les tendances climatiques régionales sont bien transmises en profondeur dans le roc sec hautement conducteur et sont également reflétées dans l'épaisseur de la couche active. Dans les sables et graviers, le regel est retardé jusqu'à tard dans l'hiver avec une période zéro en raison du développement d'une nappe phréatique perchée dans la couche active qui s'est épaissie. Il a également été conclu au terme de cette première partie du travail que la lithalse est devenue isotherme près de 0 ºC en raison de la libération de la chaleur latente le long du profil, ce qui limite les réponses des températures du sol en profondeur aux variations du climat. La deuxième partie du travail répond aux sous-objectifs (2) et (3) par une analyse des températures du sol d'une palse et d'une lithalse jusqu'à 18 m de profondeur enregistrées sur une période de 27 ans, et par une analyse de photographies aériennes datées de 1964, 1984, 2003, 2010 et 2021 couvrant un champ de palses et un champ de lithalses. Les résultats ont montré que la superficie en pergélisol a diminué de 69 % pour les lithalses et de 41 % pour les palses sur 57 ans. En particulier, les lithalses se sont dégradées 2 fois plus rapidement que les palses pour la période 2003-2010 (2,3 %/an) et 3 fois plus rapidement pour la période 2010-2021 (2,2 %/an). En effet, les taux de thermokarst ont ralenti pour les palses entre 2010 et 2021 (0,73 %/an) durant le bref refroidissement climatique de 2010-2015, en comparaison avec la période 2003- 2010 (0,96 %/an). Le régime thermique des palses répond encore aux changements climatiques de façon marquée en raison de l'effet isolant de leur couche de tourbe. Les températures du sol se sont réchauffées sur toute la période d'étude dans la palse et dans la lithalse, et ce, plus rapidement dans les années 1990, puis plus lentement à partir des années 2000 à cause de l'effet de la chaleur latente de fusion dans les profils thermiques. Nous avons conclu qu'aucun des deux profils n'a encore atteint la phase isotherme, ni même « presque-isotherme », comme de légères variations de température étaient encore perceptibles à 18 m de profondeur en 2020 dans les deux formes de terrain. Ces résultats font ressortir une contradiction entre les deux parties de ce travail : le profil thermique de la lithalse avait d'abord été décrit comme isotherme alors que l'analyse plus fine des données a finalement montré que ce n'est pas encore vraiment le cas. Ce concept a par ailleurs été mieux défini. L'utilisation des expressions pergélisol, profil, phase, stade ou conditions « presque-isotherme(s) » est recommandée comme nous pouvons penser que de tels profils ne deviennent jamais vraiment isotherme, ou complètement bloqués près de 0 ºC, avant la dégradation finale du pergélisol. Des conditions presque-isothermes décrivent du pergélisol chaud avec un très faible gradient thermique en profondeur qui répond très peu aux tendances climatiques. Les résultats de ce travail pourront être intégrés aux modèles climatiques et aux modèles de prédiction de la réponse du pergélisol au changement climatique, qui ne considèrent pas ce niveau de détails actuellement. / As air temperatures are warming in the circumpolar north, more specifically since the 1990s in Nunavik, thermal and geomorphological changes have been observed in permafrost. Long-term ground temperature datasets for a restricted study area are rare, which often does not allow to compare the response of various surficial deposits at depth in a restricted area. As differences have already been observed in thermal and geomorphological responses of various surficial deposits, and within one kind of deposit according to landform type, local variations can be anticipated. Palsas and lithalsas are landforms who both evolve in highly thaw-sensitive glaciomarine sediment. The degradation phase of these landforms, who induces ground thaw settlement and landscape changes, should be further understood. The objectives of this study are (1) to determine how ground temperatures respond to climate change in three types of surficial deposits: in bedrock, in sands and gravels and in glaciomarine sediment; (2) to analyze the evolution of the thermal regime of a palsa and of a lithalsa; and (3) to better understand the morphological evolution of palsas and lithalsas in relation to changes in their thermal regime. In order to meet objective (1), ground temperatures covering a period of 20 to 30 years at three sites near the Kangiqsualujjuaq community in Nunavik were analyzed: in bedrock, in a fluvioglacial delta (sands and gravels), and in a lithalsa in ice-rich glaciomarine sediment near the coast. Results have shown that a variability in the thermal response exists for different surficial deposits within the same restricted study area. Short-term climate variations and regional climatic trends are well transmitted at depth in dry highly conducive bedrock and are also reflected in active layer thickness. In sands and gravels, freeze-back is delayed until late in the winter with a zero-curtain period due to the development of a perched water table in the thickened active layer. It has been concluded at the end of the first part of this work that the lithalsa has become isothermal near 0 ºC because of the liberation of latent heat along the profile, which impedes ground temperature responses at depth to climate variations. The second part of this work meets objectives (2) and (3) through ground temperature analysis of a palsa and a lithalsa down to a depth of 18 m recorded over 27 years, and through aerial photograph analysis, dated in 1964, 1984, 2003, 2010 and 2021, covering a palsa field and a lithalsa field. Results have shown that permafrost areal extent diminished by 69% for lithalsas and by 41% for palsas over 57 years. In particular, lithalsas degraded twice as fast than palsas for the 2003-2010 period (2.3%/yr) and 3 times faster for the 2010-2021 period (2.2%/yr). Indeed, thermokarst rates slowed for palsas between 2010 and 2021 (0.73%/yr) during the brief 2010-2015 climatic cooling, in comparison with the 2003-2010 period (0.96%/yr). The permafrost thermal regime of palsas still shows a marked response to climate change due the insulating effect of their peat cover. Ground temperatures warmed over the whole study period in the palsa and in the lithalsa; more rapidly in the 1990s, then more slowly from the 2000s onwards because of the effect of latent heat of fusion in the thermal profiles. We concluded that neither of the two profiles has reached the isothermal phase, and not even the 'near-isothermal' phase, as slight temperature variations were still detected at a depth of 18 m in 2020 in both landforms. These results highlight a contradiction between the two parts of this work: the thermal profile of the lithalsa was first described as isothermal, while more detailed analysis of the data ultimately showed that this is not yet really the case. This concept has also been better defined. The use of the terms 'near-isothermal' permafrost, profile, phase, stage or conditions is recommended as we can assume that such profiles never truly become isothermal, or completely stalled near 0ºC, before final permafrost degradation. Near-isothermal conditions describe warm permafrost with a very low thermal gradient at depth that responds very little to climatic trends. The results of this work can be integrated into climatic models and models predicting the response of permafrost to climate change, which do not currently consider this level of detail.
Identifer | oai:union.ndltd.org:LAVAL/oai:corpus.ulaval.ca:20.500.11794/147005 |
Date | 18 July 2024 |
Creators | Deslauriers, Catherine |
Contributors | Roy-Léveillée, Pascale, Allard, Michel |
Source Sets | Université Laval |
Language | French |
Detected Language | French |
Type | COAR1_1::Texte::Thèse::Mémoire de maîtrise |
Format | 1 ressource en ligne (xiii, 66 pages), application/pdf |
Coverage | Québec (Province) -- Kangiqsualujjuaq., Régions froides. |
Rights | http://purl.org/coar/access_right/c_abf2 |
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