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Le passif en langue des signes

Dans le cadre de la grammaire générative (Chomsky 1981), le passif s'explique par un mouvement entre la structure profonde et la structure de surface : la morphologie passive absorbe le rôle thématique du sujet et l'assignation d'un cas accusatif, ce qui provoque le mouvement de l'argument interne. Dans le cadre de la grammaire cognitive, les propriétés du passif consistent notamment à retourner le point de repère et la trajectoire (Langacker). Nous avons retenu la définition qui le caractérise en tant que démotion du sujet sémantique (du premier argument du verbe), ou, selon la formulation de C. Muller : « reléguer au rang de relation facultative de dernier rang la relation prédicative du premier argument au verbe, avec ou sans modification (temporelle, aspectuelle) dans la sémantique du verbe » (2002 : 227). Précisant les limites de notre objet d'étude, nous avons distingué la langue des signes d'un côté du français signé, et de l'autre des gestes co-verbaux. Le français signé est un pidgin, parfois une interlangue, que certaines études linguistiques confondent avec la langue des signes. Parmi les traits qui les différencient, celle-ci s'appuie sur une logique visuelle que le français signé ne respecte pas. L'iconicité n'est pas elle- même une langue, mais elle est modelée par des processus linguistiques et se trouve à la source de nombre de phénomènes (morphologiques, syntaxiques, pragmatiques) caractérisant la langue des signes. D'autre part, contrairement aux signes de grande iconicité, les gestes co-verbaux n'ont pas l'indépendance qui leur permet d'être clairs et complets, car ils ne sont pas passés au crible d'un traitement linguistique. L'iconicité est au cœur de la grammaire développée par Christian Cuxac, grammaire qui peut être appréhendée en terme d'ekphrasis. Nous avons retenu deux critères pour caractériser le passif en langue des signes : pour les énoncés en transfert personnel comportant un verbe transitif, la démotion du sujet est marquée par la prise de rôle du patient (l'agent étant absent ou mis au second plan) ; pour les énoncés hors transfert personnel, elle est marquée par la non attribution de l'emplacement de l'agent ou son attribution dans un second temps, éventuellement introduite par un terme relateur. C'est ainsi, par exemple, que l'on peut distinguer passif et impératif, ou passif et impersonnel. Nous avons également proposé de distinguer passif et inverse, le passif mettant au second plan l'agent, l'inverse changeant le point de vue sans changer de focale. Le passif peut se combiner avec d'autres structures pour former des constructions complexes. Cette description du passif peut trouver place dans le cadre d'une grammaire de l'iconicité. Elle peut être plus difficilement retenue dans le cadre des analyses génératives : celles-ci manquent encore d'outils adaptés à une langue en trois dimensions, mettant en jeu des phénomènes comme les transferts, la simultanéité ou la spatialisation.

Identiferoai:union.ndltd.org:CCSD/oai:tel.archives-ouvertes.fr:tel-00423884
Date13 December 2006
CreatorsGuitteny, Pierre
PublisherUniversité Michel de Montaigne - Bordeaux III
Source SetsCCSD theses-EN-ligne, France
LanguageFrench
Detected LanguageFrench
TypePhD thesis

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