Le volcan Kilauea, Hawaï, est probablement le système magmatique basaltique actif le plus étudié sur Terre, et représente donc un site privilégié pour l'étude des processus de solidification basaltique en milieu naturel. Une meilleure compréhension de la solidification magmatique est d'importance majeure dans le raffinement de modèles expliquant le dynamisme des chambres magmatiques, et son étude détaillée est susceptible de grandement améliorer notre connaissance de l'évolution globale des systèmes magmatiques. Dans ce contexte volcanique, les lacs de lave offrent une rare opportunité d'étudier directement la solidification magmatique et peuvent être considérés, en première approximation, comme des analogues superficiels de petites chambres magmatiques. Le but premier de ce doctorat est de déterminer et quantifier les principaux processus de solidification magmatiques à l'œuvre dans la genèse des basaltes tholéiitiques. Ce travail s'articule autour du minéral olivine comme composant central. Dans les deux premiers chapitres, l'approche est double, texture et géochimie, mais l'emphase porte sur l'aspect textural dont l'analyse de la distribution de la taille des cristaux (CSD) est la composante phare. Ce travail a été réalisé sur les laves produites par les éruptions de 1969-1974 (Mauna Ulu) et 1959 (Kilauea Iki) du volcan Kilauea. L'étude des coulées de lave produites par l'éruption du Mauna Ulu permet de mieux comprendre les processus actifs de solidification dans tout le système magmatique superficiel (la "tuyauterie") de l'édifice. L'étude du lac de lave Kilauea Iki renseigne quant à elle sur la solidification en système semi-fermé en sub-surface. Dans un dernier temps, il est question d'évaluer plus en détail l'influence de la déformation magmatique sur la structure interne des olivines, et de la quantifier, en utilisant une technique in situ récente de micro-diffraction des rayons X. Chacun des trois chapitres de cette thèse est un article publié ou destiné à la publication dans une revue scientifique internationale. L'article 1 présente les résultats en éléments majeurs et traces (roche totale), les compositions de l'olivine, et les CSDs de 11 échantillons de laves du Mauna Ulu. Les variations chimiques en roche totale sont interprétées comme étant partiellement produites par addition d'olivine dans le système magmatique. Les profiles CSD suggèrent qu'au moins deux populations d'olivines interviennent : (1) une population d'âges 3-40 ans, caractérisée par une faible densité de "gros" cristaux et des pentes CSD relativement faibles ; et (2) une population d'âges 1,5-15 ans, marquée par une forte densité de petits cristaux et des pentes CSD plus fortes. La gamme de compositions de l'olivine suggère que ces cristaux se sont formés à partir de magmas différents, probablement reliés par crystallisation fractionnée. La présence d'olivines déformées de toutes tailles couvrant la totalité de la gamme de compositions, montre que la population 1 provient principalement de la désintégration et assimilation d'un cumulat déformé. Cette population d'olivines représente un composant magmatique cumulatif précoce qui a subi du mûrissement textural. A l'inverse, la population 2 représente un composant magmatique tardif formé dans la région sommitale de stockage de magma. Nos résultats sont en accord avec l'hypothèse que ces deux composants magmatiques ont suivi deux trajets différents avant d'alimenter l'éruption du Mauna Ulu. Le magma contenant les olivines déformées aurait transité le long du décollement basal sous le Kilauea, puis remonté verticalement par des conduits de type "pipe" sous le rift du Mauna Ulu. Le magma contenant la plupart des olivines non déformées aurait quant à lui transité vers le réservoir sommital à travers le conduit magmatique principal, puis le long de la rift zone où les magmas se seraient finalement mélangés dans de petites chambres magmatiques satellites. La présence de fines zonalités inverses à la bordure de certains cristaux suggère que le mélange s'est fait juste avant l'éruption. L'article 2 présente les compositions et CSDs d'olivine provenant de scories et d'échantillons de forage (0-90 m de profondeur) du lac de lave Kilauea Iki. Trois populations d'olivines sont distinguées sur la base de leur composition en forstérite (Fo) : (1) une population riche en Fo (Fo85-88) ; (2) une population intermédiaire (Fo77-81) ; et (3) une population mineure appauvrie en Fo (Fo72-76). Les populations 1 et 2 sont composées à la fois de cristaux déformés et non déformés. La troisième population pourrait résulter d'une phase de recroissance tardive. Dans les 60 derniers mètres du lac, l'olivine est moins riche en Fo et la proportion de cristaux déformés augmente. Ces observations laissent penser à l'existence d'une stratification minéralogique et chimique verticale dans le lac de lave. L'analyse CSD a permis d'estimer les temps de résidence des olivines dans le magma, 1-60 ans, valeurs qui sont en accord avec les estimations préexistantes. Les CSDs sont globalement uniformes eu égard à la profondeur. Cependant, certaines caractéristiques spécifiques ressortent. Ainsi, les CSDs courbées sont considérées comme évidence de mélange de magmas ou de cristaux. L'inversion de pente aux petites tailles de la plupart des CSDs du lac de lave est interprétée comme résultant du mûrissement. Les résultats de la modélisation CSD suggèrent que la décantation / sédimentation des olivines et la convection à grande échelle ne sont pas significatives dans l'évolution du lac de lave. Enfin, la stratification verticale du lac peut être expliquée de différentes façons. Il peut s'agir d'une caractéristique originelle, résultat de la stratification de la chambre magmatique source. Cependant, plusieurs évidences montrent que le magma du lac a été fortement brassé pendant toute la durée de l'éruption ; cette première hypothèse n'est donc pas crédible. Le remplissage par la base du lac durant l'éruption serait une autre hypothèse à même d'expliquer cette stratification. Cependant, il nous manque encore de quoi définitivement valider cette théorie. L'article 3 présente l'analyse microstructurale in situ par micro-diffraction des rayons X (µXRD) d'olivines déformées et non déformées provenant d'une sélection d'échantillons préalablement étudiés dans les articles 1 et 2. Cette étude utilise une technique innovante, non destructive, peu coûteuse et rapide à mettre en œuvre permettant de recueillir des informations sur la structure interne des cristaux, ainsi que le mode et l'intensité de déformation. Les résultats ont permis de valider les observations pétrographiques de déformation faites à l'aide du microscope. Cette analyse µXRD a aussi permis de confirmer la présence de déformation pour toutes les tailles de grains d'olivine, sans corrélation simple avec leur chimie, et de quantifier cette déformation. Cette technique ne permet cependant pas une estimation simple des conditions pression-température de déformation ou de formation des cristaux, ni d'apporter d'informations sur l'histoire magmatique. Il a cependant été possible de fixer un seuil quantitatif au-delà duquel toute olivine est déformée de façon significative : full width at half maximum (FWHM) > 1°.
Identifer | oai:union.ndltd.org:CCSD/oai:tel.archives-ouvertes.fr:tel-00544904 |
Date | 16 August 2010 |
Creators | Vinet, Nicolas |
Source Sets | CCSD theses-EN-ligne, France |
Language | French |
Detected Language | French |
Type | PhD thesis |
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