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De l’individu à la population : dynamique éco-évolutive et effets cohorte chez le mouflon d’Amérique

Une bonne compréhension des facteurs influençant la dynamique de population est cruciale aussi bien en gestion des espèces invasives qu’en conservation des espèces en déclin. Les modèles classiques de dynamique de population sont basés sur la notion de densité dépendance et font souvent la supposition que la population est homogène. Cette supposition est rarement vraie. Les modèles structurés par âge sont une amélioration et considèrent les différences en âge entre individus ; pourtant la différence en âge n’est pas la seule différence individuelle qui est importante. Très peu de modèles considèrent d’autres sources de différences. L’objectif principal de cette thèse est donc d’explorer les causes et conséquences de trois sources de différences entre individus : les différences en génotype, les différences en phénotype et les différences entre cohortes. Pour ce faire, la population de mouflon d’Amérique (Ovis canadensis) de Ram Mountain, Alberta, Canada, est utilisée comme modèle d’étude. Cette population est suivie individuellement depuis plus de 40 ans et des informations aussi bien phénotypiques que génotypiques sont disponibles pour la grande majorité des individus.

La chasse au trophée peut imposer de fortes pressions sélectives sur certains traits et peut conduire à des changements évolutifs si ces traits sont héritables. Les effets anthropiques sur l’évolution dans la nature sont d’un grand intérêt pour la biologie de l’évolution et de la conservation parce que les pressions sélectives exercées par l’homme peuvent être plus fortes que celles imposées par les prédateurs naturels. Bien qu’il existe de nombreux exemples de changements phénotypiques induits par l’homme dans les populations de poissons exploités, très peu d’études ont les données nécessaires pour tester les changements génétiques liés aux récoltes chez les mammifères. J’ai utilisé de nouvelles méthodes statistiques combinant une généalogie profonde, des mesures morphologiques répétées et un changement des règlements de chasse pour montrer que l’évolution d’un trait morphologique ciblé par la chasse au trophée est possible (Chapitre 2).

Contrairement à ce qui a longtemps été supposé, les changements évolutifs peuvent survenir relativement rapidement. Ces changements rapides en phénotype ont le potentiel d’avoir un impact sur des processus écologiques. Ces impacts de l’évolution sur l’écologie ont récemment captivé l’attention des scientifiques et mené à l’émergence de l’étude de la dynamique éco-évolutive. Une synthèse des connaissances actuelles de ce domaine d’étude est faite (Chapitre 3) et le manque d’études empiriques en nature est souligné. La majorité des études de dynamique éco-évolutive ont été faites en laboratoire. Parmi celles faites en nature, peu font la distinction entre changements évolutifs et plastiques. Pourtant, cette distinction est cruciale pour bien comprendre l’importance des changements en traits sur les processus écologiques. J’ai donc quantifié l’effet des changements évolutifs et non évolutifs en masse corporelle sur la survie, le recrutement et le taux de croissance de population et comparé leurs importances aux effets des changements en structure d’âge, de densité et de climat (Chapitre 4). J’ai ainsi pu montrer que l’impact sur la dynamique de la population des changements en masse peut être aussi important que celui des changements en densité et en structure d’âge. Les changements évolutifs contribuent beaucoup moins aux changements en taux de croissance que les changements plastiques, mais leur importance augmente avec la durée de la période d’observation.

Les effets cohorte sont une autre source importante de variabilité interindividuelle. Les différences dans l’environnement de naissance peuvent avoir des conséquences à long terme sur la performance individuelle et donc sur la dynamique de la population. J’ai quantifié les effets à long terme de l’année de naissance sur la survie et la probabilité de se reproduire, et j’en ai exploré les causes environnementales (Chapitre 5). Mon étude a révélé que les conditions à la naissance expliquent jusqu’à 34% de la variabilité de la capacité à sevrer un agneau et que les différences entre les cohortes étaient principalement dues à la densité à la naissance. J’ai ensuite exploré les mécanismes par lesquels l’environnement à la naissance conduit à des effets à long terme sur la valeur adaptative (Chapitre 6). L’analyse de piste révèle à la fois un effet
à long terme sur la masse adulte et un effet direct de la densité à la naissance sur le succès reproducteur à vie.

En somme, les résultats de ma thèse suggèrent que les différences interindividuelles peuvent avoir des impacts majeurs sur la dynamique des populations et que leurs causes sont complexes et multiples. Mes recherches contribuent ainsi à mieux comprendre l’impact des pressions anthropiques sur les traits et l’importance de ce genre de changement évolutif en trait sur le taux de croissance de population. De plus, mes recherches apportent une meilleure compréhension mécanistique des effets cohorte et de la manière dont ils pourraient induire un délai dans la
réponse d’une population aux changements environnementaux.

Identiferoai:union.ndltd.org:usherbrooke.ca/oai:savoirs.usherbrooke.ca:11143/11012
Date January 2017
CreatorsPigeon, Gabriel
ContributorsPelletier, Fanie
PublisherUniversité de Sherbrooke
Source SetsUniversité de Sherbrooke
LanguageFrench, English
Detected LanguageFrench
TypeThèse
Rights© Gabriel Pigeon

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