L’Europe engendre des transformations majeures de l’État national, influence sa structure politique, sa conception de la démocratie et du droit, et produit des effets sur les rapports majorité minorités. Elle a pour effet d’éloigner l’État national du modèle traditionnel de l’État-Nation ethniquement ou culturellement homogène en l’amenant à reconnaître la pluralité de ses composantes nationales.
Ces mutations sont le résultat du processus même d’intégration communautaire et des politiques de régionalisation et de décentralisation que favorisent les institutions européennes. Soumis au double processus d’intégration supranationale et de désagrégation infranationale, l’État national se transforme. Son rapport avec les minorités, également.
L’Europe commande des aménagements de la diversité. Pour y arriver, elle impose un droit à la différence, lequel s’inscrit toujours dans la protection générale des droits de l’homme mais vise spécifiquement à reconnaître des droits identitaires ou poly ethniques aux personnes appartenant à des minorités, en tant que groupe, dans le but évident de les protéger contre la discrimination et l’intolérance. En faisant la promotion de ce droit à la différence, l’Europe propose un modèle alternatif à l’État-Nation traditionnel. La nation (majorité) peut désormais s’accommoder de la diversité. La nation n’est plus seulement politique, elle devient socioculturelle.
En faisant la promotion du principe de subsidiarité, l’Europe incite à la décentralisation et à la régionalisation. En proposant un droit de la différence, l’Union européenne favorise la mise au point de mécanismes institutionnels permanents où la négociation continue de la normativité juridique entre groupes différents est possible et où l’opportunité est donnée aux minorités de contribuer à la définition de cette normativité. Le pluralisme juridique engendré par la communautarisation reste par ailleurs fortement institutionnel. L’État communautarisé détient encore le monopole de la production du droit mais permet des aménagements institutionnels de l’espace public au sein d’un ensemble démocratique plus vaste, donc l’instauration d’un dialogue entre les différentes communautés qui le composent, ce qui aurait été impensable selon la théorie classique de l’État-nation, du droit moniste et monologique. Ainsi, assistons-nous à la transformation progressive dans les faits de l’État-nation en État multinational.
La question des minorités soulève un problème de fond : celui de l'organisation politique minoritaire. La volonté de respecter toutes les identités collectives, de donner un statut politique à toutes les minorités et de satisfaire toutes les revendications particularistes n’a pas de fin. L’État-Nation n’est certes pas le meilleur –ni le seul- modèle d’organisation politique. Mais l’État multinational constitue-t-il une alternative viable en tant que modèle d’organisation politique ? / The European Union provokes major transformations of the national state. It influences its political structure, its conception of democracy and of Law and it affects the majority-minority relations. It diverts the state from the traditional Nation-State model, ethnically and culturally homogenous, and makes it lean towards a pluralistic multinational state model.
These changes are the results of the European integration process and its politics of regionalization and decentralisation. Subjected to both the supranational integration and the infranational disintegration, the Nation-State transforms itself. So does its relation to its minorities.
By imposing the recognizance of a right to be different (droit à la difference), which is rooted in the individual protection of human rights, the European Union commands arrangements of the diversity. It allows the recognizance of identity and polyethnic rights to members of a minority and offers protection against discrimination and intolerance. Europe provides an alternative to the traditional Nation-State. From political, the nation becomes socio-cultural.
By promoting decentralization and regionalization, in application of the principle of subsidiarity, the European Union favours the recognizance of a right to difference (droit de la difference) which permits the institutionalization of minorities and the creation of permanent mechanisms, where the minorities can participate to the public life and contribute to the elaboration of the norms that will apply to them. Legal pluralism engendered by the European Union is however very strongly institutionalized. The national state still holds the monopole of the production of law although it allows institutional arrangements within the public sphere and the instauration of a dialogue between the various communities that compose the state. Such a situation is not conceivable under the traditional theory of the Nation-State and its monist and monological conception of the Law. Slowly, under the pressure of the European Union, the national state tends towards the multinational model of political organization.
The question of minorities raises a fundamental problem: the political organization of minorities. The will to respect all collective identities, to provide a political status to all minorities and to satisfy all their claims is endless. The Nation-State is surely not the best nor the only model of political organization for a state. But, is the multinational state a viable alternative?
Key words: minorities, right to be different, right to difference, legal pluralism, multinational state, Nation-State, European Union, liberalism, communitarism
Identifer | oai:union.ndltd.org:umontreal.ca/oai:papyrus.bib.umontreal.ca:1866/8894 |
Date | 11 1900 |
Creators | Giroux, Marie-Hélène |
Contributors | Rolland, Louise, Crépeau, François |
Source Sets | Université de Montréal |
Language | French |
Detected Language | French |
Type | Thèse ou Mémoire numérique / Electronic Thesis or Dissertation |
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