Paradoxe de la prolepse : en dévoilant par avance un événement de l’histoire, elle risque de ruiner le suspens ; en n’évoquant qu’allusivement ce qui va suivre, elle peut au contraire y contribuer. Le traitement des anticipations a toujours été au cœur des débats sur la tension narrative. L’examen de poétiques et de rhétoriques antiques et classiques, leur confrontation avec les théories contemporaines permettent de retracer la longue histoire d’un procédé à travers les discours contradictoires qui l’ont défini.Lisons les romans de l’Ancien Régime, nous verrons ce paradoxe en action. Au seuil du XVIIe siècle, la prolepse appartient, comme le début in medias res, à la panoplie des artifices visant à maintenir suspendu l’esprit du lecteur et à structurer de grandes machines romanesques ; au siècle suivant, les pseudo-mémorialistes, tout en puisant dans ce fonds, la posent comme le symptôme d’une écriture naturelle, désordonnée, parfois défaite, peu soucieuse de suspens et d’architecture, bref, la marque par excellence d’une écriture du cœur.Tout se joue dans l’appréhension progressive du texte par le lecteur et l’interprétation de la voix narratoriale supposée le guider. Les outils de la narratologie sont réexaminés et affinés pour que puisse être pris en considération le cheminement pas à pas du lecteur ; afin d’étudier des unités plus petites ou des manœuvres narratives particulièrement subtiles, il faut combiner ces outils avec les instruments de la linguistique énonciative (reprises anaphoriques et annonces cataphoriques, usages des temps verbaux, phénomènes polyphoniques liés à la régie narrative). On évalue ainsi la manière dont, au long d’un siècle et demi d’une production romanesque très diversifiée, sont suscitées des attentes, souvent comblées, parfois frustrées : si l’anticipation est d’ordinaire un moment où une voix de régie organise le texte, il arrive en effet que ce procédé provoque des dérèglements dont nous pouvons, critiques embarrassés ou lecteurs amusés, suivre les aléas. / There is a paradox of prolepsis : because it tells in advance an event of the story, it runs the risk of ruining suspense ; because it only evokes this event allusively, it may, on the contrary, help to create suspense. The use of anticipation has always been at the core of the debate on narrative tension. Through the study of ancient and classical poetics and rhetorics, brought in comparison with contemporary theories, this work seeks to retrace the long history of a highly controversial narrative device.Reading the novels of the Ancien Régime, one may see this paradox at work. At the dawn of the seventeenth-century, prolepses belong, along with in medias res openings, to the repertoire of artificial contrivances used in the building of huge novelistic machines, as they keep the reader’s mind suspended ; in the first half of the following century, the Memoir-Novel uses the very same device to establish a new manner of writing : prolepses become the sign of an unsophisticated prose, attuned to the effusions of the heart.At stake here is the reader’s progressive apprehension of the text and the way he interprets the narratorial voice. Narratological tools are re-examined and refined so as to take into consideration the act of reading and its dynamics ; elements of enunciative linguistics are used for the study of small textual units and subtle narrative manipulations. Through this overview of one hundred and fifty years of prose fiction, we trace the different manners in which expectations are aroused, usually fulfilled, and exceptionally frustrated.
Identifer | oai:union.ndltd.org:theses.fr/2016PA040187 |
Date | 12 November 2016 |
Creators | Charles, Lise |
Contributors | Paris 4, Denis, Delphine |
Source Sets | Dépôt national des thèses électroniques françaises |
Language | French |
Detected Language | French |
Type | Electronic Thesis or Dissertation, Text, Image |
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