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Carl Schmitt, l'Europe et la démocratie universelle. La question d'une Europe schmittienne et son impact sur le débat français actuel autour de la construction européenne.

Dans notre thèse de doctorat, nous avons cherché à tester l’hypothèse selon laquelle l’enjeu européen constituerait, en France, l’épicentre d’une « actualisation » — pour partie assumée, pour partie occultée — de la pensée du juriste allemand Carl Schmitt. Les réflexions politico-philosophiques de Schmitt représentent en soi un assemblage rhétorique et systématique puissant, aisément mobilisable dans le cadre des débats théoriques sur la construction européenne, afin de battre en brèche les affirmations néo-cosmopolitiques, que l’on soit de droite ou de gauche. Il s’est agi, pour nous, de vérifier jusqu’à quel point la pensée politique du juriste se retrouvait « recyclée » dans le débat français contemporain relatif à l’idée d’Europe. Était ainsi ouverte l’opportunité d’évaluer, de manière systématique, la facticité ou la pertinence d’une antinomie : une Europe schmittienne contre une Europe kantienne. Dans un premier temps, nous avons tâché de reconstruire ce que fut la position schmittienne concernant la gestion de l’espace européen, avant d’évaluer, dans un second temps, l’impact causé par une telle pensée sur les réflexions qui animent le débat français contemporain.
La première partie de la thèse visait à rendre compte de la vision schmittienne de l’Europe. Schmitt a pensé la décision politique en des termes statonationaux : l’ordre juridique étatique serait modelé sur la base de la nature axiologique et culturelle de l’amitié politique, de la communauté des citoyens soudés par un seul et même critère d’appartenance, souvent religieux ; critère qui précéderait la nationalité et la réalisation « politique ». Il s’ensuit que l’ordre mondial ne peut se présenter que sous la forme d’un pluriversum d’États, animés dans leurs relations mutuelles par la dynamique de l’ami et de l’ennemi. Le libéralisme et le pluralisme provoqueraient des regroupements fonctionnels, dont le pan-européisme serait l’une des manifestations les plus visibles, à l’origine d’un sapement du politique et de l’unité souveraine de l’État. Quatre points analytiques permettent d’expliquer l’appréhension schmittienne de la gestion juridico-politique du Vieux Continent : l’indissociabilité du couple conceptuel État-politique, l’idée que la nation demeure l’horizon indépassable de la démocratie, la critique de la notion d’humanité et de toute morale universelle, et l’idée que le droit serait nécessairement d’origine politique, donc particulariste.
En France, l’intérêt pour l’œuvre de Schmitt s’est largement accru ces dernières années. Le débat théorique actuel autour du problème de la construction européenne offre d’ailleurs une place particulière à la réactivation de l’argumentaire schmittien statocentré, antilibéral et culturaliste. À gauche comme à droite de l’échiquier politique, intellectuels et philosophes mobilisent raisonnements et schémas discursifs, tantôt réclamés de Schmitt, tantôt très proches des arguments du juriste de Plettenberg. En passant en revue les réflexions d’auteurs aussi différents qu’Étienne Balibar et Pierre Manent, Alain de Benoist et Marcel Gauchet, Daniel Bensaïd et Pierre-André Taguieff, nous avons tenté d’approcher et de rendre compte de la pluralité des emprunts à la pensée de Schmitt et à son appréhension de l’ordre européen, dans le cadre des discussions françaises relatives à l’intégration régionale européenne. Chez certains de ces auteurs, la construction européenne apparaît comme la manifestation avancée d’un phénomène général de dilution du politique. Autrement dit, elle incarnerait un idéal de société qui ramène le politique au niveau du marché. Pour d’autres, Carl Schmitt aurait diagnostiqué mieux que quiconque la mort du droit des gens européen et les travers de l’universalisme abstrait que brandirait l’Union européenne en expansion. Par ailleurs, la théorisation schmittienne de la souveraineté constituerait une référence incontournable pour éclairer les thématiques actuelles relatives à une mutation des niveaux de pouvoir.

Identiferoai:union.ndltd.org:BICfB/oai:ulb.ac.be:ETDULB:ULBetd-05022011-170827
Date10 May 2011
CreatorsStorme, Tristan TSJR
ContributorsÉtienne Balibar, Olivier Beaud, Mario Telo, Justine Lacroix, Jean-Marc Ferry, Barbara Delcourt
PublisherUniversite Libre de Bruxelles
Source SetsBibliothèque interuniversitaire de la Communauté française de Belgique
LanguageFrench
Detected LanguageFrench
Typetext
Formatapplication/pdf
Sourcehttp://theses.ulb.ac.be/ETD-db/collection/available/ULBetd-05022011-170827/
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