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Approche endodarwinienne de la variabilité de l'expression génétique

La biologie moléculaire repose sur des bases déterministes qui ont longtemps été fécondes mais sont désormais un handicap pour la compréhension des phénomènes biologiques. Le déterminisme en génétique est un concept robuste mais dont les fondations apparaissent de plus en plus fragiles, notamment le concept de spécificité et l'importance centrale accordée au génome. À partir de ces constats, nous faisons une proposition théorique. Nous proposons une nouvelle grille de lecture des relations intercellulaires, que nous appelons endodarwinienne. Il s'agit de postuler que les cellules ont un comportement aléatoire a priori, notamment dans leur expression génétique et que seules celles qui adoptent un profil d'expression adapté à leur environnement sont dans un second temps sélectionnées. Dans ce modèle, les cellules ne répondent pas à des "signaux" de manière prévisible. Dans une large mesure, les cellules sont mues par leur intérêt immédiat. Ce modèle est une réponse à la crise du déterminisme car il rend inutile de postuler une spécificité des interactions moléculaires, et permet de sortir de la notion rigide de "programme génétique", sans pour autant nier le rôle évident des gènes. Il y a un paradoxe à proposer que des phénomènes reproductibles soient fondés sur des dynamiques stochastiques, c'est pourquoi nous cherchons à montrer que ce paradoxe n'est qu'apparent, que l'aléa de réactions individuelles est précisément une force structurante, et que l'approche probabiliste englobe l'approche déterministe. Une synthèse de données expérimentales met en évidence l'importance sous-évaluée de la variabilité intercellulaire de l'expression génétique, dans des situations très diverses. Dans celles-ci, de toute évidence, des cellules clonales se comportent de manière aléatoire et ne répondent pas de manière homogène à des signaux. Cette variabilité peut être la base d'une sélection. Par ailleurs, des données récentes confirment que la dynamique même des échanges moléculaires au sein du noyau rend nécessaire d'intégrer comme un acquis la dimension intrinsèquement stochastique de l'expression génétique, qui provoque ainsi une variété phénotypique. Le développement embryonnaire, classiquement envisagé comme la concrétisation d'un programme génétique à l'œuvre, peut être abordé selon une logique endodarwinienne. Le déterminisme y est très relatif, les devenirs cellulaires sont très plastiques, et les signaux échangés par les cellules semblent souvent pouvoir être étudiés sous l'angle d'une relation trophique. L'apoptose, souvent appelée mort programmée, ne semble pas pourtant répondre de manière satisfaisante à cette caractérisation. Cependant il peut sembler contradictoire, dans l'approche endodarwinienne, que des cellules engagent leur propre destruction. Des observations montrent que malgré les apparences, ce phénomène avéré ne contredit pas l'approche endodarwinienne. Pour tester les hypothèses endodarwiniennes, il faut en passer par une étude sur cellules isolées car travailler sur des populations cellulaires provoque des effets de moyenne qui masquent la variabilité intercellulaire. Des techniques d'études de l'expression génétique sur cellules isolées existent. Parmi celles-ci, une adaptation particulière de la RT-PCR, l'amplification par l'extrémité 3' (TPEA) a été simplifiée et rationalisée pour être compatible avec une approche globale. Les premiers résultats issus de ce travail de mise au point, quoique préliminaires, peuvent déjà être lus selon une grille sélective plutôt qu'instructive et confirment l'existence d'une expression aléatoire des gènes. Une autre approche possible est celle de l'étude des variations de la méthylation des gènes, que l'on sait corrélée à des variations d'expression. Au cours d'une cinétique de différenciation, un gène est étudié sous cet angle et révèle une variabilité importante, dans le temps et de cellule à cellule. Par ailleurs, le profil de différentes sous populations au cours de cette cinétique va dans le sens d'une expression aléatoire et d'une sélection des cellules ayant le profil adapté. Ces approches expérimentales et bibliographiques incitent à penser que la proposition théorique initiale est pertinente, économe et généralisable, même si, bien sûr, la question reste ouverte.

Identiferoai:union.ndltd.org:CCSD/oai:pastel.archives-ouvertes.fr:pastel-00001189
Date05 1900
CreatorsHeams, Thomas
PublisherINAPG (AgroParisTech)
Source SetsCCSD theses-EN-ligne, France
Detected LanguageFrench
TypePhD thesis

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