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Le temps en contrôle de gestion : Evolution des conceptions temporelles dans une discipline

Adoptant une approche constructiviste du rôle du discours, nous considérons que ce dernier est susceptible de créer chez ceux qui le reçoivent une réalité. Ainsi, tout dire, tout écrit que je produis peut contribuer à la construction du monde d'autrui. En particulier, lorsqu'en gestion, je parle du " temps ", ou encore quandje recommande des attitudes qui ont trait à cette notion, je distille - sans nécessairement en être conscient - des conceptions du temps dans lesquelles les membres de l'organisation, les étudiants, peuvent se placer. Ce travail porte d'abord sur les conceptions du temps portées par la littérature française de contrôle de gestion parue dans les vingt dernières années. Par " conception du temps ", il faut d'abord entendre les idées que placent les auteurs de la discipline derrière le terme de "temps ". Une première étape de cette recherche a consisté à identifier ces dernières, qui se révèlent en fait réifiantes et réductrices, donc particulièrement rassurantes, au regard de l'idée que nous pouvons nous faire d'un temps destructeur. Une deuxième phase - la principale de notre recherche - est concentrée sur les conceptions implicites du temps portées par des manuels représentatifs de cette même littérature, c'est à dire celles qui, sans être exprimées directement dans les textes, fondent la plupart des outils et méthodes proposés en contrôle de gestion. Lors de notre étape d'exploration, nous avons mis en évidence le rôle essentiel que jouent quatre attitudes recommandées par la discipline dans l'expression de ces approches. Il s'agit de ce que nous avons appelé la rétrospection, la prospective, la réaction et la proaction. Nous avons cherché à articuler ces concepts dans un modèle croisant deux débats relatifs à la question du temps, à savoir l'orientation vers le passé ou le futur, et le rapport à l'incertitude. C'est ce modèle théorique solidement étayé de références internes et externes à la gestion qui a fondé la suite de ces travaux. L'essentiel de notre tâche a consisté à suivre dans la durée l'importance relative de ces quatre attitudes dans la littérature de contrôle de gestion. Pour ce faire, nous avons adopté une démarche lexicométrique associée à une analyse qualitative conventionnelle de dix manuels en langue française parus dans le domaine depuis la fin des années 1970 à la fin des années 1990. Cette étude a mis en évidence l'émergence - dans le vocabulaire comme dans les idéesd'un discours promouvant la réaction et la proaction, c'est à dire des attitudes plus actives et moins orientées vers la connaissance. Considéré au second degré, ce résultat souligne le passage d'une négation de l'incertitude à une acceptation active de cette dernière. Les conceptions identifiées dans cette recherche ne sont pas neutres : elles induisent par nature des comportements précis chez ceux qui les ont adoptées. La prospective et la rétrospection placent l'individu dans une situation de confiance par rapport à hier et à demain: il se livrera à l'acquisition d'information, parfois à l'immobilisme. La réaction et la proaction se posent plutôt comme les seuls palliatifs à l'incertain; ils engendrent ainsi une activité constante, voire un certain activisme, censés assurer l'entreprise contre l'imprévu. Produire du temps, c'est donc, indirectement et souvent inconsciemment, produire du contrôle. C'est ce que pratique, avant même les entreprises, la discipline de contrôle de gestion, telle que les manuels étudiés la conçoivent.

Identiferoai:union.ndltd.org:CCSD/oai:pastel.archives-ouvertes.fr:pastel-00918639
Date01 January 1998
CreatorsMeric, Jérôme
Source SetsCCSD theses-EN-ligne, France
LanguageFrench
Detected LanguageFrench
TypePhD thesis

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