Aujourd’hui, la valeur symbolique de la notion de « sécurité » atteint un point tel que seule l’idée de s’y opposer nous apparaît instinctivement absurde. De plus en plus, la poursuite de la sécurité sert de justification à une diversité impressionnante de pratiques et de domaines de la vie sociale. Cette expansion récente du « langage de la sécurité » fait de la sécurité une notion fondamentalement polysémique et par le fait même, un concept de plus en plus élastique et récupérable politiquement par ceux qui voudraient en profiter. Dans un contexte où le pouvoir symbolique du langage de la sécurité est tel que le simple fait de l’invoquer dans la promotion d’une mesure politique suscite à tout le moins une ouverture hors du commun chez l’électorat, il devient crucial d’élucider et de comprendre ce qui est entendu et sous-entendu par ce qu’est la sécurité pour les acteurs politiques qui à la fois la promeuvent et témoignent de leur désir de l’accroître. S’inspirant des préceptes de l’outil analytique de la gouvernementalité, notre étude vise à identifier les philosophies qui guident plus spécifiquement les discours politiques canadiens dans les discussions menant à la mise en place de législations en matière de sécurité publique. Pour ce faire, nous réalisons une analyse qualitative comparative en prenant comme sources de données les verbatim de discussions, débats politiques et textes législatifs menant à la mise en place de quatre projets de loi fédéraux distincts, projets de loi dont les textes sont également analysés. Si le dénominateur commun entre les projets de loi renvoie au fait que chacun vise à accroître la sécurité du public, deux d’entre eux — le projet de loi C-14 (2014) portant sur la non-responsabilité criminelle ainsi que le projet de loi C-36 (2001) portant sur le terrorisme — concernent de plus près la sphère de la politique criminelle alors que les deux autres — le projet de loi C-36 (2010) portant sur la sécurité des produits de consommation et projet de loi C-12 (2000) portant sur la santé et la sécurité au travail — touchent plutôt celle de la santé publique. En comparant les résultats des analyses individuelles de chaque cas, l’objectif ultime est d’identifier, s’il y a lieu, des philosophies qui les traversent tous. À ce chapitre, notre analyse montre entre autres en quoi deux philosophies, soit celle de la « gestion préventive des risques » et celle de la « précaution » orientent considérablement les discours politiques dans chacun des terrains d’enquête étudiés. Partant de là, nous avançons l’idée que de fournir de la sécurité de nos jours équivaut surtout à gouverner le futur, c’est-à-dire prévenir non seulement sur base des savoirs relativement sûrs du présent, mais aussi sur base des pires projections de notre fertile imagination. En conclusion, nous situons cette idée de gouvernance du futur dans le contexte plus large de l’expansion du langage de la sécurité pour ensuite en soulever les pièges, surtout lorsque ces tendances sont laissées à elles-mêmes. Partant de là, nous dégageons certaines pistes de solution afin justement d’éviter ces pièges.
Identifer | oai:union.ndltd.org:uottawa.ca/oai:ruor.uottawa.ca:10393/37931 |
Date | 27 July 2018 |
Creators | Laurin, Patrick |
Contributors | Cauchie, Jean-François |
Publisher | Université d'Ottawa / University of Ottawa |
Source Sets | Université d’Ottawa |
Language | French |
Detected Language | French |
Type | Thesis |
Format | application/pdf |
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