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Traitement vocal et vieillissement normal : apports comportementaux et neurofonctionnels

La voix est tout sauf un stimulus auditif ordinaire. Pour cause, elle prend son importance de manière très précoce chez l’Homme lorsque, dans l’environnement amniotique, le fœtus entend pour la toute première fois la voix de sa mère. C’est en quelque sorte par l’intermédiaire de cette voix que les premiers contacts avec le monde extérieur, mais également avec l’Autre, s’effectuent. Le statut particulier de la voix humaine perdure au fil du développement, devenant plus tard le principal médium véhiculant le langage oral, si significatif pour l’Homme.
En parallèle, et de manière tout aussi adaptative, elle permet la transmission d’informations non langagières renseignant sur l’identité, l’état émotionnel mais également le statut social de chaque individu. C’est ainsi que simplement en entendant la voix d’une personne inconnue, il est généralement possible d’en extrapoler son âge, son genre, mais également d’avoir une idée assez précise de l’état émotionnel dans lequel elle se trouve. Les capacités permettant d’extraire de la voix les divers éléments informationnels qu’elle contient ne seraient toutefois pas stables au fil du temps. Ainsi, le vieillissement normal semble associé à des difficultés de traitement des informations vocales de nature langagière, mais également non langagière. De nombreuses études se sont intéressées au déclin des capacités de traitement du discours avec l’âge. Beaucoup moins de travaux ont cependant considéré les conséquences du vieillissement sur le domaine paralinguistique et, lorsque des travaux s’y sont attardés, c’est essentiellement la sphère affective qui a été investiguée. En raison de ce peu d’études, mais également de leur focus portant spécifiquement sur la sphère émotionnelle, il est extrêmement ardu de généraliser les résultats obtenus au traitement vocal général. La présente thèse s’est donc intéressée aux capacités de traitement de la voix dans le vieillissement normal.
La première étude de cette thèse (Article 1) avait pour objectif d’évaluer l’impact du vieillissement normal sur les capacités comportementales de traitement paralinguistique vocal non émotionnel. Pour ce faire, une batterie informatisée composée de quatre tâches a été élaborée : la batterie d’évaluation de la perception vocale (Batterie EPV; tâches de catégorisation de genre, de discrimination de sources sonores, adaptative de discrimination et de mémorisation). Cette batterie permettait de comparer les performances d’adultes jeunes et âgés lors du traitement de stimuli vocaux et non vocaux, mais également lors du traitement de divers stimuli vocaux. Cette première étude met en évidence, pour trois des quatre tâches comportementales, des performances inférieures chez les adultes âgés et ce, malgré le contrôle statistique des contributions du déclin auditif et cognitif. Pour les aînés, le traitement de stimuli vocaux, en comparaison au traitement de stimuli non vocaux, n’était toutefois pas systématiquement inférieur à celui des jeunes adultes. Sans que les performances ne puissent être prédites par la mesure cognitive utilisée comme covariable (performances au MoCA), il appert que les demandes cognitives inhérentes aux tâches participent à ces différences intergroupes.
Le second article de ce travail visait quant à lui à explorer à l’aide de l’imagerie par résonnance magnétique fonctionnelle (IRMf), l’influence du vieillissement normal sur les réseaux neuronaux sous-tendant le traitement de l’information vocale, une telle investigation n’ayant jamais été effectuée auparavant. Pour ce faire, une tâche d’écoute passive (permettant le contraste de blocs de sons vocaux et non vocaux) ainsi qu’une tâche adaptative de discrimination ont été utilisées. La tâche adaptative, basée sur une type de protocole psycoacoustique « up-down », assurait l’obtention de niveau de performance équivalent entre les deux groupes, une condition nécessaire pour la comparaison de groupe au niveau neurofonctionnel. La comparaison des adultes jeunes et âgés n’a mis en évidence aucune disparité quant au recrutement des aires répondant préférentiellement à la voix : les aires vocales temporales (AVT). Ce résultat suggère que l’âge n’affecte pas la mobilisation des aires spécialisées dans le traitement de la voix. Néanmoins, à l’extérieur des AVT et chez les aînés, le sous recrutement d’une portion du cortex auditif a été observé, en parallèle au recrutement additionnel de régions pariétale, temporale et frontale (Article 2 – Étude 1). Lors de la réalisation d’une tâche adaptative de discrimination, contrairement à ce qui était attendu, les seuils de discrimination des deux groupes d’âges étaient comparables. Pour effectuer la tâche, les participants âgés ont cependant recruté un réseau neuronal plus étendu que celui des jeunes adultes, et pour les aînés, l’activation additionnelle de régions frontale et temporale sous-tendaient la réalisation de la tâche (Article 2 - Étude 2).
Les données comportementales présentées dans cette thèse suggèrent que l’effet délétère que semble avoir le vieillissement normal sur les capacités de traitement paralinguistique vocal affectif est également retrouvé lors du traitement d’informations vocales émotionnellement neutres. En parallèle, la mise en place de phénomènes de plasticité cérébrale est objectivée. Ces derniers ne toucheraient cependant pas les réseaux spécialisés dans le traitement de la voix, qui seraient recrutés de manière comparable par les adultes jeunes et âgés. Néanmoins, la tâche d’écoute passive a mis en évidence la présence, chez les aînés, du recrutement sous-optimal d’une portion du cortex auditif (gyrus temporal transverse). En parallèle, et ce pour les deux tâches, des réseaux neuronaux surnuméraires étaient sollicitées par les adultes âgés, permettant potentiellement d’assurer, chez les ainés, le maintien de performances adéquates. / Amongst all the sounds present in our environment, the human voice is probably the most significant one. Indeed, it takes its importance very early on, when, in the amniotic environment, the foetus hears the voice of its mother. Through this voice, the first contacts with the World but also with others are made. This special status of voice remains during the development, since it later becomes the medium via which speech is carried. Indeed, not only does voice convey oral language, but it also passes on a wide array of paralinguistic information characterising each individual. In fact, simply by hearing a voice, we are generally able to determine the age, identity, social status but also the mood in which the speaker is at the moment. However, during normal aging, the processing of the information contained in voice, may it be linguistic or not, appears to become more difficult. In the paralinguistic domain, the deleterious effects of normal aging were mainly explored via affective prosody. It is thus quite difficult to generalize those results to the processing of vocal information in general. In addition, cerebral reorganization accompanying normal aging was characterized for speech perception, but the effects of age on the cerebral processing of paralinguistic vocal information still remain unclear. The main purpose of this work was to palliate to this shortcoming.
The first study presented in this thesis (Article 1) evaluated the impact of normal aging on the behavioral processing of non affective paralinguistic vocal information by comparing the performances of young and older adults. To do so, a computerized battery was created: the Voice Perception Assessment battery, which comprised four behavioral tasks (VPA battery; gender categorization task, auditory source discrimination task, adaptive discrimination task and memory task). The tasks created allowed the comparison of vocal and non vocal processing, as well as the comparison of the processing of different types of vocal stimuli. Our results indicate that, while controlling for cognitive and auditory decline, older adults were less efficient than younger participants for three of the four VPA tasks. However, a systematic age-related decline for vocal processing was not observed. The task performances could not be predicted by the cognitive measure selected as a control variable (MoCA scores). However, the disparities in task demands seem to explain a portion of the paralinguistic vocal processing age-related decline observed.
The main purpose of the second article was to empirically assess, using functional magnetic resonance imagery (fMRI), the impact of normal aging on the neural networks underlying the processing of human voice, as it has never been done yet. To do so, a passive listening task (contrasting vocal and non vocal blocks of sounds) and an adaptive discrimination task were used. The adaptive task, based on a transformed up-down protocol, allowed us to insure equivalent performance levels in both age-groups, a necessary condition to neurofunctional group comparison. Our results indicate that young and older adults recruited similarly the cortical areas preferentially responding to voice, the Temporal Voice Areas (TVA). In parallel, outside the TVA, an age-related under recruitment of a portion of the auditory cortex was observed, as well as an over recruitment of parietal, temporal and frontal regions (Article 2 – Study 1). For the adaptive discrimination task, contrary to what was expected, the discrimination thresholds of both age-groups were similar. Nevertheless, to be able to perform the task, older adults needed to engage cortical regions in the temporal and frontal lobes that younger adults did not recruit (Article 2 – Study 2).
The behavioral data presented in this work suggest that normal aging can be associated with a decline of the capacity to process non affective paralinguistic vocal information. The observed age-related differences appear to be more salient when the cognitive demands of the task are high. In parallel, mechanisms of cerebral plasticity appear to take place as well. Those phenomena however do not seem to affect the way the cortical areas specialized in the processing of human voice are recruited, which remains the same between young and older adults. However, the passive listening task elicited an age-related under-recruitment for a portion of the auditory cortex (left transverse temporal gyrus). Both for the passive listening task and the adaptive discrimination task, an over-recruitment of additional networks were observed for older adults. This extended network could contribute to the preservation of adequate performance in older adults.

Identiferoai:union.ndltd.org:umontreal.ca/oai:papyrus.bib.umontreal.ca:1866/11162
Date01 1900
CreatorsBélizaire, Guylaine
ContributorsJoanette, Yves, Belin, Pascal
Source SetsUniversité de Montréal
LanguageFrench
Detected LanguageFrench
TypeThèse ou Mémoire numérique / Electronic Thesis or Dissertation

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