Cette thèse porte sur l’étude des fondements de l’action de dirigeants de grandes entreprises au Québec. Ces dirigeants ont en commun d’avoir assumé cette fonction pendant plus de vingt ans, d’être tous très reconnus par la communauté d’affaires québécoise et de faire partie de la même génération, celle des premiers nés du baby- boom. Cette thèse appréhende les fondements de l’action de ces dirigeants à partir de trois différentes voies de connaissance : réflexivité, intériorité et gouvernementalité. L’approche réflexive implique d’adopter un cadre analytique plus cognitif et opère un retour sur l’action. L’approche de l’intériorité fait appel à cadre d’analyse des affects et consiste en un travail d’interprétation de la vie intérieure. Enfin, l’approche de la gouvernementalité conduit à analyser le fondement du pouvoir du dirigeant, et conduit à explorer la place de l’éthique dans la gouvernance managériale.
Le premier article vise à faire ressortir comment les dimensions conscientes et inconscientes de l’intériorité d’un dirigeant sont au fondement de son action. Le regard réflexif partant de ces valeurs chrétiennes, humanistes, a permis l’établissement d’une solide relation de confiance entre les employés et la direction. Il montre également comment des mécanismes de défense passant par la sublimation de pulsions agressives en hyperactivité ont permis au dirigeant de trouver des moyens créatifs de nier la douleur ressentie et de mener des projets constructifs à long terme. C’est en ce double sens que l’intériorité peut être vue comme un fondement de l’action dirigeante.
Le deuxième article cherche à faire la lumière sur les fondements de l’action du dirigeant à partir d’une étude comparative de modes de direction portant sur une responsabilité spécifique définie ici comme « fonction paternelle ». L’étude analyse un contraste important entre les deux groupes étudiés. D’une part, en l’absence de cette fonction paternelle, le dirigeant obtient peu de légitimité et de crédibilité et la vie du groupe est marquée par des rapports conflictuels, immatures avec la présence d’un langage non professionnel, voire vulgaire. D’autre part dans le cas de la présence de cette dimension paternelle, le dirigeant obtient respect et légitimité, ce qui se traduit par une vie de groupe basée sur des rapports de collaboration, d’une capacité de discussion et de résolutions de problèmes, bref un épanouissement des personnes dans le groupe. Cette responsabilité bien assumée de la part du dirigeant de la fonction paternelle rend possible un travail de sublimation des pulsions agressives –
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sexuelles – permettant le développement d’une expérience partagée et constructive (passage de la groupalité psychique individuelle à groupale). Le travail de sublimation, d’élaboration devient possible par l’établissement de règles, de limites bien tenues par un dirigeant assumant ses responsabilités de gardien-protecteur, de guide. C’est pourquoi que l’on peut considérer la fonction paternelle comme fondement de l’action.
Le troisième article a pour objet d’analyse la constitution morale du dirigeant, soit les règles qu’il se donne pour vivre une conduite éthique par des techniques de soi. La constitution morale rend possible une meilleure maitrise des appétits, des désirs égoïstes et de ce fait, permet une gouvernance de soi rendant possible une judicieuse gouvernance des autres. L’étude propose d’analyser le discours de ces dirigeants comme fondé par une double logique, l’une liée aux affaires et l’autre à la direction des personnes. L’article montre que les dirigeants sont le produit d’une époque et d’une culture bref, d’un mode de subjectivation bien spécifique. Plus précisément, nous montrons que ces dirigeants partagent des principes et valeurs fondamentaux, par exemple du dire vrai et de la cohérence entre actes et paroles ainsi que des notions de sollicitude, de reconnaissance et de transparence. Par ailleurs, le rapport entre le sujet-dirigeant et son objet, ceux et celles qu’il dirige, apparaît sous la dynamique du rapport savoir-pouvoir. La complexification de cette dynamique amène parfois un détournement de la règle éthique même jusqu’à la travestir. Cette étude montre bien que le rapport savoir-pouvoir peut être considéré comme fondement de l’action du dirigeant dans son métier de diriger.
En conclusion, les résultats de l’étude sur les fondements de l’action – « éléments essentiels » liés au savoir imbriqué dans l’action – témoignent d’un changement de paradigme, c’est-à-dire à une remise en question du dirigeant comme référent de l’action, pour une prise en compte de la fonction de diriger solidement légitimée dans un système organisé. / This thesis focuses on the study of the foundations of the action of large companies’ leaders in Quebec. These leaders have in common that they have assumed this role for over twenty years, are all highly recognized by the Quebec business community and are part of the same generation, that of the first-borns of the baby boom. This thesis apprehends the foundations of the action of these leaders from three different knowledge paths: reflexivity, interiority and governmentality. The reflective approach involves adopting a more cognitive analytical framework and provides feedback on action. The interiority approach calls on an affect analysis framework and consists of a work of interpretation of the interior life. Finally, the governmentality approach leads to an analysis of the basis of the leader's power and leads to the exploration of the place of ethics in managerial governance.
The first article aims to bring out how the conscious and unconscious dimensions of a leader's interiority are at the basis of his action. The reflective gaze, based on these Christian and humanist values, allowed the establishment of a solid relationship of trust between employees and management. It also shows how defense mechanisms through the sublimation of aggressive overactive impulses allowed the leader to find creative ways to deny the pain felt and to lead constructive long-term projects. It is in this double sense that interiority can be seen as a foundation of leading action.
The second article seeks to shed light on the foundations of the leader's action from a comparative study of management methods relating to a specific responsibility defined here as "paternal function". The study analyzes an important contrast between the two groups studied. On the one hand, in the absence of this paternal function, the leader obtains little legitimacy and credibility and the life of the group is marked by conflicting, immature relationships with the presence of an unprofessional, even vulgar language. On the other hand, in the case of the presence of this paternal dimension, the leader obtains respect and legitimacy, which translates into a group life based on collaborative relationships, a capacity for discussion and problem solving; in short, a development of the people in the group. This well- assumed responsibility on the part of the leader of the paternal function makes possible a work of sublimation of the aggressive - sexual - impulses allowing the development of a shared and constructive experience (transition from the individual psychic groupality to the group). The work of sublimation, of elaboration becomes possible by the establishment of rules, of well-kept limits by a leader assuming his
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responsibilities as guardian-protector, guide. This is why we can consider the paternal function as the basis of action.
The third article has for object of analysis the moral constitution of the leader, that is to say the rules which he gives himself to live an ethical conduct by techniques of oneself. The moral constitution makes possible a better control of appetites, egoistic desires and suddenly, allows self-governance making possible a judicious governance of others. The study proposes to analyze the discourse of these leaders as founded by a double logic, one related to business and the other to the management of people. The article shows that leaders are the product of an epoch and a brief culture, of a very specific mode of subjectivation. More precisely, we show that these leaders share fundamental principles and values, for example telling the truth and consistency between deeds and words as well as notions of concern, recognition and transparency. In addition, the relationship between the subject-leader and his object, those he directs, appears under the dynamics of the knowledge-power relationship. The increasing complexity of this dynamic sometimes leads to a diversion of the ethical rule even to the point of disguising it. This study clearly shows that the knowledge-power relationship can be considered as the basis of the leader's action in his leadership profession.
In conclusion, the results of the study on the foundations of action - “essential elements” linked to the knowledge embedded in action - bear witness to a change of paradigm, that is to say to a questioning of the leader as a referent for action, to take into account the function of leading firmly legitimized in an organized system.
Identifer | oai:union.ndltd.org:umontreal.ca/oai:papyrus.bib.umontreal.ca:1866/26240 |
Date | 01 1900 |
Creators | Robichaud, Alain |
Contributors | Moulin, Stéphane |
Source Sets | Université de Montréal |
Language | fra |
Detected Language | French |
Type | thesis, thèse |
Format | application/pdf |
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