Nous ne sommes plus à l’âge où les destructions poétiques d’appareils se voient car les régimes d’appareils sont devenus transparents : lorsque nous pressons un écran tactile, nous touchons ce que nous ne voyons plus, nos empreintes, et nous voyons ce que nous ne toucherons jamais, le plan numérique. Pour l’artiste contemporain, l’interface haptique – point d’orgue d’une technologie stéréotypée de la percussion – est le parergon d’une échelle inédite, toute tactile. De la machine à écrire aux claviers de plus en plus fins du design informatique, à mesure que l’on croit voir le bloc imaginaire céder sous la pression ergonomique de l’empire cybernétique, se palpe en fait un réel d’emblée en dehors des formes et à l’intérieur de notre doigté. C’est l’espace de la corne aux doigts. Ce transfert, cette remontée du point d’impact dans son élan, ce retour de la forme dans sa structure font du moment de touche – de l’appareillage comme manœuvre de départ – un isolat capital pour reposer la question de la sculpture à l’époque des immatériaux. Bien en face et à contre-courant de la surface informatique, une épaisseur sensible fonctionnelle aurait lieu et pourrait donc faire œuvre ; telle est la thèse proposée ici. Le comportement machinal de l’utilisateur d’interfaces sera considéré comme un modèle poïétique ou pensé comme une partie de l’imagination en attente de traduction plastique. Pendant que se joue l’expérience rythmique de l’interactivité, le corps ne doit-il pas fournir un effort perceptif pour ne pas s’absenter dans une partition photo-digitale jouée par avance ? Ne doit-il pas exprimer son ancrage particulier, calleux et bruissant – nous l’appellerons dactylo-phonique – au contact de la matière du monde ? Sans cette expression, jamais le design technologique contemporain, bi ou tridimensionnel, modélisé et assisté par ordinateur, n’entamera de rapport véritablement efficient avec le réel de nos habitudes et de nos démarches ; bref avec tout le poids incarné de notre conscience imageante : la perte d’indicialité instaurerait-elle un type introverti de phénoménalité ? / Poetic destructions of apparatus are no longer visible as regimes of apparatus have become transparent: when we press a tactile screen, we touch what we cannot see anymore – our fingerprints – and we see what we will never be able to touch – the digital space. For contemporary artists, haptic interfaces are the finger-tipping point of a technological dynamics of percussion but also the parergon of a new and entirely tactile scale. From the first typewriters to the latest ultra thin keyboards designed by computer manufacturers, we may think imagination is yielding under the ergonomic pressure of the cybernetic world. But in fact, existing outside of the shapes and right under our fingertips lies a palpable reality – the space of calluses. This transfer, this sensory feedback, this return of the form to its structure turns this casting off of the apparatus into an essential isolate to rethink sculpture in the age of immateriality. Right in front of the computer surface but working against it, there would be a functional sensitive thickness – an art-making place. This is our thesis. The machine-like behaviour of the interface user will be considered as a poietic model or regarded as a part of imagination waiting for plastic translation.We may wonder whether the rhythmic experience of interactivity does not entail a perceptual bodily effort on our side in order not to remain absent during the performance of a somewhat predictable photo-digital score.Doesn't this peculiar, callous and rustling – or dactylo-phonic – anchoring of the body to the substance of the world need to express itself? Without this expression, contemporary technological design — whether bi or tri-dimensional, modeled or computer-assisted — will never initiate a truly efficient relation with the real experience of our habits and actions, i.e. with all the embodied strength of our image-making consciousness: does the loss of indiciality create an introverted type of phenomenality ?
Identifer | oai:union.ndltd.org:theses.fr/2011AIX10035 |
Date | 09 June 2011 |
Creators | Honnorat, Julien |
Contributors | Aix-Marseille 1, Guérin, Michel |
Source Sets | Dépôt national des thèses électroniques françaises |
Language | French |
Detected Language | French |
Type | Electronic Thesis or Dissertation, Text |
Page generated in 0.002 seconds