Dans la dernière dizaine années du 19ème siècle, les créations de Lugné-Poe et d’Antoine expérimentent de nouvelles esthétiques de représentation et voient dans la mise en scène l’essence de la création théâtrale. Le metteur en scène devient lui-même auteur, au point de jouer parfois un rôle prédominant. Tout au long du 20ème siècle, cette évolution de la mise en scène, en s’accélérant parfois brutalement, a pu atteindre une certaine anarchie. C’est pourquoi l’esthétique de la tradition scénique orientale, qui passe par des formes artistiques reproductibles, voire stéréotypées, a pu fournir des repères et des garde-fous. Paul Claudel est le premier à en avoir une réelle connaissance grâce à ses longs séjours en Asie. Il intègre les traditions, les cultures et les philosophies orientales dans son écriture théâtrale, et propose une nouvelle forme épique et lyrique de la dramaturgie, comme dans Le Soulier de satin et Christophe Colomb. Dans une proposition de théâtre symboliste, il met en scène de véritables poèmes reflétant sa cosmologie et sa vision poétique, en réalisant pratiquement le « théâtre total » dont rêve Jean-Louis Barrault. Au début du 20ème siècle, plusieurs expositions coloniales introduisent l'Orient en Occident. Elles donnent aux Occidentaux l'occasion d'un contact direct avec les traditions scéniques orientales. Les jeux formalistes, sacrés et esthétiques, de la poésie symbolique, séduisent les intellectuels et les artistes. En particulier, les représentations de Sada Yacco et Mei Lan-Fang déclenchent l’enthousiasme. Les théoriciens-metteurs en scène sont passionnés par les jeux expressifs et métaphoriques de leurs corps robustes, agiles et bien proportionnés, par leurs attitudes modérées et discrètes, tous façonnés selon la tradition séculaire orientale. Bien qu'il y ait des nuances entre les divers théâtres asiatiques, on les regroupe sous la dénomination usuelle de « théâtre oriental ». C'est la raison pour laquelle nous avons analysé à la fois les chocs provoqués par les trois grands événements qu’ont été, en Europe, successivement la visite de la troupe de Sada Yacco en 1901, l’Exposition Coloniale en 1931, et l’arrivée de Mei Lan-Fang en 1935, sur le théâtre occidental, mais aussi les origines et les caractères communs des théâtres asiatiques .Dès lors que les artistes innovants découvrent le théâtre oriental, ils sont subjugués par l’authenticité de sa théâtralité et l’opposent au théâtre occidental, dont ils dénoncent les défauts de la convention théâtrale. Les traditions scéniques orientales leur présentent des esthétiques paradoxales : des embellissements dépouillés mais enrichissants sur le plan métaphorique, des jeux artificiels stylisés mais révélant les détails réalistes, des créations contraintes par la tradition mais libérées par le talent des artistes, des représentations courtes mais requérant un long temps d’apprentissage, un seul art théâtral intégrant divers arts. Se référant à ces formes caractéristiques orientales, Craig cherche à trouver une « forme définie », Meyerhold tend à établir une nouvelle convention de théâtralité, Brecht approfondit sa théorie et son écriture visant à l'effet de la « distanciation » et Artaud désire « en finir avec les chefs-d’œuvre » et faire parler le propre langage scénique. Après ces innovateurs qui ont découvert la source de l’Orient, les metteurs en scène suivants, tels Grotowski, Barba, Brook et Ariane Mnouchkine, orientent leur recherche spirituelle et introspective vers l'Orient, en engendrant leur propre esthétique réalisée par la pratique. De la sorte, cette dernière ne relève plus d’une unique tradition orientale ou de la convention occidentale, mais d’une fécondation née de leur appropriation de l’Orient mêlée à leur propre personnalité, leur « tribu » et leurs préférences culturelles. / In the last decade of the 19th century, works of Lugné-Poe and Antoine experiment a new aesthetic representation and search the essence of the theatrical invention in the mise en scène. The director (metteur en scène) becomes the author; toa certain extent, sometimes, s/he takes the predominant role. Throughout the 20th century, the evolution of the directing (mise en scène) accelerates abruptly and it is so violent and sometimes it reaches to a state of anarchy. This is why the aesthetics of oriental scenic tradition, which goes through reproducible art forms, even stereotypical, could provide beacon and safeguards.Paul Claudel is the first person who acquires knowledge about the Orient due to his long stays in Asia. He incorporates the oriental traditions, cultures and philosophies in his playwriting, and proposes new epic and lyric forms in theater, likeone sees in The shoe of satin and Christophe Columbus. Proposing a symbolist theater, he had staged real poems which reflect his cosmology and his poetic vision. Claudel had achieved what Jean-Louis Barrault dreamed of -the "total theater."In the early 20th century, several colonial exhibitions introduced the East to the West. They gave Westerners an opportunity of directly absorbing the oriental scenic tradition. The formalists acting— sacred and aesthetics— in symbolic poetry attractsintellectuals and artists. Particularily, the representations of Sada Yacco and Mei Lan-fang were most enthusiastically received. The theoretical directors were passionate about the expressive and metaphorical acting of their robust,well-proportioned yet flexible bodies, about their moderate and discreet attitude, which were shaped by the ancient Eastern traditions. Although there were slight differences among various Asian theaters, they were grouped under the common name of "Oriental Theatre". In this sense, I would like to analyze the impacts caused by three major events of the western theater history in Europe: the successive visitings of troupe Sada Yacco in 1901, the Colonial Exhibition in 1931, and the arrival of Mei Lan-Fang in 1935. At the same time, we should trace the origins and common characteristics of Asian theaters.When the innovative artists discovered the eastern theater, they were overcame by the authenticity of its theatricality and they mirror the Western theater in opposition to the Eastern theater, in which they denounce the shortcomings of Westerntheatrical convention. The oriental scenic tradition shows them the paradoxical aesthetic: (1) unornamented decoration yet enriching in the metaphorical layout; (2) stylized artificial acting but realistic-details revealing; (3) short performance butrequiring long-term training; (4) creations constrained by tradition but set free by the talent of artist; (5) one theatrical art integrating various arts.Referring to these oriental characteristic forms, Craig seeks to find a "definite form", Meyerhold tends to establish a new convention of theatricality. As for Brecht, he goes further into developing theory, and his writing aims to produce the effect of"alienation." Artaud, on the other hand, wants to "terminate the masterpieces" and allow real stage language to speak for itself.After these pioneers who discovered sources from the Orient, directors who follow these doctrines such as Grotowski, Barba, Brook, and Ariane Mnouchkine turn their spiritual search and introspective towards the Orient, in hopes of generating their own aesthetics which could be realized in practice. Therefore, their creations reflect not merely Eastern traditions nor do they apply only Western conventions, but they are fertilized and born out of their appropriation to the Orient, mingled with these directors’ own personality, their "tribe" and their cultural preferences
Identifer | oai:union.ndltd.org:theses.fr/2013LYO20029 |
Date | 13 June 2013 |
Creators | Li, Min-Yuan |
Contributors | Lyon 2, Bost, Bernadette |
Source Sets | Dépôt national des thèses électroniques françaises |
Language | French |
Detected Language | French |
Type | Electronic Thesis or Dissertation, Text |
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