Introduction : Chaque année, 703 000 personnes décèdent par suicide à travers le monde et une proportion encore plus importante de personnes pensent au suicide ou font une tentative de suicide. L’étude des facteurs associés aux idées et aux comportements suicidaires vise à améliorer notre compréhension de cette problématique pour mieux cibler les personnes à risque, mieux les soutenir et, ultimement, diminuer les taux de décès par suicide. Les troubles psychotiques sont associés à une vulnérabilité accrue au suicide, particulièrement dans les premières années suivant l’émergence de la psychose, c’est-à-dire lors du premier épisode psychotique (PEP). L’objectif général de la thèse est de mieux comprendre l’évolution des idées suicidaires et des comportements suicidaires ainsi que les facteurs qui y sont associés chez les personnes présentant un PEP.
Méthode : Trois études ont été réalisées. La première est une recension systématique des écrits réalisée en accord avec les critères PRISMA. Les études longitudinales portant sur la prévalence et les facteurs associés aux idées et aux comportements suicidaires chez les personnes présentant un PEP ont été répertoriées à partir de cinq banques de données et des références bibliographiques des articles pertinents. Le tri des articles, l’extraction des données ainsi que l’évaluation de la qualité des articles ont été réalisés par deux codeurs indépendants. La deuxième étude a identifié les trajectoires des idées suicidaires sur une période de cinq ans et la distribution des tentatives de suicide à travers ces trajectoires chez les patients présentant un PEP, admis entre 2005 et 2013, dans deux services d’intervention précoce pour la psychose à Montréal, Québec. Les données sur les idées suicidaires, les tentatives de suicide, les décès par suicide, et les facteurs potentiellement associés ont été évalués annuellement pendant cinq ans par des entrevues de recherche, la révision des dossiers médicaux et les rapports du coroner. Des analyses de trajectoires latentes ont été réalisées. Enfin, le troisième article a comparé l’évolution des idées et des comportements suicidaires dans des services d’intervention précoce pour la psychose, structurés de façon similaire, dans deux contextes socioculturels différents, soit à Montréal, au Canada et à Chennai, en Inde. Les données sur les idées et les comportements suicidaires ainsi que sur les facteurs potentiellement associés ont été colligées à sept temps de mesure sur une période de deux ans par des entrevues de recherche, des questionnaires standardisés ainsi qu’une révision des dossiers médicaux. Pour chacun des sites, les facteurs associés à la présence et à la sévérité des idées et des comportements suicidaires ont été comparés à l’admission avec un modèle en deux parties de type « hurdle » (modèle linéaire généralisé pour une distribution binomiale et un second modèle de régression logistique pour variable ordinale). L’évolution des idées et des comportements suicidaires a été comparée entre les sites avec un modèle à effets mixtes pour réponse ordinale.
Résultats : La recension des écrits comprend 17 articles, réalisés dans des pays à haut revenu, et révèle que près du tiers des patients présentant un PEP rapporte avoir eu des idées suicidaires et fait une tentative de suicide avant leur admission dans les services d’intervention précoce pour la psychose. En général, une diminution des idées suicidaires et des comportements suicidaires a été observée pendant le suivi. Les symptômes dépressifs ainsi les antécédents d’idées et de comportements suicidaires ont été associés à un plus grand risque de comportements suicidaires. Les services d’intervention précoce pour la psychose ont plutôt été associés à un moindre risque de décès par suicide. La deuxième étude, incluant 382 patients, a démontré l’hétérogénéité de l’évolution des idées suicidaires chez les personnes présentant un PEP en identifiant trois trajectoires distinctes : Une première trajectoire caractérisée par un risque faible et décroissant de présenter des idées suicidaires (85.1%), une seconde marquée par un déclin précoce des idées suicidaires suivi d’une augmentation en fin de suivi à la clinique PEP (7.8%), ainsi qu’une troisième trajectoire caractérisée par une persistance des idées suicidaires au cours des cinq années de suivi (7.1%). Alors que les antécédents d’idées suicidaires et le trouble d’usage de cocaïne ont été associés à la seconde trajectoire, les antécédents d’idées suicidaires et de tentatives de suicide ainsi que le trouble d’usage d’alcool ont été associés à la troisième trajectoire. La troisième étude, incluant 333 patients (165 à Montréal, 168 à Chennai), a révélé une diminution des idées et des comportements suicidaires dans les deux sites au cours du suivi, avec toutefois un risque suicidaire plus élevé tout au long du suivi pour les patients suivis à Montréal. Certains facteurs ont été associés à un plus grand risque d’idées et de comportements suicidaires dans les deux contextes (comme la dépression et les antécédents de tentatives de suicide) alors que certains facteurs étaient plutôt spécifiques au contexte (comme le statut relationnel et le genre).
Conclusion : Les trois manuscrits soutiennent que la prévalence des idées suicidaires et des comportements suicidaires est élevée chez les personnes présentant un PEP, quel que soit le milieu ou le contexte socioculturel. Les résultats plaident en faveur de la détection précoce de la psychose afin d’évaluer le risque suicidaire et intervenir rapidement auprès des personnes vivant un PEP puisque les taux d’idées et de comportements suicidaires sont particulièrement élevés avant l’entrée dans les services et au début du suivi. Une évaluation continue du risque suicidaire est nécessaire jusqu’à la toute fin du suivi pour soutenir les différents sous-groupes de patients, dont ceux plus à risque de présenter des idées suicidaires croissantes ou persistantes. Les personnes présentant des symptômes dépressifs, des antécédents d’idées et de tentatives de suicide ainsi qu’un trouble de l’usage de substances devraient être ciblées pour bénéficier d’interventions visant à prévenir le suicide, et ce, dès le début du suivi. Enfin, la thèse a permis de mieux comprendre l’évolution des idées et des comportements suicidaires chez les personnes présentant un PEP et d’identifier différentes avenues de recherches futures. / Introduction: Every year, 703,000 persons die by suicide worldwide and an even greater proportion of people think of or attempt suicide. Studying factors associated with suicidal thoughts and behaviours aims to improve our understanding of this issue to better target and support those at risk and ultimately decrease rates of suicide deaths. Psychotic disorders are associated with an increased vulnerability to suicide, particularly in the first years following psychosis onset, i.e., during first-episode psychosis (FEP). The overall goal of the dissertation is to better understand the course of suicidal thoughts and behaviours and the factors associated therewith in persons with FEP.
Method: Three studies were conducted. The first was a systematic review in compliance with PRISMA guidelines. Longitudinal studies on the prevalence of and factors associated with suicidal thoughts and behaviours in FEP were identified from five databases and reference lists of relevant articles. Screening, data extraction, and quality assessment of selected studies were performed by two independent reviewers. The second study identified trajectories of suicidal ideation over a five-year period and the distribution of suicide attempts across these trajectories in patients with FEP admitted between 2005 and 2013 to two early intervention services for psychosis in Montreal, Quebec. Data on suicidal ideation, suicide attempts, suicide deaths, and potentially associated factors were assessed annually for five years through research interviews, medical records review, and coroners' reports. Latent trajectory analyses were performed. Finally, the third study compared the course of suicidal thoughts and behaviours in similarly structured early intervention services for psychosis in two different sociocultural contexts, Montreal, Canada and Chennai, India. Data on suicidal thoughts and behaviours and potentially associated factors were collected at seven time points over two years through research interviews, standardized questionnaires, and medical records review. For each site, factors associated with presence and severity of suicidal thoughts and behaviours were compared at admission with a two-part hurdle model (generalized linear model for a binomial distribution and a second ordered logistic regression model). Course of suicidal thoughts and behaviours was compared between sites with a mixed-effects ordered logistic regression.
Results: The systematic review included 17 articles from high-income countries and found that nearly one third of patients with FEP reported suicidal ideation and attempts prior to admission to early intervention services for psychosis. In general, a decrease in suicidal thoughts and behaviours was observed during follow-up. Depressive symptoms and a history of suicidal thoughts and behaviours were associated with a greater risk of suicidal behaviours. Early intervention services for psychosis were rather associated with a lower risk of death by suicide. The second study, including 382 patients, showed heterogeneity in the evolution of suicidal ideation in persons with FEP by identifying three distinct trajectories: a first trajectory characterized by a low and decreasing risk of presenting suicidal ideation (85.1%), a second trajectory marked by an early decline in suicidal ideation followed by an increase at the end of follow-up (7.8%), and a third trajectory characterized by persistence of suicidal ideation during the five-year follow-up (7.1%) While history of suicidal ideation and cocaine use disorder were associated with the second trajectory, history of suicidal ideation and suicide attempts, and alcohol use disorder were associated with the third trajectory. The third study, including 333 patients (165 in Montreal, 168 in Chennai), found a decrease in suicidal thoughts and behaviours over follow-up in both sites, although the risk was higher throughout follow-up for Montreal patients. Some factors were associated with a higher risk of suicidal thoughts and behaviours across contexts (e.g., depression and history of suicide attempts), while some factors were rather context-specific (e.g., relationship status and gender).
Conclusion: The three manuscripts support that the prevalence of suicidal thoughts and behaviours is high among persons with FEP, regardless of sociocultural context or setting. The results argue for early detection of psychosis to assess suicidal risk and intervene promptly with individuals with FEP, as rates of suicidal thoughts and behaviours are particularly high prior to service entry and at the beginning of follow-up. Ongoing assessment of suicidal risk is needed until the very end of follow-up to support different subgroups of patients, including those at higher risk of developing increasing or persistent suicidal ideation. Individuals with depressive symptoms, a history of suicide ideation and attempts, and a substance use disorder should be targeted for suicide-focused interventions early in follow-up. Finally, the dissertation provided a better understanding of the course of suicidal thoughts and behaviours in persons with FEP and allowed for the identification of different areas for future research.
Identifer | oai:union.ndltd.org:umontreal.ca/oai:papyrus.bib.umontreal.ca:1866/32178 |
Date | 05 1900 |
Creators | Sicotte, Roxanne |
Contributors | Abdel-Baki, Amal, Iyer, Srividya N. |
Source Sets | Université de Montréal |
Language | fra |
Detected Language | French |
Type | thesis, thèse |
Format | application/pdf |
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