À une époque où les conditions matérielles de l’existence différaient profondément de celles qui sont aujourd’hui les nôtres, quel était l’impact des variations saisonnières de températures sur les individus et sur la société ? Comment les hommes et les femmes du passé enduraient-ils le froid de l’hiver et tentaient-ils de s’en préserver ? Quelle était l’efficience des moyens mis en œuvre pour lutter contre le froid et quelles pouvaient être les températures qui régnaient l’hiver à l’intérieur des habitations ? À la suite des intuitions pionnières de Lucien Febvre ou de Robert Mandrou, ce travail, à la croisée de l’histoire du corps et de celle des sensibilités, tente de de retracer la généalogie de notre rapport sensible au monde. La première partie de la thèse, après avoir évoqué les apports et les limites des différents types de sources dépouillées, est consacrée à étudier la manière dont les fluctuations de températures sont perçues, notées et pensées à des époques où le froid et la chaleur sont davantage des expériences sensibles que des grandeurs physiques mesurables. On y étudie aussi la manière dont les vagues de froid impactent, plus qu’aujourd’hui, la vie quotidienne et posent aux individus et à la société d’insolubles difficultés. En s’interrogeant sur la figure récurrente du “grand hiver”, on en vient à montrer que ces descriptions d’hivers rigoureux révèlent tout autant une réalité climatique objective qu’une extrême vulnérabilité des sociétés anciennes face au froid. La seconde partie centrée autour de la question de la civilisation matérielle tente de retracer les différentes stratégies mises en œuvre pour lutter contre les assauts de l’hiver. On y étudie ainsi la place et le rôle de la cheminée dans l’habitation ainsi que la manière dont elle constitue un trait de civilisation qui conditionne des manières d’habiter et des attitudes corporelles qui n’échappent pas au processus de civilisation. Les médiocres performances calorifiques de la cheminée expliquent le recours nécessaire à des sources de chaleur portatives et la mise en place de multiples stratégies de lutte contre le froid qui varient en fonction des régions et des milieux sociaux. La France préindustrielle apparaît ainsi comme un monde de l’économie permanente et de la chaleur rare où le souci constant de l’économie du combustible explique la cohabitation recherchée avec les bêtes, l’entassement des corps dénoncés par les médecins des Lumières et l’existence de certaines formes de sociabilité. En essayant de reconstituer la cohérence d’un système et d’habitus aujourd’hui disparus, on est naturellement amené, dans une troisième partie, à poser la question de la sensibilité — au sens physiologique mais aussi social du terme — au froid et à la chaleur ainsi que celle de son évolution. Dans un essai d’archéologie du corps, on tente de reconstituer les climats intérieurs des habitations d’autrefois en s’efforçant de déterminer les températures de confort. L’accoutumance à des températures intérieures relativement basses au regard de nos exigences actuelles amène à souligner le caractère socialement et culturellement construit des seuils de tolérance et à interroger le rapport à l’inconfort et à la douleur puisque le froid, s’il est enduré, n’en provoque pas moins souffrances et lésions corporelles. En étudiant les cheminements sinueux de la réflexion technique relative à la question du chauffage qui se développe au cours du XVIIIe siècle, on est aussi amené à s’interroger sur les interactions complexes entre la société, les évolutions scientifiques et technologiques et l’évolution des seuils de tolérance individuels et sociaux au froid et à la chaleur. Le XVIIIe siècle apparaît ainsi comme un siècle charnière où s’exprime pour la première fois ouvertement une demande sociale de chaleur (condamnée par les moralistes et les médecins) qui préfigure notre besoin insatiable de confort..... / At the time when material conditions in our existence deeply differed from those we know nowadays, what was the impact of the change in the seasonal temperatures on the individuals and society? How did the men and women of the past endured winter cold and how did they strive to protect themselves from it? How efficient were the means used to fight the cold and what could the indoor temperatures be in winter? After the first intuitions sensed by Lucien Febvre and Robert Mandrou, this work, at the crossroads of the history of the body and that of sensitivity, tries to trace out the genealogy of our sensitive relation to the world. After mentioning the contributions and the limits found in various types of studied sources, the first part of this dissertation is devoted to the way the change in temperatures were perceived, noted or thought at a time when cold and heat were more perceptible experiences than measurable physical quantities. It also deals with the way the cold spells affected daily life and that more than today troubled both the individuals and society with unsolvable difficulties. Wondering about the recurring figure of the “great winter”, it shows that those descriptions of harsh winters revealed a climatic reality as much as the old societies’ extreme vulnerability to the cold. The second part revolving around the question of the material civilization tries to recount the different strategies used to fight the onslaught of winter weather. Thus it studies the role and importance of fire places in homes as well as the way it brought a feature of civilization which changed both the living conditions and the physical attitudes that were implied in the process of civilization. The poor calorific value of fire places explained the necessary resort to mobile heating sources and the establishment of numerous strategies to fight the cold, which changed according to the regions and the social standing. Thus, Preindustrial France was understood as a world of permanent economy and of scarce heat where the constant question of the combustible material economy could explain the importance of living with cattle, of overcrowded places - denounced by the doctors in the Age of Enlightenment - and the existence of certain forms of social skills. Trying to recreate the coherence of a system and habitus that have disappeared today, a third part naturally raises the question of sensitivity – in the physiological but also social meaning of the term – to cold and heat and its evolutions. In an essay on the archeology of the body, we tried to recreate the conditions inside the dwellings of the past, in an effort to determine the comfort temperature. The compliance with relatively low indoor temperatures regarding our current demands led us to underline that our capacity to acceptance had been culturally and socially built up and to question our relation to discomfort and pain since the cold, even though it was supported, entailed suffering and physical damage. Pondering over the technical reflection to the heating issue that had developed throughout the 18th century, we were led to go over the complexity of the interaction between society, scientific and technologic evolution and the individual and social acceptance to the cold and heat. The 18th century seemed to be the turning point where for the first time a social demand for heat had been overtly expressed (though condemned by both moralists and doctors) which heralded our unquenchable need for comfort. The expression for that social demand did not necessarily mean that it would be universally satisfied. Consequently, the old thermal regime would be lasting beyond this studied period…
Identifer | oai:union.ndltd.org:theses.fr/2016LYSE2098 |
Date | 07 October 2016 |
Creators | Jandot, Olivier |
Contributors | Lyon, Gutton, Jean-Pierre |
Source Sets | Dépôt national des thèses électroniques françaises |
Language | French |
Detected Language | French |
Type | Electronic Thesis or Dissertation, Text |
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