Le paysage associatif français de lutte contre le VIH/sida voit émerger dès la fin des années 1990 un ensemble d'associations d'immigrant-e-s, en particulier porté par des personnes nées en Afrique Subsaharienne. Lourdement affectées par l'épidémie et longtemps oubliées des programmes de lutte contre le VIH/sida, les femmes immigrantes devenues une cible prioritaire des autorités sanitaires y occupent une position particulière. L'objectif de cette thèse est d'éclairer le rôle spécifique joué par les femmes nées en Afrique Subsaharienne dans la lutte contre le VIH/sida en France et d'analyser les conséquences d'un tel engagement associatif sur les différentes sphères de leur vie. Une enquête socio-ethnographique a été réalisée en Île-de-France, entre 2011 et 2013, à partir de l'observation du quotidien de six associations, d'actions et d'événements associatifs divers. Quatre-vingt-six entretiens ont été conduits auprès de femmes rencontrées dans douze associations, afin de reconstituer leur trajectoire biographique, et auprès de médecins et assistantes sociales hospitalières pour saisir leurs représentations de ces actrices associatives. Le care et l'agency forment le cadre analytique émergeant des matériaux empiriques. L'enquête montre que les projets associatifs menés par les femmes nées en Afrique Subsaharienne répondent de manière sensible aux besoins des immigrant-e-s les plus vulnérables mais également aux besoins de soutien des professionnel-le-s de l'action sociale et de santé. Majoritairement féminins, ces collectifs s'inscrivent dans une grammaire associative du care reposant sur l'auto-support et la rencontre entre deux profils : les usagères en situation de liminalité et les aidantes aux ressources diverses. Les usagères puisent dans ces espaces les supports nécessaires à la sortie du statut liminal, tandis que les aidantes développent une expertise du terrain qui leur permet de s'insérer dans les sphères professionnelles et politiques du VIH/sida. Les analyses pointent le processus d'agence des femmes engagées au sein de ces associations. Les usagères négocient les modalités de leur insertion sociale en France en recourant de manière tactique aux associations qu'elles fréquentent. Les aidantes s'appuient sur la lutte contre le VIH/sida pour dépasser la place traditionnellement réservée aux immigrant-e-s en France et accéder à l'espace public. De plus, le positionnement spécifique des femmes aux sein des associations d'immigrant-e-s leur offre une opportunité particulière de s'approprier stratégiquement les normes de genre intégrées au fil de leur socialisation. Cependant, les enjeux sociaux de la lutte contre le VIH/sida articulés à la position sociale de ces femmes dans le contexte migratoire freinent la voix/e différente qui semble leur être ouverte par la lutte contre l'épidémie en France. / The French associative landscape against HIV/AIDS sees at the end of the 1990s the emergence of a set of immigrant organizations, especially led by persons born in sub-Saharan Africa. Heavily affected by the epidemic and long forgotten by the programs to combat the epidemic, immigrant women became a priority target of the health authorities and now occupy a particular position within immigrant organizations. The objective of this thesis is to shed light on the specific role played by women born in sub-Saharan Africa in the fight against HIV/AIDS in France and to analyze the consequences of such an associative commitment on various spheres of their lives. A socio-ethnographic survey was conducted in the Ile-de-France region, between 2011 and 2013, from the observation of the daily lives, actions and events of six organizations. Eighty-six interviews were conducted among women met in twelve organizations, in order to reconstruct their biographical trajectory, and among doctors and hospital social workers in order to seize their representations of these associative players. Theories of care and agency form the analytical framework emerging from the empirical materials. The survey shows that the associative projects led by women born in sub-Saharan Africa respond sensitively to the needs of the most vulnerable immigrants but also to the needs of the social and health professionals. Predominantly female, these groups fit into an associative grammar of care based on self-support and the meeting between two profiles: the female users in a liminal position and the caregivers with diverse resources. The female users draw on these spaces the necessary supports to get out of the liminal status, while the caregivers develop a field expertise which allows them to fit into HIV/AIDS policies and professional spheres. The analyses point out the agency process of the women engaged within these organizations. The female users negotiate the mode of their social integration in France tactically resorting to the associations they frequent. The caregivers rely on the fight against HIV/AIDS to exceed the position traditionally assigned to immigrants in France and to have access to the public space. Furthermore, the specific positioning of women within immigrant organizations offers them a special opportunity to strategically appropriate the gender norms integrated over their socialization. However, HIV/AIDS social issues linked to the social position of women in the migration context hamper the different voice/way which seems to be open to them in the fight against the epidemic in France.
Identifer | oai:union.ndltd.org:theses.fr/2016USPCB177 |
Date | 30 May 2016 |
Creators | Gerbier-Aublanc, Marjorie |
Contributors | Sorbonne Paris Cité, Desgrées du Loû, Annabel |
Source Sets | Dépôt national des thèses électroniques françaises |
Language | French |
Detected Language | French |
Type | Electronic Thesis or Dissertation, Text |
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