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Avec ou sans fard modèles, performances et effets des personnages travestis de la trilogie "Les cahiers de Céline" de Michel Tremblay

Quand on entend parler des travestis de Michel Tremblay, l'on pense à des hommes maquillés à outrance qui s'habillent en longues robes à paillettes, un boa de plumes autour du cou. L' image nous fait sourire, car nous nous souvenons facilement des prestations théâtrales burlesques qui ont contribué à les rendre populaires. En contrepartie, les romans de l'auteur sont moins connus, bien qu'ils livrent des informations sur ces personnages. Par ce mémoire, nous proposons d'examiner la construction des travestis dans la trilogie romanesque Les cahiers de Céline . Notre objectif principal est de déterminer les motifs inhérents à leur formation identitaire. En se fardant, les travestis n'ont plus à assumer leur identité d'homme québécois homosexuel. Ajoutons à cela que chacun des travestis a sa propre genèse, d'où la nécessité de relever la singularité de son parcours. Pour ce faire, nous avons divisé notre mémoire en trois volets : nous analysons d'abord les influences culturelles et émotives à l'origine du travestissement; nous recensons ensuite les habitudes vestimentaires et attitudinales et nous examinons enfin la réception des performances. Dans le premier chapitre, nous mettons en lumière les sources imaginaires de l'identité fictive. Les travestis trouvent des avantages à se déguiser en femme. Afin de les connaître, nous avons établis [i.e. établi] deux catégories, soit l'idéal-type et le type repoussoir. Pour les travestis de l'idéal-type, soit Babalu, Greta-la-Jeune, Hosanna, Mimi-de-Montmartre et Nicole Odéon, la conformité aux normes du genre les sécurise. Quant à ceux du type repoussoir, la Duchesse de Langeais, de Greluche, Greta-la-Vieille, Mae East et Jean-le-Décollé, la négation des idéaux féminins leur permet de gagner en considération. Pour ce qui est de la sous-catégorie des travestis-prostitués, nous confirmons l'hypothèse selon laquelle leur travestissement correspond aux fantasmes d'une clientèle avant de répondre à des aspirations personnelles. Au deuxième chapitre, les travestis affichent, par leurs prestations, leur inclinaison pour certains stéréotypes populaires. Notons que plus une icône féminine possède un répertoire de gestes flamboyants plus il est susceptible qu'elle soit choisie par les travestis, car ils éprouvent de la facilité à imiter ce qui est déjà caricatural. Nous constatons que ceux du type repoussoir sont plus enclins à créer de nouveaux personnages que ceux de l'idéal-type, qui doivent se soumettre à des règles plus contraignantes en matière de travestissement. Malgré ces différences, il arrive aux travestis repoussoirs d'être moins ridicule [i.e. ridicules] que ceux de l'idéal-type. Pour ces derniers, s'ils dénigrent leur modèle, c'est à leur insu, la médiocrité témoignant du clivage entre fantasme de consécration sociale et réalité performative. Le troisième chapitre s'intéresse à la façon dont les performances sont reçues par l'entourage. Selon les témoignages, nous constatons que les travestis restent marqués par leur condition sociale et économique. D'une part, ils connaissent mal les références culturelles qu'ils imitent, car elles sont trop éloignées de leur réalité. D'autre part, leur modeste revenu les empêche d'acheter les mêmes accessoires de marque portés par les artistes qu'ils affectionnent. De leur propre aveu, les travestis reconnaissent devoir exagérer leur performance pour se faire remarquer, jusqu'à se rendre ridicule [i.e. ridicules]. Cela peut paraître paradoxal pour ceux de l'idéal-type, mais la beauté ne leur assure pas le succès contrairement à la laideur. En effet, dans le bordel du Cycle des cahiers , les plus laides sont les plus demandées. Des hommes hétérosexuels s'intéressent à ces travestis afin de vivre une expérience subversive. La laideur devient exotisme, mais aussi une marque d'expérience, l'usure représentant le poids d'une vie difficile. La Duchesse étend ce constat à toutes ses consoeurs qu'elle juge médiocres, par leur apparence et par leur talent d'actrice. Le déguisement n'est au final qu'une activité ludique où la dimension spectaculaire théâtrale est plus importante que la dimension identitaire liée au sexe/genre. Et comme au théâtre, le personnage ne peut exister que du moment où son public est satisfait.

Identiferoai:union.ndltd.org:usherbrooke.ca/oai:savoirs.usherbrooke.ca:11143/5691
Date January 2012
CreatorsBusilacchi, Simon
Contributors[non identifié]
PublisherUniversité de Sherbrooke
Source SetsUniversité de Sherbrooke
LanguageFrench
Detected LanguageFrench
TypeMémoire
Rights© Simon Busilacchi

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