Par sa vision tragique du monde, René Char semble, à première vue, bien éloigné des penseurs utopistes, moins intéressé par les lendemains qui chantent que par les dangers imminents qui guettent l’humanité. Dans un grand nombre de ses poèmes, il s'attaque aux naïfs qui se persuadent que c'est le bien qui adviendra, valorise les pessimistes dans la mesure où « ils voient de leur vivant l'objet de leur appréhension se réaliser ». Son œuvre semble parfois rejoindre les actes d'accusation faisant de l'utopie l'antichambre du goulag et des camps, la rendant responsable de la dégénérescence des états dits socialistes en systèmes totalitaires. À plusieurs reprises, Char indique qu’entre l’ethos (qui recommande d’arrimer la poésie et la pensée au réel) et l’utopos (qui s’élabore à l’écart de la réalité du monde) il ne peut surgir qu’une incompatibilité essentielle. Mais s'en tenir là serait ignorer que tout une part de sa poésie demeure également marquée par le « principe espérance ». Si ses recueils du début des années 1930 sont traversés par le désir d’un « monde en tout renouvelé de l’attractif », certains de ses écrits plus tardifs sont également ponctués d’« images-souhaits » de la conscience désirante, d’évocations de lieux rêvés : « ville imperforée » ou « pays d’à côté », « citadelle idéale » ou « perfection à la fois territoriale et inspirée du bien commun ». Bien que Char se soit de nombreuses fois attaqué aux utopies du futur, il convient de se demander si on ne peut trouver à l'intérieur même de sa critique une invitation à penser l'utopie autrement. / By virtue of his tragic vision of the world, René Char initially appears to be far from a utopian. He is less interested in “enchanting dawns” than in the imminent dangers that await humanity. In many poems he attacks the naïve who believe that good will triumph, and values instead the pessimists “who see in their very lifetime the realization of what they most feared.” For this reason, Char has been placed alongside those who view utopia as the foyer of gulags and concentration camps, and hold utopianism responsible for the degeneration of so-called “socialist” states into totalitarian ones. Char suggests several times that between ethos (which encourages the adherence of poetry and thought to reality) and utopos (which distances us from the reality of the world) only an essential incompatibility can arise. To leave the question of utopia at this, however, is to ignore how a whole dimension of Char’s poetry is equally inspired by the “principle of hope.” His poetry from the early 1930s flows from a desire for “a world in every respect renewed by the attractive.” His later works are equally filled with “wish-images” of desiring consciousness, evocations of dreamed places – be it an “imperforate city,” a “country at the margins,” an “ideal citadel” or, indeed, “perfection, both earthly and inspired by the common good.” While Char has on several occasions taken it upon himself to attack future-oriented utopias, it is necessary to ask whether, from within this very criticism, we may find instead an invitation to think utopia otherwise
Identifer | oai:union.ndltd.org:theses.fr/2010PA040056 |
Date | 25 June 2010 |
Creators | Morin, Eugénie |
Contributors | Paris 4, Marchal, Bertrand, Née, Patrick |
Source Sets | Dépôt national des thèses électroniques françaises |
Language | French |
Detected Language | French |
Type | Electronic Thesis or Dissertation, Text |
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