La fin du second siècle voit la naissance et le développement en Afrique romaine d'une importante communauté chrétienne résidant nota¬mment à Carthage. Parallèlement, un nouveau courant intell¬ectuel et littéraire prend son essor autour de nombreux écrivains, dont Tertullien (155-225 ?) serait le précurseur. En effet, cet auteur d'origine africaine est considéré comme le premier auteur latin chrétien, et il s'intègre dans un vaste mouvement de défense de la foi chrétienne appelé apolo¬gétique. Jusqu'à cette date, le christianisme, en tant que nouveau courant religieux, s'était écrit, pensé en grec. Avec Tertullien, qui est un converti, la religion chrétienne s'énonce désormais en latin, et progres-sivement se met en place une littérature dite patristique autour de Lactance, Cyprien ou Augustin. Ainsi, le christianisme connaît un chan¬gement culturel majeur, avec l'apparition d'un latin dit chrétien. La vie et la chronologie des œuvres de Tertullien nous sont mal connues, et il est difficile de dresser un portrait de l'homme et de ses écrits. Cependant, les spécialistes ont depuis le XIXe siècle classé ses trente et un traités en deux grandes périodes : tout d'abord, un ensemble de traités « catholiques » (197-208), puis des écrits plus ou moins influencés par l'hérésie montaniste (jusqu'en 220 environ). La période dite « catholique » sert de cadre d'étude à ce travail de recherches, qui se propose d'analyser les logiques d'un discours polé-mique chrétien. De par sa formation (avocat, jurisconsulte), ce Père de l'Église a eu recours au droit romain pour énoncer la foi chrétienne et ses règles. Il se situe au centre d'un processus de normalisation du discours chrétien, avec une transposition de certains concepts issus du droit romain dans le champ du christianisme. La première partie consiste à étudier, grâce à l'outil informatique et à des études quantitatives et sérielles, les logiques globales du discours polémique de Tertullien. Au moyen de la méthode dite de l'index thématique, nous avons porté notre regard sur les dénominations du chrétien en tant qu'individu (ou en tant que groupe d'individus) et du christianisme. Ce discours montre tout d'abord des spécificités propres, comme par exemple une logique atemporelle ou une construction identitaire très forte. La seconde partie analyse cette logique identitaire propre aux chrétiens et à leurs communautés. L'étude des noms propres relevés dans la linéarité du texte montre l'importance que Tertullien donne au milieu paulinien, et son discours est fortement imprégné par la Bible, notamment le Nouveau Testament. Les Écritures sont considérées comme une Vérité révélée, dans laquelle Paul de Tarse exerce une influence théologique et disciplinaire considérable. L'Église, en tant que communauté et institution nouvelles, est décrite dans une dimension eschatologique et philosophique, puisqu'elle se situe dans une perspective de la fin des temps annoncée dans l'Apocalypse de Jean. Tertullien met aussi en avant le fait que les chrétiens forment une communauté, avec comme élément fédérateur le « nom chrétien » (nomen christiani). Ses écrits reposent donc sur une logique identitaire et collective, dans laquelle la communauté prime sur l'individu. La troisième partie s'attache aux termes issus du droit romain, mais transposés dans le champ du christianisme. Tout d'abord, la foi chrétienne (fides) est vue comme un contrat entre Dieu et le chrétien ; celui-ci devenant désormais un fidèle. Cette foi fait qu'un lien de dépen¬dance spirituelle s'établit entre les deux parties, avec l'emploi d'un vocabulaire métaphorique issu de l'esclavage. Les fidèles forment une communauté fraternelle, autour d'un nouveau modèle familial et matrimonial, dans lequel dominent l'asexualité, la chasteté et la continence. Ainsi, le mariage n'a pas de fonction liée à la reproduction, mais il repose sur une logique eschato-logique. L'ensemble de ces écrits répondent à des besoins disciplinaires et se présentent souvent comme une casuistique. La dernière sous partie analyse le lexique issu du droit public et de la procédure judiciaire pour poser des éléments de réflexion sur l'existence légale du christianisme, et sur la construction progressive d'une double citoyenneté chrétienne (qui est fondamentale pour com-prendre la situation des chrétiens dans un Empire multiculturel). Durant cette période, le christianisme connaît un rejet de la part de l'État romain. Cette « haine » se manifeste parfois par des persécutions, source du développement du phénomène martyrial. La figure du martyr est décrite comme un idéal, celui du « Juste », pour atteindre la « Cité de Dieu » et le salut.
Identifer | oai:union.ndltd.org:CCSD/oai:tel.archives-ouvertes.fr:tel-00482060 |
Date | 18 December 2009 |
Creators | Davier, Fabien |
Publisher | Université de Franche-Comté |
Source Sets | CCSD theses-EN-ligne, France |
Language | French |
Detected Language | French |
Type | PhD thesis |
Page generated in 0.0021 seconds