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Déglaciation et dynamiques morpho-sédimentaires des systèmes juxtaglaciaires : exemple de la marge orientale de l'Inlandsis laurentidien depuis le Dernier maximum glaciaire

Thèse en cotutelle : Université Laval, Québec, Canada et Université de Strasbourg, Strasbourg, France. / La reconstitution des paléo-inlandsis constitue un élément majeur de la compréhension des dynamiques glaciaires puisque leur comportement peut être analogue à celui des inlandsis modernes. L'Inlandsis laurentidien, en Amérique du Nord, était le plus grand inlandsis de l'hémisphère nord au cours du dernier cycle glaciaire. Les effets de sa disparition sur le climat régional et les changements du niveau marin global au cours de la déglaciation sont sans équivoque. Cependant, sa caractérisation est aussi pertinente pour l'étude du climat global en raison du rôle critique que les inlandsis jouent dans les multiples rétroactions gouvernant le système climatique. Il est donc crucial de mieux comprendre les interactions entre les anciens inlandsis et les changements climatiques afin de prédire les taux de fonte des calottes glaciaires actuelles et leur contribution à la hausse du niveau marin global. Toutefois, plusieurs interrogations subsistent concernant l'extension maximale et les patrons de déglaciation de la marge orientale de l'Inlandsis laurentidien au cours de la dernière glaciation ; sa reconstruction demeure parfois controversée et différents modèles ont été proposés. Une chronologie précise des fluctuations glaciaires de ce secteur est déterminante pour établir une reconstruction paléoglaciologique fiable à l'échelle de l'inlandsis. Il est utile de cibler différents secteurs présentant des caractéristiques différentes, telles que la topographie et l'influence des variations eustatiques, afin de préciser leurs effets sur la dynamique de retrait glaciaire. L'acquisition de données géophysiques et géologiques dans le système de fjord-auge glaciaire de Clyde a permis d'identifier des formes glaciaires et des assemblages sédimentaires qui nous renseignent sur l'étendue maximale de l'Inlandsis laurentidien dans le secteur et de définir les facteurs contrôlant son retrait. Nos résultats montrent que, pendant le Dernier maximum glaciaire, la marge de l'Inlandsis laurentidien s'étendait à quelques kilomètres de la limite du plateau continental. Les données bathymétriques révèlent aussi un vaste système de moraines s'étendant le long de la pente continentale au large de l'île de Baffin, indépendamment des glaciers ancrés sur le plateau continental. Ces données démontrent qu'une plate-forme de glace flottante (ice shelf) d'environ 500 mètres d'épaisseur couvrait le nord de la Baie de Baffin au cours du dernier épisode glaciaire. L'importance glaciologique des plates-formes de glace est relativement bien établie pour la stabilité des inlandsis modernes. En comparaison, les anciennes platesformes de glace flottantes de l'Arctique sont peu documentées et leur rôle dans la stabilité des anciens inlandsis reste peu connu. L'existence d'une plate-forme de glace flottante dans la baie de Baffin au cours du dernier épisode glaciaire avait auparavant été suggérée et débattue, mais cette hypothèse était restée peu concluante en raison de l'absence de données convaincantes. Nos résultats démontrent que cette plate-forme de glace flottante a eu un impact important sur la stabilité de nombreux courants de glace qui drainaient l'intérieur des inlandsis laurentidien, innuitien et groenlandais. Sa disparition a probablement conduit à la déstabilisation et à la réorganisation des flux de glace tributaires de ces trois inlandsis. La déglaciation de l'auge de Clyde a quant à elle été marquée par la désintégration initiale du front glaciaire il y a 16 500 ans, suivie d'un lent retrait et de stabilisations qui ont conduit au dépôt de moraines de récession mineures et de lignes d'ancrage majeures, à l'origine de prismes de zone d'ancrage (grounding-zone wedge - GZW), moraines terminales et bancs morainiques. Le retrait de la marge glaciaire à l'intérieur du fjord a quant à lui été plus rapide, mais tout de même marqué par de nombreuses stabilisations intermédiaires. Nos résultats ont permis de démontrer que les stabilisations majeures observées dans le système fjord-auge glaciaire de Clyde coïncident avec des événements de refroidissement climatique important, tels que le Dryas récent (12 900-11 700 ans BP) et les intervalles de chute abrupte de la température enregistrés au début de l'Holocène (11 700-8200 ans BP). La bathymétrie et la hausse du niveau marin global ont pour leur part influencé les taux de retrait, qui sont plus élevés en périodes de hausse marquée du niveau marin et lorsque le front glaciaire se retire dans de plus importantes profondeurs d'eau. Les lignes d'ancrage observées aux endroits où il y a des hauts bathymétriques et des rétrécissements de la largeur du fjord indiquent également que la position des stabilisations de la marge glaciaire a été influencé par la topographie. La reconstruction de la déglaciation du système fjord-auge glaciaire de Clyde permet de définir un modèle qui peut être applicable à des systèmes similaires du nord-est de l'île de Baffin, en particulier sur le plateau continental où des lacunes chronologiques subsistent. L'identification de systèmes morainiques et la datation par exposition des nucléides cosmogéniques ont permis d'analyser le retrait de la marge glaciaire dans l'est du Québec-Labrador. Nos résultats révèlent que l'Inlandsis laurentidien s'est déconnecté de la calotte glaciaire de Terre-Neuve il y a environ 14 000 ans. Les échantillons prélevés sur les blocs morainiques indiquent également la présence de cinq stades majeurs de stabilisation et/ou de réavancé de la marge de l'Inlandsis laurentidien il y a ~12 900, ~11 500, ~10 300, ~9300 et ~8400-8200 ans. L'âge de ces stabilisations glaciaires révèlent une forte sensibilité du dôme du Québec-Labrador aux changements de températures dans l'hémisphère nord, coïncidant avec les refroidissements brusques enregistrés dans les carottes de glace du Groenland. Ces observations soutiennent l'idée d'un mécanisme de rétroaction négative induit par les forçages d'eau de fonte dans l'océan Atlantique Nord qui, à son tour, a provoqué des inversions des températures pendant le Dryas récent et au début de l'Holocène. Enfin, l'analyse de la morphostratigraphie de la vallée inférieure de la rivière Churchill démontre qu'elle est caractérisée par une succession sédimentaire déposée en régression forcée induit par le rebond glacio-isostatique et la baisse du niveau matin relatif, allant des sédiments de contact glaciaire aux assemblages côtiers tardi- à post-glaciaires. Nos résultats révèlent que la déglaciation, à partir d'environ 8400 ans, a contribué au remplissage initial de la vallée inférieure de la rivière Churchill par des sédiments deltaïques proglaciaires. L'incision fluviale a commencé il y a environ 7600 ans lorsque le système a été déconnecté de sa source de sédiments à la suite du retrait de la marge glaciaire hors du bassin versant de la rivière Churchill, au-delà du lac Winokapau. Cette évolution a mené au profil en escalier de la progradation deltaïque. Des terrasses fluviales se sont ensuite développées à intervalles irréguliers au cours de l'Holocène, enregistrant la chute rapide du niveau marin relatif. Des datations par luminescence stimulé optiquement et radiocarbones ont permis de dater la formation de terrasses à ~6700 (50 m), ~5300 (33 m), ~3700 (16 m) et ~3000 ans (10 m). Nos résultats permettent de mieux comprendre le retrait de la marge glaciaire à travers le bassin versant, ainsi que l'interaction entre les apports sédimentaires, le rebond glacio-isostatique et les environnements de dépôt. L'ensemble des résultats présentés dans cette thèse permet une couverture temporelle quasi intégrale de la dernière déglaciation pour la partie orientale de l'Inlandsis laurentidien, depuis sa couverture maximale et le retrait initial de la plate-forme de glace flottante au large de Clyde Inlet jusqu'à sa désintégration terrestre enregistrée par le système fluvio-deltaïque de la rivière Churchill à l'Holocène. Ils permettent aussi de préciser l'historique glaciaire de deux secteurs présentant des différences physiographiques et géographiques importantes et, ainsi, de discuter dans le chapitre de conclusion de l'influence relative de facteurs externes aux inlandsis (forçages climatiques ; rôle des topographies héritées ; changements du niveau marin global) sur les dynamiques de déglaciation et leur archives morphostratigraphiques.

Identiferoai:union.ndltd.org:LAVAL/oai:https://corpus.ulaval.ca:20.500.11794/101385
Date29 September 2022
CreatorsCouette, Pierre-Olivier
ContributorsLajeunesse, Patrick, Ghienne, Jean-François
Source SetsUniversité Laval
LanguageFrench
Detected LanguageFrench
TypeCOAR1_1::Texte::Thèse::Thèse de doctorat
Format1 ressource en ligne (xx, 216 pages), application/pdf

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